Alcibiade enfant à l’école (Texte intégral – 3)

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(Traduction française attribuée à Édouard Cléder, 1866.)


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— Mais, dit Alcibiade, sans avoir affaire aux femmes et aux garçons, ne pourriez-vous pas éteindre les ardeurs de l’amour, vous-même, de vos propres mains, sans dépense, sans fatigue, sans vous soumettre à personne ? C’est selon moi, le palliatif le plus sûr pour ne pas succomber faute de secours. Grâce à ce moyen, au moindre chatouillement de la luxure, vous avez entre les mains un remède aussi prompt qu’infaillible.

— Alcibiade, mon bien-aimé, répondit le maître, se pomper les humeurs avec ses propres mains, substituer une vaine image à une réalité vivante, est un misérable subterfuge, un pauvre expédient contre les furieux désirs de l’amour, qui veut éteindre sa soif à la vraie source, à laquelle on ne peut substituer le creux de la main que par un effort d’imagination. Cette triste ressource commence par enflammer davantage le désir pour l’éteindre infailliblement ; car la passion se meurt si elle ne se satisfait pas au contact d’un objet réel, si elle ne se plonge pas, si elle ne s’engouffre pas dans la liqueur désirée. Voulez-vous m’en croire, mon enfant ? évitez par-dessus toute chose, cette vilaine tricherie. Il faut que le vit soit modéré, parce que ses excès, en nous privant de notre substance la plus pure, la plus vitale, nous exténuent, nous dessèchent, nous consument.

» Souvent ce n’est plus la semence qui en sort, c’est le meilleur de notre sang ; le cerveau se distille, les esprits animaux s’évaporent. De là l’altération des traits, la pâleur livide, et souvent une mort précipitée. En effet, la nature, plus attentive à la conservation de l’espèce qu’à celle de l’individu, concentre tous ses efforts dans la préparation de la matière génératrice, en sorte qu’à chaque évacuation de semence, elle comble le vide par un autre produit semblable, dont elle prend la substance dans le plus pur de notre sang, travail qui épuise les veines et les parties les plus importantes et les plus vitales de notre corps.

» Quand on commence à se satisfaire avec les mains, cette pratique ne tarde pas à se changer en habitude, par la facilité qu’on y trouve. Une irritation continuelle et incommode rend le vit exigeant et impérieux, et veut qu’on le tienne toujours en mouvement ; elle force l’homme à devenir son propre assassin. Les autres occasions, si prochaines qu’elles soient, sont encore un peu éloignées ; mais celle-là, on l’a toujours sous la main. Certains prétendent qu’il y a pour l’homme trois degrés de perdition : le premier, c’est la femme ; le second, la pédérastie ; le troisième, l’onanisme. Ils mettent en premier lieu la femme, parce que, disent-ils, sa chaleur nous enlève trop de notre substance et ses mouvements désordonnés épuisent notre vigueur. Les garçons, ajoutent-ils, ont un charme particulier et des mouvements qui produisent en nous le même effet, un peu moins désastreux, tandis que les mains, avec une allure plus douce, plus modérée, sans violence, sans aucune de ces secousses qui nous ravissent les sens, secondent gentiment nos désirs. C’est à ce point de vue, sans parler des avantages que vous avez signalés, qu’ils prennent en main la cause de l’onanisme. Pour moi, si j’avais à donner mon avis, je n’hésiterais pas à attribuer à l’onanisme l’influence la plus mauvaise, et, comme cause de ruine, je le placerais sans comparaison au premier rang. En effet, le plaisir que nous cause la présence de l’objet aimé, délecte et calme tellement nos esprits, que, sans fatigue, sans pâmoison, nous goûtons le soulagement et le contentement désirés, qui nous payent du mouvement et de l’agitation. L’onanisme, au contraire, en nous privant de la vue et du contact du beau et du réel, nous laisse recrus et épuisés. Nous ne devons donc pas renoncer pour lui aux garçons, car des rapports modérés avec eux nous apportent la joie et la santé ; ce qui a fait écrire à l’un de nos plus fameux médecins cette notable sentence : Usus et amplexus pueri bene temperatus, salutaris medicina[1].

— Pourquoi insistez-vous sur ce mot, d’usage modéré, mon cher maître ? dit Alcibiade.

