Archives de la Bastille (Petit, Desforges, Lebel, Louvart)

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Le onzième volume des Archives de la Bastille, publié en 1880 par François Ravaisson, porte sur la fin du règne de Louis XIV, de 1702 à 1710. On y trouve entre autres les pièces d’une affaire d’« infâme débauche » impliquant de jeunes garçons. Les principaux accusés sont Martin Petit de Boution de Coubertin, Lelièvre Desforges, Lebel et Dupressoir-Louvart.

(Les abréviations de l’original ont été rétablies en toutes lettres.)

Documents



PETIT1 ; DESFORGES2 ; LEBEL3 ; LOUVART4.


Débauche5.


le commissaire bizoton à m. d’argenson.


Martin et sa femme, qui tiennent une petite chambre garnie rue de Seine, près la Galère, me viennent de donner avis que depuis un mois, ils ont loué la chambre à un jeune homme, nommé Petit, âgé d’environ 20 à 26 ans, beau de visage, qui jour et nuit reçoit et amène plusieurs jeunes gens avec lesquels, non seulement il fait une débauche de viande et autre chose, mais encore se prostitue à tous les jeunes gens qui le viennent trouver dans le lit, jusques à 3 heures après-midi, qu’il se lève et s’habille. Ensuite s’en vont dans les jeux publics chercher d’autre compagnie, qu’il ramène passer la nuit chez lui ; que la nuit dernière, ils étaient encore six et y ont mangé une longe de veau et un quartier d’agneau6 ; que s’étant aperçus que leur lit était tout gâté, et s’en étant plaints à Petit, il les a menacés de les faire assassiner s’ils parlaient de cela à qui que ce soit ; qu’il devait sortir demain de sa chambre, et aller loger tout auprès, au-dessus de la Galère ; que ce jeune homme est très-décrié par ses débordements, et que partout où il a logé, on l’a mis dehors à cause de ses débauches ; qu’ils n’ont pu savoir autre chose sur son pays et sa famille, sinon qu’il était de Beauce, et qu’il s’en vante ; qu’il fréquentait un jeune homme qui se dit avoir l’honneur d’être de vos alliés ou parents, mais n’ont pu en savoir le nom. Comme cet avis m’a paru d’une grande importance, par rapport à cette infâme débauche, j’ai cru être obligé de vous en rendre compte, en attendant vos ordres que j’exécuterai ponctuellement.

19 mars 1702.


Je viens de faire arrêter, en exécution de vos ordres, Petit de Boution, et conduire chez M. Aulmont. Il nous a dit qu’il est natif de Chevreuse, fils d’un fermier, qu’il y a quatre ans qu’il est à Paris. Dans ce que j’ai parcouru de ses papiers que j’ai trouvés renfermés dans une malle ronde, il m’a paru qu’il a été ci-devant valet de chambre de M. de Gadagne, et j’ai trouvé une lettre cachetée à l’adresse de M. le comte de Tallard, lieutenant général des armées du Roi7. Toutes ces lettres sont remplies de discours qui justifient, du reste, le commerce abominable où il est livré depuis longtemps, et hier il soupa tête à tête avec un homme de condition qui est fort soupçonné de ce désordre ; ses papiers ont été remis dans sa malle, fermée à la clef, et la clef en sa possession, et la malle entre les mains de M. Aulmont. Je crois que si vous avez la bonté d’examiner cet homme, vous apprendrez des choses effroyables sur son commerce.

22 mars 1702.


Lebel est un beau garçon, bien fait, ci-devant laquais, et qui à présent se fait passer pour homme de qualité.

Cet homme est dans la dernière débauche, et c’est un lieu où l’on voit tous les jours entrer des jeunes garçons avec des gens de qualité et même des moines, lesquels y passent des journées entières à faire des débauches très grandes, et on assure que le péché de Sodome s’y commet avec la dernière licence.

À remarquer que voilà deux mémoires qu’on donne contre cet homme touchant cette débauche, et qu’il a été chassé de la paroisse de Saint-Sulpice, et de là a été demeurer derrière les Capucines, dans une maison très propre à ce genre de débauche.

