Voir la source de La confession d’un Arcadien sous la Renaissance italienne (Roger Peyrefitte)

Un article intitulé '''''La confession d’un Arcadien sous la Renaissance italienne''''', par '''[[Roger Peyrefitte]]''', a paru en mars [[1963]] dans la revue homophile ''[[Arcadie (revue)|Arcadie]]''. Il servait de présentation à deux contes [[italie]]ns de la [[Renaissance]], traduits par le même auteur : la [[Facéties porrettanes – Nouvelle XIII (Sabadino ; Peyrefitte)|Nouvelle XIII des ''Facéties porrettanes'']], par [[Giovanni Sabadino degli Arienti|Jean Sabadino des Arienti]] ou Ardenti ; et la [[Nouvelles – Première partie, Nouvelle VI (Bandello ; Peyrefitte)|Nouvelle VI]] de [[Matteo Bandello|Mathieu Bandello]].

==Texte intégral==
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{{Citation longue|
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<center><big><big>LA CONFESSION D’UN&nbsp;ARCADIEN</big><br><br>SOUS LA RENAISSANCE ITALIENNE</big><br><br>''par''<br><br>{{Petites capitales|Roger PEYREFITTE}}</center>

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L’[[antiquité]] avait ses contes milésiens, dont les thèmes volaient d’une rive à l’autre de la Méditerranée, comme des flèches littéraires de l’[[amour]]. Ils faisaient admirer aux races diverses, nées dans ces heureux climats, leurs propres aventures sur les chemins du plaisir.

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Nous en trouvons des exemples chez [[Lucien de Samosate]] et chez [[Apulée]] ; l’histoire de l’[[éphèbe de Pergame]], perle du ''[[Satyricon (Pétrone)|Satyricon]]'', est peut-être « de Milet », comme, beaucoup plus tard, certaines des ''[[Les mille et une nuits|Mille et une nuits]]''.

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Les nouvellistes de la [[Renaissance]], y compris Boccace, semblent bien avoir exploité ce fonds commun, enrichi par les siècles. J’en verrais une preuve dans deux nouvelles que publièrent, à quatre-vingts ans de distance, deux conteurs [[italie]]ns : [[Giovanni Sabadino degli Arienti|Sabadino des Arienti]] ou Ardenti, à la fin du {{s|XV|e}}, et [[Matteo Bandello|Bandello]], à la fin du [[XVIe siècle|{{Petites capitales|xvi}}{{Exp|e}}]]. Elles décrivent, l’une et l’autre, la [[confession]] d’un pécheur invétéré du « [[péché]] [[contre nature]] », et m’ont paru mériter l’intérêt des lecteurs de cette revue. Il existe des traductions françaises de Bandello, mais je ne sais ce qu’elles valent ; il n’en existe pas de Sabadino.

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Le premier conte se situe à Bologne. Il met en scène un Florentin et un [[moine]] de Parme. On ne s’étonnera pas de la patrie et des goûts du pénitent, si l’on se rappelle ce que fut, pendant des siècles, la réputation de [[Florence]] : le président de Brosses nous la confirme au {{s|XVIII|e}}, et j’ai fait allusion, dans ''Les Fils de la lumière'', aux gitons du dernier des Médicis. Mais il est juste de noter la protestation du gentilhomme de Florence, disant « qu’il y a partout des Florentins ».

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Il convient d’observer que la profession de [[marin]] paraissait une circonstance aggravante. Là aussi, la renommée fut tenace, puisqu’elle a pour répondant ces vers de [[Voltaire]] dans sa comédie ''La Prude'' :

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<center>''…Ces marins, d’ailleurs,<br>Ont presque tous de si vilaines mœurs.''</center>

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Il est amusant de remarquer, pour la psychologie du {{s-|XV|e}}, que l’amour des [[garçon]]s produisait un effet plus comique que dramatique. Le confesseur cache son envie de rire ; l’auditoire, à qui il narre la confession, ne peut se tenir d’éclater. Cela n’empêchait certes pas de brûler quelques coupables pour les préserver du feu éternel. Notre Florentin faillit passer un mauvais quart d’heure sous les bâtons des moines, comme le méritait la manière un peu vive dont il prétendait se faire absoudre. La morale de l’histoire est donc qu’il faut s’éloigner de la violence, encore plus que du péché.

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L’auteur, Sabadino, était Bolognais et fut tour-à-tour au service du comte Bentivoglio, chef de la principale famille de Bologne, et du duc de Ferrare, à qui il dédia ses nouvelles. Je signale, en passant, que la première version de celle du Siennois Fortini, ''La Fille feinte'', que j’ai traduite ici même, figure également dans le livre de Sabadino, et fait donc partie du florilège « milésien ». Au lieu de se dérouler à Sienne, cette histoire d’un joli garçon vêtu en fille qui trouble un religieux, a pour cadre Arezzo et pour victime un prieur des Augustins. Mais Fortini, comme Bandello, est plus savoureux que son prédécesseur. Les Italiens du {{s-|XVI|e}} dépassent en esprit, en malice et en libertinage ceux du {{Petites capitales|xv}}{{Exp|e}}.