— Parce que l’excès est nuisible, comme je vous l’ai dit, répondit-il, non pas à cause du vice du sujet aimé, mais à cause de l’usage que l’on en fait. D’un autre côté, la privation est une cause d’infirmités et de souffrances. Car si ce principe surabondant et humide qu’on appelle la semence n’est pas rejeté à certains intervalles, il se répand par tout le corps, et il engendre des désordres nombreux et incurables. C’est pourquoi, quand j’ai mûri le sens et la raison de ces chers petits anges, ils deviennent pour moi l’objet d’un culte et d’un amour dévoués : sous les noms de neveux, ou d’écoliers, on les a toujours à ses côtés ; on fait rejaillir sur eux son propre éclat, on acquiert la bienveillance de leurs parents et on s’assure à soi-même des jouissances parfaites. Donc, à défaut de toute autre raison, l’intérêt social et politique suffirait pour justifier cette forme de l’amour.

— Mais, dit Alcibiade, est-ce que les hommes ne pourraient pas, sans faire aucune distinction d’âge, se donner ensemble ce passe-temps, d’autant plus qu’ils ont en eux-mêmes toutes les ressources qu’ils trouvent dans les enfants, et plus complètes encore ?

— La forme et la nature des plaisirs amoureux se modifient avec l’âge, dit Philotime ; la viande de chevreau est délicate ; celle du bouc est fétide. Aussi ceux qui courent aux bouquins, sont-ils des renégats d’amour, des bêtes fauves, des organisations corrompues. L’amour mâle est enfant. Il est vrai que trop bambin, il manque un peu de saveur. Les plus propres au déduit sont ces beaux jouvenceaux, composés de miel et d’ambroisie, faits pour nous attirer, pour nous convier aux plaisirs, comme les autres pour nous en dégoûter.

— Mais, demanda Alcibiade, de quel âge ? À quel âge marquez-vous la limite où l’on peut jouir des garçons, mon judicieux maître ?

— De neuf à dix-huit ans ; mais la limite est un peu arbitraire, car les uns gardent plus longtemps leurs grâces enfantines et les autres défleurissent plus vite. De même voit-on de charmants bambins, rondelets et vermeils, qui vous font bander dès le berceau.

— Mais, dit Alcibiade, comment en un âge si tendre serions-nous assez larges pour satisfaire vos désirs ?

— Question complexe. Les uns sont assez larges à cause de l’élasticité naturelle des parties ; les autres le deviennent, grâce à l’industrieuse discrétion de leurs amants, qui savent habilement se ménager avec eux une pleine jouissance. L’amant doit donc, avant tout, être discret et courtois et ne pas faire comme ces grands vilains ânes sauvages que l’on devrait rayer à la fois du nombre des vivants et de la sainte congrégation des glorieux pédérastes.

» Ces rustres-là sont de vrais pourceaux qui ne savent pas jouir du bel enfant Adonis, mais qui le tuent par la furie bestiale de leurs assauts. Ce jeu veut donc de l’art et du jugement. Aussi ne saurais-je trop louer la parfaite sagesse de ces amants sensés qui ne veulent pas faire de leurs bien-aimés de pauvres martyrs en les empalant comme font les barbares, en les pourfendant jusqu’à la garde, en mêlant le sang et les pleurs à ce charmant déduit qui ne devrait produire que joie et volupté. Ces personnes discrètes savent amuser habilement tour à tour les sens de l’enfant, de manière à ne lui faire ressentir aucune douleur. Ils multiplient ainsi leurs propres jouissances, et se font désirer et inviter par les garçons eux-mêmes, devenus friands de ce jeu plaisant et amoureux.

— Comment s’y prend-on pour le jouer, demanda Alcibiade ?

— Nous voulons, répondit le maître, que l’enfant prenne une posture qui lui permette d’étaler dans toute leur pompe ses belles pommes relevées et arrondies, et qu’il mette toujours sous les yeux de l’amant, comme un point de mire, le délicieux paysage de son jardin. Celui-ci, pendant ce temps, s’ébattant contre la cage avec son oiseau caressant qu’il tient, pour ainsi dire, moitié dedans, moitié dehors, de manière à attirer la convoitise amoureuse, donnera à la jouissance une saveur particulière et soutiendra son ardeur par le plaisir de la vue, ce plaisir qui devance tous les autres dans les joies de l’amour. Ces diverses voluptés forment un mélange parfait, si doux, si exquis, que les Muses et Apollon ne sauraient avec tout leur art en composer un pareil.

» Et si le joli chardonneret de l’enfant aimé s’ébat dans cet intervalle dans les mains de l’amant ou dans celles même du jouvenceau, tout n’en ira que mieux. Cet ingénieux passe-temps, cet accompagnement agréable, empêchera de se reproduire les répugnantes conséquences dont vous parliez tout à l’heure. Ce qui, à mon avis, est le plus important, c’est que par ce moyen, on pourra jouir de tous les jeunes garçons, même à l’âge le plus tendre, et on pourra de la sorte faciliter et multiplier ses plaisirs. L’amant ne dévorera pas cette douce proie comme un loup affamé, mais il la sucera et la léchera gentiment.