(Bibliothèque de l’Arsenal)


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pontchartrain au même.


Versailles, 5 avril 1702.

Vous trouverez ci-joint un ordre pour mettre à la Bastille Petit de Boution, où il faut que vous l’interrogiez à fond sur tout son mauvais commerce, et que vous m’envoyiez son interrogatoire avec les pièces qui ont été trouvées dans sa malle, après quoi on verra s’il conviendra mieux de le mettre à Vincennes ou dans quelque château éloigné.

(Archives Nationales)


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journal de m. du junca.


Du dimanche 9 avril, sur les 8 heures du soir, M. Aulmont le jeune a mené et remis M. Petit de Boution de Coubertin, près de Chevreuse, etc., lequel est soupçonné, et même accusé d’être un sodomite, lequel a demeuré détenu plus de 15 jours chez M. Aulmont, que j’ai reçu en arrivant, et fait mettre à la première chambre, seul, de la tour du Puits.

(Bibliothèque de l’Arsenal)


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pontchartrain à m. d’argenson.


19 avril 1702.

Sa Majesté veut bien faire chasser de Paris Desforges, ainsi que vous le proposez ; mais il faut auparavant l’interroger sur les choses dont il est accusé. Je vous envoie à cet effet un ordre pour le faire conduire à la Bastille, où vous lui ferez subir en secret un interrogatoire que vous m’enverrez, s’il vous plaît, qui n’étant connu que de vous et de votre greffier, ne peut porter aucun préjudice aux familles qui s’y trouveront intéressées.

(Archives Nationales)


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journal de m. du junca.


Du lundi 24 avril, à 8 heures du matin, M. Aulmont le jeune a mené et remis M. Lelièvre, sieur Desforges, se disant gentilhomme et maître horloger, etc., qu’on accuse d’avoir trop parlé et tenu de mauvais discours dans le monde, lequel j’ai reçu et fait mettre dans la troisième chambre de la tour de la Chapelle, à la cage percée, bien fermée.

(Bibliothèque de l’Arsenal)


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pontchartrain à m. d’argenson.


Versailles, 6 mai 1702.

Sa Majesté veut bien faire mettre à l’hôpital général[1] Lebel et Louvart, mais il faut auparavant les interroger sur les crimes dont ils sont accusés. Comme il n’y a point de confrontation à faire, ce sera une procédure de peu de durée, et si vous voulez les dérober entièrement à la connaissance du public, vous pouvez les envoyer à la Bastille pour quelques jours.

(Archives Nationales)


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journal de m. du junca.


Du vendredi 12 mai, sur les 4 heures après-midi, M. de Savery, etc., a remis M. Dupressoir-Louvart, qu’on dit être le fils d’un perruquier, habillé en marquis, que M. le gouverneur a reçu, etc., et fait mettre seul à la première chambre de la tour de la Chapelle, renfermé.

Du dimanche 14 mai, à 9 heures du matin, M. de Savery a remis M. Lebel, étant de la même affaire de Dupressoir, n’y ayant qu’un ordre pour les deux, lequel j’ai fait mettre à la cinquième chambre calotte de la Bretaudière, renfermé.

(Bibliothèque de l’Arsenal)


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mémoire autographe de m. d’argenson, paraphé par lebel.


2 juin 1702.

Gens avec qui Lebel a commis le péché de sodomie.

Il est âgé de 24 ans et originaire de Paris. Son père est valet de chambre de M. de Chanlot, secrétaire de feu M. le Prince, et il a étudié au collège des jésuites jusqu’en seconde, après avoir été enfant de chœur à Saint-Sulpice, pendant 3 ans. Duplessis, fameux sodomite, qui loge aux environs de Saint-Étienne des Grecs, et se promène tous les jours dans le jardin du Luxembourg pour y séduire de jeunes écoliers, est le premier qui l’a débauché, et ce fut dans ce même jardin qu’il écouta ses propositions infâmes ; il n’avait alors que 10 ans, et dès lors Duplessis avait presque tous les jours chez lui une assemblée de jeunes gens dont il abusait successivement.

