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chapitre précédent : A


B

BABY BOOM


Né en 1945, j’ai cultivé l’étrange conviction d’appartenir à la première génération d’hommes civilisés qu’il y aurait sur la terre : finies la guerre, la religion, les censures, la violence, les tyrannies, l’injustice, le racisme, la misère et la faim. Je cherche où, par qui, cette atroce illusion m’a été inculquée. Je ne trouve sérieusement que… le Journal de Mickey.


BASSESSE DU BASSET


Ce chien joue plus volontiers avec les chaussures qu’avec les chapeaux. Il ne relève pas ce qui tombe à terre : il s’en fait une compagnie. Il apprécie les mille-pattes, les tees, les balles qui rebondissent mal, les arceaux de croquet, il aboie aux limaces qui remontent hardiment la tige de l’auricule.

*

Une tante maniérée, à voix grave et crémeuse, à moustache ramasse-crottes, lit des romans efféminés le soir à sa chienne teckel. La pauvre bête en est devenue incontinente, ses yeux sont vides, ses tétines s’enflamment, ses babines pendent : il faudrait la couvrir.


BATTU


Si on m’avait mieux battu, je serais aujourd’hui une Camille Jeanjean, prix Lecture-Femme pour son roman-roman Marie Mariage, une sagaga : et j’aurais un château. Mais j’ai gâché mavimoneuvre, madame.


BEAUFS


De mère en fille, on met bas ces gorilles, on les dresse à force de gifles, on se les vend par épousailles. Tout gros con est l’œuvre de ce matriarcat miteux et dragonnesque. Aucun père ne commettrait ça.

Il est vrai que les pères sont encore à naître – mais de qui ?


BEAUTÉ


La beauté est un mensonge muet, écrivait Théophraste il y a vingt-quatre siècles. Sans doute pensait-il aux éphèbes d’Athènes.

S’il écume les cafés parisiens où de gentils voyous, le soir, secouent un billard électrique en attendant les pédérastes, un philosophe de Sorbonne reprendra la plainte du Lesbien. Ils sont beaux jusqu’à la douleur, ces jeunes garçons raides et lisses comme leurs verges : trognes d’enfants, silhouettes criminelles, éclairs nacrés des dents, des yeux, ricanements anatides, aines blondes et nerveuses au sperme torrentiel. Cela jette les hommes mûrs, laids, ventrus, velus, célèbres, dans des émois religieux.

Hélas, ces adolescents sortent leur beauté en ville sans rien mettre dessous. Ils n’ont qu’une puce dans le crâne, ils n’admirent pas votre esprit, ils ignorent même le nom du bougnat verdâtre qui orne leur billet de banque préféré. Cruauté du désir que la jeunesse inspire. Je vous maudis, charmes trompeurs !

Philosophe, tu triches. La beauté ne ment jamais : c’est toi qui te mens à son propos, et ce mensonge est ton enfer.

Ce garçon est la preuve vivante que la beauté ne signifie pas. Elle n’est ni lui ni personne. Elle n’a aucun contenu, aucune fin. Elle est peut-être la seule forme tangible du Présent, vide absolu. Elle ne te conduit nulle part et elle ne te parle que de toi.

Personne n’a jamais joui de la beauté humaine, ni celui qui la voit, ni celui qui la montre. La beauté que tu captures t’affamera autant que celle qui te fuit.

Quant à la beauté des œuvres, celle-là, oui, est peut-être une tromperie, mais… bavarde. Tu en sais quelque chose : tu as souvent fait le beau sur papier.


BÉBÉS


Le cerveau des petits cherche leur corps avec désespoir. Ôtez ces couches imprégnées d’excréments, prison portable dans laquelle on apprend à être nordique, obéissant et puritain.

Même adulte, un bain fessier permanent, un matelassage qui interdirait de voir et de toucher par-devant, par-derrière, vous rendraient fou et idiot. Mais n’est-ce pas ce que vous souhaitez que soient vos enfants ? Fous, pour jouir de les punir – idiots, pour jouir qu’ils vous ressemblent.


BÈGUES


Un million sept cent mille bègues en France – ce pays où l’on parle si peu.

Ils ont un porte-parole bègue, que j’ai entendu à la radio : il plaide mal. Tant pis, ils resteront minoritaires.


BEST-SELLER


Si un chien chie au bon endroit du bon trottoir, mille semelles par jour plébiscitent son étron. Rêve de tous les auteurs.

— Vous avez lu le best-seller de X… ?

— Non, mais j’ai failli marcher dedans.


BÊTE


Les bons livres sont pour les heures de bonne santé. Malade, malheureux, je ne lis rien, ou pire.

*

Les très jeunes enfants marquent une prédilection pour les très gros animaux : baleines, éléphants, girafes, le gentil toutou nommé lion, tels sont d’abord leurs petits amis. Cela produit parfois un accident mortel au jardin zoologique.

À mesure qu’il grandit, le petit d’homme perd le goût de se pendre aux grosses bêtes : il en chérit de médiocres, et plus profondément. Même un poisson rouge l’enchantera : il pleurera sa mort.

Les lecteurs de romans ressemblent à cela. Cultivés, ils apprécient les personnages sans qualité, les vies presque sans histoire, ils s’identifient aux épaves de Beckett. Tandis qu’un lecteur peu instruit veut des héros grands comme une montagne : milliardaires, champions, démons, divas, maîtres du monde. Il est cet infime coquillage qui, par millions d’individus, encroûte le museau des géants de la mer.

*

Mon cerveau est moins bête que moi : souvent, mon travail l’importune. Il le dit :

— Va te promener. Apprends des grimaces. Arrose les passants. Ronge tes orteils. Dors quinze heures. Enivre-toi dix jours. Accole-toi à un imberbe. Repeins sur ton derrière tes pois multicolores. Mais n’écris plus jamais, tu me déranges ! Laisse-moi réfléchir, tu n’es bon à rien, répète-t-il sourdement.

— Et alors ? Et de quoi on vivra ? Et qui c’est qui commande ? Organe !


BIPÈDE


Rester sans idée sur mille sujets, plutôt que d’accepter celles qui ont cours : préjugés, lieux communs, convictions, derniers cris.

Ce choix fait mal : il blesse une tyrannie du cerveau, qui préfère penser faux que laisser un vide. Une poule sait tout.


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