— Mais, interrompit Alcibiade, les pères ne veulent pas que les précepteurs usent ainsi de leurs enfants ; d’un autre côté, les maîtres qui se permettent ces licences n’ont pas une bonne réputation ; marque évidente que ce fait est réputé illicite et déshonorant ?

— Ces pères-là ont raison, parce que la sévérité que l’on emploie dans l’éducation se concilie difficilement avec les caresses et les voluptés amoureuses, sans compter que beaucoup de parents tiennent pour respectables les lois et les ordonnances contre la pédérastie.

» Mais les maîtres judicieux savent concilier par un juste tempérament la sévérité et la douceur. Ils comprennent que l’une sans l’autre est inutile et dangereuse, et que la sévérité seule fait du maître un barbare et de l’enfant un esclave.

» La douceur et l’indulgence seules rendent le garçon insolent et mal appris, et enlèvent au maître le respect et l’autorité ; mais, alliées à la sévérité, elles font miracle. L’amour ne rompt pas l’obéissance ; la jouissance volontaire n’est pas une trahison : l’enfant honoré des caresses d’un maître respectable n’encourt ni la honte ni le mépris. Loin de perdre quoi que ce soit à ce commerce, il devient tout à la fois un objet d’amour pour la classe et pour le maître. Ceux qui ne profitent pas d’une si belle et si avantageuse occasion, se font tort à eux-mêmes et se rendent volontairement incapables de poursuivre longtemps les exercices et les travaux de l’étude.

» Le caractère des enfants est indomptable, fier, déraisonnable ; en sorte que, si les douces impressions de l’amour n’en corrigent la portée, ces mauvais instincts peuvent devenir la source d’égarements funestes. Quand je vois leur mauvaise tenue, leur inconvenance, leur insolence, leurs bruyants ébats, tous ces défauts qui feraient sortir des gonds un colosse de marbre, je me sens tout à coup calmé et fléchi par leurs grâces angéliques. La vue de leurs savoureuses pommes de Paradis fait rentrer la paix dans mon cœur, et établit dans mon âme, agitée par un excès d’amour et par un juste désir de sévérité, un équilibre agréable et salutaire.

» Et bien qu’on ne puisse témoigner cet amour à tous les écoliers, pour des raisons d’âge, de réputation, de convenance sociale, pour éviter le reproche de partialité et d’injustice, pour ne nuire à aucun intérêt ; bien que dans les marques de bienveillance qu’on leur témoigne à tous, il y ait des degrés et des proportions, cependant le plus cher, le plus aimé d’entre eux, la brebis préférée, en un mot, n’est pas en apparence mieux traité que les autres ; les faveurs qu’on lui dispense sont secrètes comme les plaisirs qu’on goûte avec cet Adonis. Il résulte de là que tous nous aiment et nous respectent également ; que chacun se croit aimé de nous, que personne ne se plaint ni ne s’afflige, enfin que le maître, devenu le plus patient des hommes, trouve le moyen de satisfaire les autres en se satisfaisant lui-même.

» Qui eut la puissance d’emprisonner Jupiter sous la forme d’un taureau, sinon l’amour ? qui fit prendre à Hercule le costume et les sentiments d’une femme, sinon l’amour ? Qui donc, au milieu d’une bande de lutins indisciplinés, pourrait résister au continuel tourment d’endurer leurs caprices et leurs lubies enfantines, s’il n’était enchaîné à ce métier par l’amour ? Le maître, donc, qui ne les aime pas secrètement est un âne bâté, son école est un bagne dont il est l’argousin. Et puis, n’est-il pas raisonnable que qui cultive le terrain en retire les fruits ? Vous me donnez une cave pleine de vins, et vous voulez que je meure de soif à côté ? Le premier venu mettra la main sur nos enfants, le premier venu pourra en jouir, et nous seuls nous serons indignes de ce bonheur ! Cette belle fleur, ce fruit délicat seront la proie d’un bandit qui viendra tout déflorer, tout gâter dans l’enclos, et seul le fidèle jardinier n’aura pas le droit d’en jouir avec réserve et discrétion ?

— Vous plaidez fort bien votre cause, dit Alcibiade, mais permettez-moi encore une question, et dites-moi sincèrement quel plaisir nous pouvons goûter, nous autres garçons, quand nous voulons bien nous prêter à vos caprices ? Je n’en vois qu’un, celui de supporter dans une posture humiliante la furie de vos assauts, celui d’aller au sacrifice, au gibet, à la boucherie, à la roue, et d’être comme des malheureux qu’on écartèle. Si vous cherchez votre plaisir dans le mal d’autrui, vous dérogez à la justice et aux lois naturelles, qui défendent de faire mal au prochain, et particulièrement aux innocents et aux enfants sans défense. Car pour les autres, qui ont l’expérience de la chose, je ne les plains pas, c’est leur faute. Qui sait ce qu’on lui demande, et qui pourtant l’accorde, ne doit pas se plaindre, attendu que, volenti non fit injuria[2].