Il le produisit à Coutel, qui demeure au Palais-Royal, et qui est non seulement un sodomite, mais un impie.

Astier était de la même société : tous trois vont au Luxembourg et dans les billards de la place de Saint-Michel, presque tous les soirs, pour faire des parties avec des jeunes enfants, les attirer au cabaret ou dans leur chambre, et y commettre avec eux les dernières abominations.

Comme ils n’ont aucun bien, et qu’ils ne subsistent que de cette intrigue, ils livrent les jeunes gens qu’ils ont débauchés à des personnes qui les payent bien, et ils en partagent le prix.

L’abbé de Villefort, qui a été à la Bastille, et depuis chassé de Paris pour de semblables infamies, l’a aussi connu et l’a produit à M. de Ch., colonel réformé, qui lui donna un louis d’or, et prétendit ensuite qu’il était son soldat ; mais ses amis le tirèrent d’affaire. Il a connu plusieurs autres gens dont la principale étude est de corrompre la jeunesse et d’en faire un trafic ouvert. Voici leurs noms :

M. Leroux, qui demeure derrière l’église de la Madeleine, s’en est vanté en sa présence ; celui-là envoie de beaux laquais à des seigneurs de province, lorsqu’on lui en demande, et fait ici les conditions de leurs engagements. Comtois, limonadier, qui tient sa boutique dans la rue des Bons-Enfans, près le Palais-Royal ; M. de Sancerre, de Montpellier, qui loge dans la rue Dauphine, vis-à-vis l’hôtel d’Anjou ; M. de la Guillaumie, abandonné à toutes sortes de débauches, et renfermé chez les PP. de la Charité de Charenton, par ordre du Roi, à la prière de ses parents ; Baptiste, qui a été au service de M. de Vendôme8 et a longtemps abusé de sa confiance, jusqu’à se vanter qu’il lui fournissait des jeunes gens, et qu’il en était bien payé ; M. l’abbé de Capistron9, qui passe pour être chargé du même soin ; M. l’abbé de Larris, ci-devant dans le quartier de Sainte-Geneviève ; celui-ci est d’une figure agréable et se prostituait lui-même ; l’abbé Lecomte, qui a été chassé du séminaire de Saint-Magloire, est originaire de Paris, et fait depuis longtemps sa principale étude d’attirer des écoliers pour les corrompre ; l’abbé Dumoutier, camarade ordinaire de l’abbé Lecomte et du même commerce ; l’abbé Bruneau10, qui a plusieurs parents dans la robe ; l’abbé Servien11, et l’on dit qu’il a dans le quartier de Saint-Paul une maison particulière qui ne lui sert qu’à cet usage.

M. le duc de L.12, qui au mois d’août 1699, étant accompagné d’une personne de distinction qu’il ne connaît pas, le pria de venir souper avec eux, quoi qu’il ne lui eût jamais parlé, ce qu’il n’accepta pas.

Sait aussi que les gens de ce commerce abominable se donnent des rendez-vous chez Livry, limonadier de la place du Palais-Royal, mais ne croit pas que Livry soit de l’intrigue.

A ouï dire que le dernier ambassadeur de Portugal était dans ce goût-là, et qu’il avait à son service un grand page nommé Louis, dont il a fait depuis son gentilhomme, et qui, après le départ de l’ambassadeur eut à Paris un carrosse fort brillant.

On disait alors que M. le duc de Lesdiguières aimait ce page et qu’il lui donnait beaucoup d’argent, et se souvient qu’on parlait d’une bague de cent louis.

Le fils d’Alvarez13 et l’abbé Bailly, fils de la maîtresse du président de Maisons, camarades ordinaires ; Robert ou Gobert, valet de garderobe chez M. le duc d’Orléans.

Soupçonne le jeune duc d’Estrées d’avoir cette pente, et sait qu’il voulut faire sortir de condition un grand laquais fort bien fait, qu’il trouva dans l’église des Jacobins, pour entrer à son service, ce qui donna lieu d’en parler le soir aux Tuileries, comme d’une chose qui était du dernier ridicule.