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On oublie généralement que Bandello était Dominicain et [[évêque]] d’Agen. Ce ne fut pas le seul Italien pourvu d’un siège épiscopal en [[France]], à une époque où les [[mariage]]s et les guerres multipliaient les échanges des deux côtés des Alpes. Il n’a pas été non plus le seul homme d’Église à écrire des choses peu [[catholicisme|catholiques]].

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Nul ne pouvait parler comme cet évêque italien du péché de [[sodomie]]. Vous admirez sa complaisance, à travers même ses reproches. Le bon moine, envoyé au chevet du pécheur endurci, est le dindon de la farce. La plaisanterie de la communion semblerait même un peu forte, si elle n’était sous la plume d’un personnage mitré. La morale enfin n’est mise là que pour sauver les apparences : si le coupable est montré du doigt, au point qu’il ne peut plus sortir dans la rue, on ne dit pas moins qu’il réchappa de sa maladie mortelle, malgré son péché et malgré son sacrilège. M. d’Agen nous semble donc mériter l’applaudissement d’[[Arcadie]], si ce n’est de [[Rome]].

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Son récit concerne un poète nommé [[Porcellio]], qui se disait Romain, bien qu’il fût [[Naples|Napolitain]], et qui vivait à la cour du quatrième duc de Milan, François Sforza. Nous sommes, là encore, au milieu du {{s-|XV|e}}, comme si les Italiens du {{Petites capitales|xvi}}{{Exp|e}}, tout en se délectant du « sale vice », de l’« énorme péché », avaient tenu, pour en parler, à prendre leurs distances.

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Puisque nous sommes à la cour de Milan, relevons que le troisième duc, dernier des Visconti, [[Filippo Maria Visconti|Philippe-Marie]], aurait été digne de protéger le poète Porcellio, mieux que son gendre et successeur François Sforza. L’historien Pie-Candide Dicembre, qui fut son secrétaire, nous a fait savoir son amour « des [[adolescent]]s doués d’une grande beauté et insignes par la grâce », dont il avait « institué un certain nombre pour la garde de son corps ». Il les choisissait après avoir, « sans être vu, jugé de leurs belles formes et de leur musculature lorsqu’ils jouaient à la balle ou s’exerçaient à la lutte ». Dicembre, qui écrit latin aussi purement que Tacite, n’a jamais été traduit en français, ni même en italien.

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Un autre prélat, contemporain de Bandello, Paul Jove, évêque de Nocera, a relaté, lui aussi, en latin, dans les ''Éloges des Hommes illustres'', l’histoire de ce Visconti. Il ne fait, du reste, que copier son prédécesseur, mais il a cru bon d’innocenter le duc du « soupçon de luxure ». Ce zèle charitable est d’autant plus touchant qu’il mérita lui-même cette épitaphe :

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<center>''L’hermaphrodite Jove ici gît,<br>Qui fut ensemble femme et mari.''</center>

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On pourrait donc lui appliquer le proverbe illustré par la nouvelle de Bandello, son collègue en épiscopat : « Le loup change de poil et non pas de vice ».

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Anatole France a dit que « la morale d’un loup est de manger des agneaux, comme la morale des moutons est de manger de l’herbe ». Les agneaux d’Arcadie, l’évêque d’Agen les appelle des chevreaux, comme les [[Grèce antique|Grecs]]. Mais nous ne sommes plus dans l’antiquité, où ces viandes trop tendres étaient licites, ni sous la Renaissance, où elles étaient généralement tolérées. Le loup d’aujourd’hui doit se mettre au vert.

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{{Droite|{{Petites capitales|Roger PEYREFITTE}}.}}
}}

{{droite|[[Facéties porrettanes – Nouvelle XIII (Sabadino ; Peyrefitte)|''Facéties porrettanes''<br>par Jean Sabadino des Arienti ou Ardenti<br>''Nouvelle XIII'' →]]}}
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{{droite|[[Nouvelles – Première partie, Nouvelle VI (Bandello ; Peyrefitte)|''Nouvelles''<br>de Mathieu Bandello<br>''Première partie — Nouvelle VI'' →]]}}
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==Voir aussi==
===Source===

« La confession d’un Arcadien sous la Renaissance italienne » / par [[Roger Peyrefitte]], in ''[[Arcadie (revue)|Arcadie : revue littéraire et scientifique]]'', dixième année, n° 111, mars 1963, p. 125-128. – Paris : Arcadie, 1963 (Illiers : Impr. Nouvelle). – 52 p. ; 22 × 14 cm.

===Articles connexes===

*[[Arcadie (revue)|Arcadie]]
*[[Confession]]
*[[Italie]]
*[[Renaissance]]
*[[Roger Peyrefitte]]

{{DEFAULTSORT:Confession d’un Arcadien sous la Renaissance italienne, La (Peyrefitte, Roger)}}
[[Catégorie:Article d’Arcadie (texte)]]
[[Catégorie:Article en français (texte)]]
[[Catégorie:Roger Peyrefitte (textes)]]
[[Catégorie:Italie]]