— Sur ce point important, mon cœur, je voudrais vous répondre par les faits, qui sont aux paroles ce que le corps est à l’ombre. J’ai peine à croire, pardonnez-moi, mon enfant, la liberté grande de mes paroles, que vous soyez si novice encore sur cette matière, comme si votre grâce suprême et votre exquise gentillesse n’avaient pas attiré sur vous, jusqu’à présent, les yeux d’une foule d’amants ; car une fleur aussi précieuse que la vôtre ne peut qu’exciter le désir de la cueillir. Les abeilles actives et industrieuses ont déjà sans doute butiné votre miel ; il est impossible que votre grâce incomparable soit restée jusqu’à ce jour oiseuse et inutile. Est-ce que le doux minois des jolis bambins ne reçoit pas déjà dans le berceau et dans les bras de la nourrice les baisers et les caresses lascives des amants enflammés ? Est-ce que dans la fraîcheur délicate des plantes naissantes, on ne devine pas déjà l’incarnat velouté de leurs fruits près d’éclore ? Est-ce que la brise elle-même qui les caresse ne semble pas les envelopper avec amour de ses molles étreintes, comme pour les baiser et pour en jouir ? Et que doit-ce donc être d’un garçon comme vous en sa florissante saison ?

— Je ne saurais nier, répondit Alcibiade, que nombre d’amants ne m’aient jusqu’à ce jour suivi et pourchassé, mais l’inquiète sollicitude de mes parents a mis une barrière à leurs désirs. Il est vrai qu’avec les jeunes garçons de mon âge, j’ai hasardé quelques privautés, qu’ils m’ont rendues, mais je n’en ai pas conservé un souvenir fort agréable, et je suis loin d’égaler de tels plaisirs à ceux qu’on goûte peut-être avec les hommes. Il y a sans doute entre ces ébauches de volupté et celles dont vous me parlez la même différence qu’entre un fruit vert et un fruit mûr. C’est pourquoi je ne suis pas trop éloigné d’en courir la chance, et je vous écoute de toutes mes oreilles.

— À l’œuvre donc, mon fils, dit le maître bandant, l’expérience vous apprendra mieux la vérité que tous les discours et tous les raisonnements.

— C’est bien mon désir, répondit l’enfant, seulement j’ai peur qu’une fois que vous n’aurez plus intérêt à me convaincre, vous ne deveniez plus sobre et moins explicite en vos discours ; suivez donc votre propos et soyez tranquille pour le reste.

— Ainsi ferai-je, répondit-il, et il continua :

» Le plaisir que les garçons goûtent sous les hommes est grand mais n’est pas égal pour tous. La cause générale pour laquelle il est grand, la voici.

» Tous nos sens ont un objet propre, lequel, bien réglé, bien ordonné leur cause une sensation agréable ; ils la communiquent à l’âme que la nature a créée pour la recevoir, comme les sens pour la donner. Ainsi la belle peinture, les représentations les plus parfaites de la forme humaine plaisent merveilleusement à notre vue, la musique charme l’ouïe, les doux parfums l’odorat, les mets délicats le goût ; le tact à son tour, le plus parfait et le plus admirable de tous nos sens, celui en qui consistent la vie et l’être des animaux et en qui se résument, avec une parfaite mesure, les diverses qualités des corps, le tact, dis-je, trouve sa suprême volupté à palper les parties les plus gentilles, les mieux faites, les plus molles. C’est pourquoi, dans les combats de Vénus, la bouche court avidement aux lèvres, sur lesquelles s’épanouit la rose purpurine, au milieu d’un visage blanc comme le lait. Les mains agiles, audacieuses, courent impétueusement aux mamelles, aux fesses, parce que là elles ne se heurtent pas contre la rude barrière des os et qu’elles y trouvent la pleine satisfaction de leurs désirs. Mais poussons plus avant ; aussi bien est-ce plus avant, plus intérieurement que se trouve placé l’objet véritable et vraiment désiré de ce sens. Vous saurez donc que la force principale du tact réside, de l’aveu de nos philosophes les plus savants, dans les parties nerveuses et dans les nerfs eux-mêmes : ce qui fait que le comble de la volupté se trouve dans les parties génitales, qui ne sont pour ainsi dire qu’un réseau de petits nerfs subtils et délicats. Ces parties ont une suprême jouissance, lorsque certaines conditions propres à les réveiller, comme l’archet réveille le son, viennent exciter la sensibilité qui leur est propre. Et pour parler net, cette jouissance ne saurait être complète que par l’émission de la semence génitale, qui concentre en elle tous les principes de la vie, qui, étant liquide, peut facilement se transmettre par les organes du plaisir et s’insinuer au laboratoire le plus secret de la vie, et, par suite, nous procurer des plaisirs divins. Les enfants ne sont pas encore d’âge à avoir cette semence, ce qui fait qu’ils ont peu de penchant pour ces plaisirs actifs de l’amour. Mais ayant en eux comme un germe de ce principe, comme un chatouillement voluptueux, avant-coureur du plaisir, ce qui leur tient lieu de semence, ce sont certains esprits amoureux qui caressent subtilement leurs nerfs et les provoquent à la volupté. Ces esprits étant agiles et toujours disposés à se mouvoir, il s’ensuit que la baguette des garçons dresse les oreilles à la moindre occasion et se met en colère. Mais, incapables de le faire à d’autres, ils concentrent violemment en eux-mêmes, et principalement dans leur jardin, le désir qu’ils ne peuvent répandre au dehors ; c’est pourquoi ils désirent être caressés, palpés et pleinement possédés.