Autrefois le Père Armant, de Paris, capucin, se mêlait de ces abominations. C’est auparavant qu’il fût religieux, et maintenant il est d’une conduite exemplaire. Il demeure dans le couvent de Saint-Honoré, et il était connu dans le monde sous le nom de la Ville-aux-Bois ; il a pour oncle M. Amoing, greffier du grand conseil, et il est sur le point d’être ordonné prêtre.

Le répondant offre de découvrir en ce genre les intrigues les plus secrètes de Paris, surtout par rapport aux régens et aux précepteurs qui corrompent l’innocence de leurs écoliers, et il ne demande pour toute récompense que d’être renfermé à Saint-Lazare, au pain et à l’eau, en attendant qu’on le juge digne d’être religieux à Joyenval, qui est un monastère de l’ordre de Prémontré, suivant le vœu qu’il en a fait. M. l’évêque de Chartres est abbé de celte abbaye, où il était sur le point d’être reçu, lorsqu’il a été arrêté et conduit dans ce château.

(Bibliothèque Nationale)


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journal de m. du junca.


Du dimanche 18 juin, à 11 heures du matin ou environ, Dupressoir-Louvart, prisonnier renfermé seul, à la première chambre de la tour de la Chapelle, sans nulle apparence de maladie ni de folie, que d’un mal vénérien, qu’un désespoir l’a porté à se couper toutes les parties nobles, entièrement enlevées et jetées lui-même dans le coin de sa cheminée, et voyant qu’il ne pouvait en mourir assez tôt, et que l’heure qu’on lui devait apporter à dîner approchait, il reprit son même couteau, et se coupa la gorge jusqu’à l’os. Un moment après, M. Lecuyer, capitaine des portes, allant dans sa chambre pour lui faire apporter à dîner, a trouvé Dupressoir sur son lit, agonisant, couvert de sang. Étant venu aussitôt avertir M. le gouverneur, et demander M. Giraud, l’aumônier, qui y a accouru dans le moment ; mais l’ayant trouvé hors d’état de pouvoir parler, il a donné des marques par des signes, qu’il entendait bien tout ce que M. l’aumônier lui disait, et même il eut assez de force pour se lever sur son séant, et fit signe qu’il désirait d’écrire. On lui apporta dans le moment ce qu’il fallait pour cela. Lequel écrivit sur un morceau de papier : Je demande pardon à Dieu de tout mon cœur ; c’est le désespoir. Il continua à donner de bonnes marques de chrétien repentant jusqu’à sa mort, qui fut sur les 3 heures après-midi. M. le gouverneur en ayant donné avis à M. d’Argenson, il vint le soir du même jour, seul, pour s’informer du détail de ce malheur arrivé, et ce qu’il y avait à faire, l’ayant trouvé mort ; il fut convenu qu’il enverrait le lendemain lundi, à 7 heures du matin, le commissaire Bizoton, seul, pour faire la visite du corps, et un procès-verbal de l’état où il l’a trouvé, ce qu’il a fait en présence de MM. Corbé, lieutenant de la compagnie, de Rosarges, officier, de Reil, chirurgien, et de R., porte-clefs. Cette procédure faite dans la matinée, les prêtres de Saint-Paul sont venus enlever le corps de Dupressoir-Louvart, qu’on a fait enterrer sous le nom de Pierre Massuque, en présence et aux soins de La Coste, sergent de la compagnie, et de quelques soldats. — Du lundi 19 juin 1702.

(Bibliothèque de l’Arsenal)


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pontchartrain à m. de saint-mars.


19 juin 1702.

J’ai reçu la lettre que vous m’avez écrite concernant Louvart, qui s’est désespéré ; le meilleur moyen pour empêcher cette sorte d’accidents est de ne laisser aux prisonniers aucuns couteaux ni autres choses dont ils pussent faire mauvais usage, et de les visiter et de les faire visiter souvent ; j’entends par le mot de souvent, le matin, le soir, et 3 ou 4 fois le jour, et même pendant la nuit, ceux sur qui on peut avoir du soupçon.

