Le sultan d’amour (Saadi ; Saix)

De BoyWiki
Révision datée du 11 mars 2013 à 23:19 par Caprineus (discussion | contributions) (m)
(diff) ← Version précédente | Voir la version actuelle (diff) | Version suivante → (diff)

Le poème persan de Saadi Le sultan d’amour, adapté en français et présenté par Guillot de Saix, a paru en 1963 dans la revue homophile Arcadie.

Texte intégral

Ce texte historique est protégé contre les modifications.
Il est possible que ce document ne soit pas libre de droits …Si vous possédez des droits sur ce document
et si vous pensez qu’ils ne sont pas respectés,
veuillez le faire savoir à la direction de BoyWiki,
qui mettra fin dès que possible à tout abus avéré.




LE SULTAN D’AMOUR



Saadi, l’adorateur des lunes.

En persan, une lune c’est une beauté de quelque sexe qu’elle soit. Au XIIIe siècle, Mouschanif-Ed-Din, qui prit le nom de Saâdi du nom du prince Saâd, son protecteur, a laissé bien des poèmes qui témoignent de son amour pour les beaux jeunes gens.


Poussé par un désir maudit,
Un moine, laid comme un gorille,
Poursuivait un jeune et beau drille.
La nouvelle s’en répandit.
Malgré les coups et les reproches
Qu’il fut obligé d’essuyer,
Les amendes qu’il dut payer
Et maintes autres anicroches,
Ce religieux, s’exaltant
Dans son ardeur concupiscente,
Disait d’une voix gémissante
Au beau garçon qu’il aimait tant :
« — Je ne lâcherai pas ta robe
« Si tu griffes ou si tu mords !
« Et s’il faut que je me dérobe,
« Je t’emporterai chez les morts. »
Un jour en passant par la ville,
Je vis cet homme et l’entendis
Exprimer sa passion vile.
M’approchant de lui, je lui dis
Avec un regard d’indulgence :
« — Ami, qu’est-il donc arrivé
« À ta notoire intelligence
« Pour te rendre si dépravé ? »
Le moine, après avoir rêvé
Répond avec mélancolie :
« — Partout où le Sultan d’Amour
« A passé, règne la folie. »
« Le bras de l’abstinence est las
« Et ne peut défaire ces lacs.
« Comment, quand le désir l’attache,
« Celui qui s’enfonce du pied
« Jusqu’au collet dans un bourbier
« Vivrait-il en robe sans tache ? »
Et l’homme, avec un geste lourd,
Se plonge au cœur l’arme acérée
Qu’il avait en se débattant
À son bien-aimé retirée.
« — Vois, me dit-il, je pars : va-t’en ! »
Alors mon cœur qui tremble entend
Rire dans le soir qui s’étale
Le Sultan à l’ombre fatale.
Et je songe que, plus d’un jour,
Sur la route que j’ai suivie,
Il a passé parmi ma vie
Ce terrible Sultan d’Amour
Qui, dans tout nouveau paysage,
Change de voix et de visage.


SAADI.


Version inédite
de Guillot de Saix.



Voir aussi

Source

« Le sultan d’amour : poème » / de Saadi, version inédite de Guillot de Saix, in Arcadie : revue littéraire et scientifique, dixième année, n° 111, mars 1963, p. 124, 144. – Paris : Arcadie, 1963 (Illiers : Impr. Nouvelle). – 52 p. ; 22 × 14 cm.

Articles connexes