» De là la facilité avec laquelle presque tous se soumettent aux plaisirs des hommes. S’il en est qui se montrent rétifs, ce n’est pas parce que la nature en eux se refuse à ce plaisir, mais parce que la crainte et le préjugé leur persuadent qu’un tel acte est coupable et honteux. Leurs parties, arrosées doucement par les tièdes ruisseaux d’une semence provocante, jouissent dans cet acte d’une incomparable volupté ; sans compter les autres plaisirs qu’ils goûtent dans les parties les plus molles où le mystère s’accomplit : voilà la cause du plaisir qu’ils ressentent généralement. Mais ce plaisir dépend en grande partie de l’expérience et de l’adresse de l’agent ; car on trouve de par le monde de vrais roussins qui, loin de donner contentement à l’enfant aimé, le mettent à la torture comme de vrais bourreaux et n’emportent pour trophée de leurs odieux plaisirs que les larmes, le sang, les cris et les spasmes douloureux de ces tendres et innocents agneaux.

— Mais, demanda Alcibiade, pourquoi ces derniers eux-mêmes ne causent-ils pas du plaisir aux garçons, puisque les mêmes moyens doivent amener les mêmes effets ?

— Alcibiade, mon trésor, répondit le maître, la perfection consiste dans la mesure et dans l’harmonie : le baiser est agréable, mais quand il ne mord pas ; gratter fait plaisir, mais trop gratter cuit ; il n’y a pas jusqu’aux aumônes, aux jeûnes et aux oraisons où l’excès ne soit un abus. Ainsi ces rufians ne sont pas des amoureux, mais des loups ; non des êtres dignes de goûter le bien suprême, mais des homicides, des ennemis de la nature et du monde.

» C’est contre ces malheureux (pour vous révéler un autre mystère) que les lois de certaines nations ont établi la peine du feu, et non pas contre les amants discrets. Que veulent donc ces lois ? Qu’au lieu de gâter le métier, on le fasse bien ; qu’au lieu de devenir l’occasion de haine et de désordre, il soit un lien de bienveillance et d’amour ; ce n’est donc point l’usage qu’elles proscrivent, mais l’abus, ainsi que dans une foule de points importants : tel a été évidemment le but de ces habiles politiques. Quant à la question de savoir pourquoi certains enfants jouissent plus que d’autres, cela vient de ce que les parties de leur jardin, sont unies à celles de leur chardonneret par des nerfs plus subtils, ce qui rend plus facile la communication des esprits ; en sorte que le frémissement voluptueux de l’oiseau accompagne et précède même la jouissance ressentie par le jardin. Quelques-uns même éprouvent un tel plaisir à se faire chevaucher, qu’ils en deviennent comme fous de désirs, qu’ils prient, qu’ils supplient, qu’ils forcent même leurs amants à leur faire la chose. Ces enfants sont vifs et ardents entre tous les autres, parce que l’abondance des esprits lascifs qu’ils ont en eux donne l’agilité à leurs mouvements et les rend plus chauds dans l’action ; aussi leurs moindres actes révèlent-ils le but où ils tendent, sans compter certains mouvements voluptueux des hanches, certains va-et-vient lascifs qui sont produits aussi par la circulation des esprits. Il y a encore certains garçons tranquilles et posés qui n’éprouvent pas avec le même excès le désir de carillonner ; mais si faible que soit en eux l’ardeur amoureuse commune à tous les êtres, ils n’en sont pas moins enclins à s’abandonner aux caresses, aimant à le faire sans le dire. Je ne crains pas de dire qu’il n’y a pas un enfant, quand il trouve à sa commodité le jour et l’heure, qui sache résister à ces plaisirs ; j’en sais même qui en sont si avides, si goulus, qu’ils ne souffrent pas de relâche, pas d’interruption dans le service du vit. Ils le caressent, ils l’éperonnent avec la salacité des chèvres, en sorte que je suis porté à croire qu’ils ont connu ce plaisir, avant de venir au monde, dans le ventre de leur mère.