(Archives Nationales)


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le même à m. d’argenson.



Versailles, 21 juin 1702.

J’ai lu à Sa Majesté l’interrogatoire que vous avez fait prêter à Lebel ; elle veut que vous approfondissiez à fond et en détail toutes les misères et les abominations dont il a commencé à vous parler, en lui promettant de le faire recevoir à Saint-Lazare, ainsi qu’il le désire. Travaillez donc incessamment à cette affaire, sans avoir aucuns égards pour qui que ce soit qu’il pourrait nommer ; vous jugez mieux que personne de quelle importance c’est d’approfondir ce qui regarde les régens et les précepteurs qui corrompent les écoliers.

Marly, 5 juillet 1702.

Lorsque vous aurez appris de Lebel les noms des jeunes gens qu’il vous a indiqués, prenez la peine de me le mander et d’attendre les ordres du Roi avant que de les faire arrêter.

28 juillet 1702.

Je vous envoie l’ordre pour faire mettre à l’hôpital Desforges ; il y demeurera 2 ans, après quoi il sera chassé de Paris.

(Archives Nationales)


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journal de m. du junca.


Du jeudi 3 août, à 10 heures du matin, M. Aulmont l’aîné est venu, etc., afin de lui faire remettre M. Lelièvre Desforges, gentilhomme, qui travaillait en pendules et fusils, lequel étant détenu ici, a été transféré dans le moment dans l’hôpital général, pour y être renfermé jusqu’à nouvel ordre du Roi. — Accusé de plusieurs infamies.

Desforges a été mené à Bicêtre.

(Bibliothèque de l’Arsenal)


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pontchartrain à m. d’argenson.


Versailles, 16 avril 1704.

Petit de Boution doit être conduit à l’hôpital, d’où il pourra être envoyé aux Chartreux, s’il se trouve quelque couvent qui veuille bien le recevoir.

(Archives Nationales)


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rapports de m. d’argenson.


Lelièvre, sieur Desforges, etc.

En 1702, il a été à la Bastille pendant plusieurs mois ; il s’attachait à corrompre les jeunes filles de 10 ans, et il ne paraîtrait pas convenable de le faire sortir encore.

En 1701, Lebel, son père, était maître d’hôtel de M. de Chanlot, secrétaire des commandemens de M. le Prince, et ce jeune homme, vicieux dès l’enfance, après avoir fait ses classes dans un collège de cette ville, et s’y être livré aux plus infâmes prostitutions, a tenu chez lui une école d’abominations et de sodomie ; il est convaincu de tous ses désordres par son propre aveu ; mais après avoir été 9 mois à la Bastille, il a demandé avec la dernière instance d’être transféré dans cette maison (Saint-Lazare), pour y faire une pénitence un peu plus volontaire ; cependant, son esprit paraît toujours inquiet, ce qui fait craindre que sa conversion ne soit encore fort incertaine.

J’apprends même que depuis qu’il est à Saint-Lazare, il a donné de nouvelles preuves de son inclination vicieuse et corrompue, malgré les protestations et les serments tant de fois répétés dont il s’était servi pour me tromper. Ainsi, ce n’est plus maintenant à titre de grâce qu’on doit le laisser dans cette maison, mais à titre de justice et de pénitence.

Martin Petit, mis à Bicêtre.

En 1704, il est venu de la Bastille, et c’est un sujet fort indigne ; la sodomie a été la principale occupation de sa jeunesse, et quand la prostitution de sa personne lui est devenue inutile, il en a prostitué d’autres et s’en est fait un revenu. Tantôt il veut être chartreux, tantôt il demande à être soldat, et il y serait assez propre sans l’habitude vicieuse dont il est possédé.

En 1705. Je pense même qu’on pourrait le donner à un officier de confiance, en lui défendant de le laisser venir à Paris, où il serait à craindre que la vue de ses anciens camarades ne le fît rentrer dans ses premiers désordres.

Apostille de Pontchartrain : Donner pour soldat dans le régiment de Noailles, le 31 mai 1706.

(Bibliothèque Nationale)


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pontchartrain à m. d’argenson.


