Abécédaire malveillant : I

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I

IDENTITÉ


Un libraire de province chevronné, à qui j’avais tu cet aspect parisien de ma vie, apprend que j’écris des livres et me demande sous quel nom. Je le lui confesse : mais ce péché lui était inconnu. Il remarque, joyeux :

— Allons, vous ne pouvez pas les vendre, vos bouquins, avec un nom pareil !

Cela expliquait qu’il ne m’ait jamais lu. Son diagnostic me réconforta. L’insuccès qui me menace depuis vingt ans aurait donc pour origine la seule ligne de mes ouvrages qui ne soit pas de moi.

Ai-je eu tort de garder le nom de mon défunt père et le prénom qu’il m’avait attribué ? C’étaient ceux de son propre papa : et je respecte mes ancêtres. Mais le libraire sait qu’un livre « littéraire » n’attire les masses que si son auteur affiche un plastron élégant : fi des patronymes mal déclinables, on ne vous rapporte pas à la maison. Je signais Rodolphe de Grand-Genre, je tombais dans le panier des ménagères – elles m’avouaient – j’étais riche !

Au lycée mixte où j’ai fini, jadis, je ne partageais pas les goûts poétiques de mes voisines : et, quand elles me lallayaient leur gluant Paul Éluard, je moquais l’Eugène Grindel qui se cachait dessous. Mais moi, à dix-sept ans, j’étais triste que mon Maldoror fût d’un Isidore, et qu’elles lussent méchamment Prout ma chère le nom d’un génie. Enfin, comment admirer des tragédies anglaises signées à peu près Billy Branslepoire ? Nous autres lecteurs sommes d’un bête, si vous saviez !


IGNORANCE


Douter est atroce, savoir est affreux. La seule voie du repos : ignorer. Chacun s’y exerce avec rage.


IMITER


Un homme a besoin de modèles, et non de leçons. On n’apprend que par l’imitation directe d’un être que l’on aime sans relâche.


INADAPTÉS


Jadis, la maison de redressement prétendait corriger les enfants indisciplinés. Aujourd’hui, on leur impose une psychothérapie. Punition patiente qu’administrent des bourgeoises doucereuses, infatuées et perverses. Mais ces dames ne battent pas : elles violent.

La cure est un pénitencier à la petite semaine, où, par brèves séances de tripotage, on vous inflige les barbelés intérieurs, les miradors intimes, les sévices sans trace, les pendaisons invisibles qui détruisent un homme à jamais, s’ils le replacent dans le rang.

On veut l’adaptation forcée des enfants à l’indiscutable perfection de leur famille, de leur école, de leur pays. On résout un problème en supprimant celui qui l’a, et non en redressant les institutions qui le lui posent.

Cette prétendue thérapie est l’équivalent mineur de certaines initiatives humanitaires en faveur des adultes : la torture par privation sensorielle, la peine de mort par injection léthale. Propre, efficace, médical, chrétien : tel est ce terrifiant progrès dans le pouvoir des tortionnaires, des garde-chiourmes et des guillotineurs.


INDÉPENDANCE


— Il y a deux sortes de patrons : les mauvais et les pires, me dit cet ami, qui dirige un commerce.

— Moi je ne sais pas, un écrivain travaille à son compte : mon patron c’est moi.

— Ah oui. Comme ce dessin où un boa se dévore par la queue.

— Non, non. Je ne me dévore quand même pas : je tète.


INJUSTICE


Si mille fourmis rouges grimpent sur mon ventre, j’aurai grand-peine à repérer la seule fourmi qui ne me mord pas.


INSTINCT


Il n’y a pas d’instinct maternel. Devant un enfant, les femmes ont le même besoin que devant un mâle : elles veulent se plaire.

Elles manipulent l’enfant pour en obtenir des réactions valorisantes, être obéies, être caressées, être prouvées. Puis, leur plaisir pris, elles grognent, tapent, se rengorgent.


INTESTINS


Aguichantes péteuses, foireux tremblants, constipés pathétiques, coliqueux torturés, damelettes hémorroïsses, bâtonnets merdeux, diarrhéiques bellâtres, érudits crottineurs, patriarches bouseux, humanistes venteux, petites fientes et mères Caca comme s’il en pleuvait : nos chers auteurs français se sont spécialisés dans les malaises intestinaux. Un monsieur Bernard Videpot leur passe le bassin et les essuie d’un doigt gourmand chaque vendredi à la télévision.


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