— Je voudrais bien savoir, répondit Alcibiade, comment cela se pourrait faire.

— La nature des femmes, comme le savent tous les anatomistes, a la forme d’un membre viril renversé, dans l’intérieur duquel elles conçoivent les enfants. Or, chez certaines femmes plus lascives, ce membre intérieur se retourne en mille manières : l’enfant s’y développant dans une forme à peu près sphérique, c’est vers son cul que se porte la pointe du vit, c’est là qu’elle se heurte et qu’elle s’enfonce. L’enfant prend donc sa part du plaisir conjugal, il s’y habitue à un tel point que, plus tard, c’est pour lui un cruel supplice que de ne plus éprouver de chatouillement semblable.

» Les femmes éprouvent la même chose, car on en voit plusieurs qui ont une telle fureur pour ce plaisir, qu’elles renoncent à la figue et ne jouent plus qu’au garçon : en sorte que d’elles, comme des garçons, on peut dire indifféremment, sans se tromper, qu’elles ont été foutues avant de naître.

» Ce qui augmente encore le plaisir du garçon et le rend plus complet, c’est qu’il a dans l’acte le rôle le moins pénible, attendu que les spasmes, les défaillances, les sueurs, les gémissements douloureux, sont le rôle de l’amant. Il est vrai de dire qu’une fatigue modérée ajoute à la volupté, et qu’un garçon qui ne reste pas inerte et purement passif éprouve plus de jouissance.

» Voilà une partie des joies que ce jeu charmant assure aux garçons. Mais si c’est un plaisir que de bien faire, si c’est un contentement que de devenir savant et spirituel, combien de voluptés ne leur sont pas encore réservées !

— Énumérez-les moi, de grâce, répondit Alcibiade.

— Je veux bien, dit le maître. Dieu est grand, il est infini, il est incomparable, parce qu’il nous donne l’être, parce qu’il nous le conserve, et parce que tout ce que le monde peut désirer de beau et de bon, il le lui prodigue généreusement, sans jamais tarir la source de sa munificence.

» Celui, donc, qui, selon son pouvoir, répand les bienfaits les plus agréables, rend les services les plus doux, celui qui rend la vie aux malheureux qui languissent, qui tire de l’Enfer pour les transporter au Paradis les pauvres âmes en peine, celui-là n’approche-t-il pas de Dieu, autant qu’il est donné à la nature humaine ? Or, qui remplit mieux ces conditions que celui qui console l’amant ? que celui qui donne la jouissance des biens pour la possession desquels il sacrifie son repos et sa vie ?

» Et pourquoi pensez-vous que vos ancêtres, esprits sages et profonds, ont placé au rang des dieux de premier ordre, que dis-je, ont regardé comme les vrais fils du dieu suprême, Vénus et Cupidon, sinon parce qu’en leur temps, ces deux personnes accordaient aux hommes ces sortes de jouissances, avec une facilité et une courtoisie admirables ? Combien d’autres, pour les avoir imités, ont été mis aussi au rang des dieux et sont représentés dans le ciel par ces éclatantes étoiles, images éternelles de leur beauté, et qu’on nomme Castor, Pollux, Ganymède, Ariane, et tant d’autres qu’il serait impossible de nommer et de compter !

» Lisez seulement les légendes de la Grèce, vous les verrez pleines de cette vérité.

— Vous dites vrai, reprit Alcibiade ; j’ai lu toutes ces choses et les ai entendu dire ; mais pourquoi Cupidon et Vénus sont-ils des dieux plus grands et plus renommés que ceux que vous avez énumérés ?

— Parce qu’ils ont été plus beaux et plus courtois que les autres, répondit le maître.

— Dites-moi encore, mon cher maître, ajouta Alcibiade, comment expliquez-vous qu’on puisse, par ce moyen, comme vous l’avez dit, devenir spirituel et savant ?