19 avril 1705.

Je vous envoie l’ordre pour faire sortir de Saint-Lazare Lebel ; tenez la main à ce qu’il se rende incessamment à l’exercice de l’emploi que M. du Tronchet veut lui donner, sa liberté ne lui étant accordée qu’à cette condition.

(Archives Nationales)


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le même à m. de saint-mars.


28 novembre 1706.

Vous verrez par le placet de la mère de Louvart, la demande qu’elle fait d’un diamant et des hardes du défunt ; je ne doute pas que vous ne lui fassiez rendre tout ce qui peut lui appartenir. Ainsi, je mande à cette femme de s’adresser à vous et de vous justifier qu’elle est héritière de son fils ; car s’il avait une femme ou des enfants, il serait plus juste de leur remettre ces hardes.

(Archives Nationales)




  1. Ordres d’entrée du 5 avril 1702, et de sortie du 16 avril 1704.
  2. . . . . . . d° . . . . . . 19 avril . . d° . . . . . d° . . . . . 27 juillet 1702.
  3. . . . . . . d° . . . . . . 10 mai . . . d° . . . . . d° . . . . 11 janvier 1703.
  4. . . . . . . d° . . . . . . 12 mai . . . d°.
    Ordres contresignés Pontchartrain.
  5. En accordant les honneurs de la Bastille aux misérables débauchés dont il est ici question, la police voulait éviter le scandale causé par les procédures faites devant la Tournelle, et par les flammes du bûcher sur lequel les coupables étaient brûlés tout vifs ; elle cherchait encore à soustraire à la curiosité du public les déclarations des accusés contre leurs complices, et à préserver ainsi l’honneur des familles. Ce sont là les véritables motifs de l’indulgence du Roi pour un vice qu’il avait en profond dégoût et à propos du quel ses plus cruels ennemis n’ont pu faire tomber sur lui l’ombre d’un soupçon.
  6. On était sans doute en carême ; nous ferons remarquer comme un trait de mœurs que le commissaire semble trouver l’inobservation du maigre un crime aussi grave que celui qu’il dénonce au lieutenant de police.
  7. Le duc de Saint-Simon dit, sans autre commentaire, que M. de Tallard vivait mal avec sa femme ; on voit ici quelle était la cause de leur mésintelligence, et que la dame n’avait pas tout le tort.
  8. Si l’on en croit les chansons du temps, les propos de ce Baptiste étaient la pure vérité.
  9. Louis de Campistron, d’une famille de Toulouse ; il était entré chez les jésuites dès l’âge de 13 ans, et mourut en 1733, âgé de 77 ans. C’était un lauréat de jeux floraux ; il faisait partie, comme son frère l’académicien, de la maison de Vendôme.
  10. Cet abbé était sans doute parent de Antoine Bruneau, avocat au parlement, fort connu alors.
  11. Augustin Servien, abbé de Saint-Jouin et de Pierreneuf, et prieur de Sainte-Catherine-du-Val-des-Écoliers, mort à Paris, le 6 octobre 1716. C’était un fils d’Abel Servien.
  12. Jean-François Paul, duc de Lesdiguières, né en 1678, et mort à Modène en 1704. Il avait épousé en 1696 L. de Duras, fille du maréchal de Duras.
  13. Le père était un marchand de diamants fort connu alors, et qui avait été souvent chargé par Colbert de missions secrètes et fort délicates.


Source

  • Archives de la Bastille : documents inédits. XI, Règne de Louis XIV (1702 à 1710) / recueillis et publiés par François Ravaisson,…. – Paris : A. Durand et Pedone-Lauriel, 1880 (Paris : Impr. Pillet et Dumoulin). – [8]-560 p.
    Table des matières p. 549-556. Table des auteurs de la correspondance p. 557-558.

Voir aussi

Articles connexes

Notes et références

  1. L’Hôpital Général de Paris n’était pas un établissement médical, mais un lieu d’enfermement qui avait pour objectif de mettre au travail les mendiants, vagabonds et autres marginaux ou délinquants afin de « sauver leurs âmes ».