— Voici, répondit Philotime. Le cerveau humain, qui est un des sens intimes de l’âme et qui dérive de l’intelligence éternelle, est, de sa nature, excessivement humide et froid ; en sorte que si rien ne vient le réchauffer, il reste obtus, incapable de connaître, plein de sécrétions immondes. Ainsi on voit les odeurs suaves, tièdes et tempérées contribuer puissamment à le ranimer. Mais rien ne remplit mieux ce but que le sperme d’un homme spirituel et instruit ; cette substance a une vertu miraculeuse pour cela. Infusée par la petite porte du jardin, grâce à sa chaleur naturelle, elle envoie vers les régions du cerveau des esprits alertes et subtils qui le disposent à s’assimiler les qualités de l’agent. Un enfant qui veut devenir l’égal de son maître n’a pas d’autre voie que celle-là. J’accorde bien que le foutre de la première personne venue, pourvu qu’il soit tiède et tempéré, peut féconder utilement le cerveau, mais pour porter de vrais fruits, parlez-moi d’un foutre noble et distingué. »

À ce trait plaisant, l’amoureux garçon fit un charmant sourire, et voulant prouver par des actes son extrême gentillesse, il se disposa à rendre heureux le maître tout haletant de désirs.

« Je me rends à vos vœux, lui dit-il, et c’est le désir de m’instruire, plus que toute autre raison, qui m’a déterminé. Voyez, je m’apprête à vous satisfaire. »

Ce disant, il souleva sa robe et prit modestement la posture propre à la circonstance. Le maître lui prêta le secours de sa main, et le vit bientôt étaler ses glorieux trésors d’amour qui firent rougir de honte le ciel et les étoiles. Le soleil lui-même, vaincu par ces splendeurs plus que célestes, n’eut rien de plus pressé que de se voiler la face.

Qui pourrait jamais détailler les incroyables merveilles répandues à profusion sur ce petit abrégé des splendeurs de l’univers ? Les deux hémisphères arrondis, pareils aux globes célestes, colorés d’un sang chaud, étaient semés de touffes vivantes de troènes et de narcisses. Au moindre toucher de la main, on les voyait tressaillir et s’empourprer de mille rubis, qui éclataient sur un fond de lait et de cinabre. Tout n’était là que prairies charmantes, jardins fleuris, arcs-en-ciel nuancés, blancs rayons, étoiles scintillantes. Leurs mouvements réguliers, graves, amoureux, comme on pouvait l’attendre de ce glorieux enfant, auraient fait bander les statues de bronze et de marbre. Oh ! quel spectacle majestueux et royalement beau que celui de ce bouton, aux plis serrés et délicats, pareil à celui d’une rose naissante, fleurette aux mille couleurs diaprées où la neige partout le disputait à la pourpre.

À l’apparition de ces suprêmes merveilles, vous auriez vu se pâmer de joie le maître fortuné. Mais ranimé soudain, il tombe aux genoux de l’enfant ; sa langue muette d’émotion, collée pour ainsi dire à sa bouche, donne à son idole le premier tribut : avide, errante, elle se fraie un chemin dans ce lieu désiré : furieuse, elle s’y plonge, et, plus avide que l’enfant qui se colle au sein de sa nourrice, elle lèche, elle suce, elle boit, elle engloutit cette délicieuse liqueur d’ambroisie. Bientôt, débordant d’une joie immense et s’apprêtant à une plus haute entreprise, il fait éclater cette hymne d’allégresse :

« Si les sages appellent Paradis le lieu où les âmes jouissent de la félicité céleste, tu seras le paradis d’Athènes, toi en qui les hommes vivants trouvent leur félicité. Et si l’homme est un composé plus parfait que l’âme seule, tu seras un Paradis d’autant plus glorieux que, dans le premier, les âmes seules sont heureuses, tandis qu’avec toi les corps le sont aussi.

» Si tu es le siège de la félicité, où réside le vrai Dieu d’amour, donne le bonheur réel ; je me consacre à toi avec une entière dévotion ; et s’il y a d’autres paradis, j’en donne volontiers ma part pour jouir du tien.

» Qu’est-ce que la gloire du ciel au prix de la tienne ? Il épouvante les hommes avec ses foudres ; tu les invites, tu les attires à toi, par tes douces promesses ; ses foudres réduisent tout en cendres ; les tiennes donnent à tout la vie et la fécondité.

» Ton mouvement, uniforme comme celui des cieux, est productif, tandis que le leur a des effets languissants et infructueux ; le tien avec son va-et-vient tantôt plus lent, tantôt plus rapide, produit des effets variés, mais féconds, tout pleins d’une joie calme et d’une volupté suprême ; aux mouvements célestes préside une intelligence oisive ; sur les tiens veillent des légions d’esprits amoureux qui ne se lassent jamais d’en régler le cours, que dis-je ! ils y puisent toujours une force et une vigueur nouvelles. Le ciel s’estime incorruptible, éternel ; toi, l’érection de tant de glorieux trophées, l’offrande de tant de vœux dont les témoignages sont suspendus en ton honneur, tant de prières efficaces, tant de larmes versées sur tes autels, tant de soupirs ardents exhalés vers toi, perpétuent ta gloire et ton souvenir dans la mémoire des hommes.

» Tu seras donc désormais le centre de mes pensées, le principe de leurs mouvements, la règle infaillible de mes actions, le but et la fin de mon plaisir et de ma félicité. C’est à toi comme à mon Dieu que je consacrerai mon cœur. »

Et en parlant de la sorte, le passionné maître, multipliant ses douces étreintes, continuait à jouir de l’adorable enfant. Et il sut si bien faire, que quand Alcibiade n’avait pas le vit de son maître dans le cul, il ne savait pas ce que c’était que le plaisir, et il ne croyait pas qu’il lui fût possible par une autre voie de devenir aussi parfait que son maître.

Bienheureux précepteur qui sus, en te faisant l’esclave d’une telle beauté, en jouir dans toute l’étendue de tes vœux !

Comment ils continuèrent leurs ébats, leurs caresses amoureuses, c’est ce que nous dirons dans une seconde partie plus lascive encore.





DI M. V.



L’art que l’on nomme bougrerie
Fut inventé par la docte Grèce ;
Les anciens l’ont cultivé, puis bientôt tous les hommes,
Pour éteindre l’ardente flamme de leurs vits.

Mais depuis eux,
Nous l’avons tant perfectionné,
Qu’il n’y a aujourd’hui fils de bonne mère
Qui ne prenne pour femme un garçon.

Foutez en cul, fuyez le con ;
Ânes bâtés, archipoltrons,
Cloîtrez vos vits dans le même ermitage.

Mais si vous chevillez au con, mes maîtres,
Vous tirerez de vos vits maigre profit,
Et n’y gagnerez que d’être appelés archicouillons.






DU MÊME



Comprenez poètes pécores,
Que vous n’avez cervelle ni génie.
Ne sauriez-vous dire si mieux vaut
Le faire sous la cotte ou dans la culotte ?

Je le sais bien, vous êtes tous bougres,
Je me connais à la physionomie ;
Mais dites-moi, sur votre honneur, lequel vaut mieux ;
Sinon, je dirai que vous êtes des buffles.

Vous ne répondez pas, ô buses,
Chats-huants, mamelouks, crétins,
Bélîtres, pendards, têtes de vits !

Pour moi, jamais un de mes couillons
N’a goûté la sauce du con ;
Du cul seul ils ont été les patrons.






DU MÊME



Con, je ne veux médire de personne,
Mais j’enrage quand je pense
Que les gens d’esprit, comme la canaille,
Fourrent leur entonnoir dans ta bonde.

Les bœufs aussi, les chiens, les cerfs, toutes bêtes
Foutent bravement en con,
Si le savoir n’apprend pas au fouteur à mieux faire,
Adieu l’étude ! qu’on ne m’en parle pas !

Nous devons foutre alors, nous les savants
(Passez-moi le mot, je ne veux pas vous blesser),
Où foutent les bêtes brutes.

Ô ! bénie sois-tu, docte Athènes,
Où Socrate et Platon, avec les jolis garçons
Prenaient tant de plaisir à se soulager les reins.






DU MÊME



Ô vous qui étudiez les sciences
Et écrivez chaque jour mille couillonneries,
Noircirez-vous le papier de mensonges
Et ne cesserez-vous de vous alambiquer le cerveau ?

Les bougres sont les prêtres et les moines,
Toujours rêvant à telle ribauderie ;
Ah ! que je reconnais bien là vos plagiats,
Mendiants des écrits d’autrui.

Si vous voulez que je dise vrai,
Vous êtes tous gibier de carcan,
Et de votre charlatanerie je ne donnerais pas une poire.

Mais voulez-vous acquérir une bonne instruction,
Dégagée de toute erreur et ne visant qu’à la vérité ?
Passez une matinée à lire ce livre.



Notes

  1. « L’usage et l’embrassement bien modérés des garçons est un remède salutaire. »
  2. « On ne fait pas injure à celui qui consent. »


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Texte italien,
1e partie
Texte italien,
2e partie
Texte italien,
3e partie

Traduction française,
1e partie
Traduction française,
2e partie
Traduction française,
3e partie

Sources

  • La première version de cette page a été partiellement récupérée de Wikisource [1], le 29-8-2009 (crédits : voir historique).