Les Huit Nuits de BoyWiki 2011 — Questions F1-F8
Les questions F1 à F8 de la cinquième des Huit Nuits de BoyWiki ont été posées le 30 décembre 2011 sur le forum La Garçonnière. Un texte de présentation, reproduit ci-dessous, les accompagnait.
Les réponses proposées par BoyWiki, au cours de la dernière semaine de janvier 2012, figurent dans des boîtes déroulantes en bas de page.
Les Huit*Nuits*de*BoyWiki — Questions F1 à F8
Jour après jour les participants à notre grand jeu fouillent dans les richesses de BoyWiki – et nous aussi, d’ailleurs. Car même les contributeurs les plus actifs n’ont pas encore lu toutes les pages écrites par leurs collègues, et c’est une occasion pour eux de les découvrir.
Voici donc, pour l'amusement des petits et des grands, les énigmes du jour, ou plutôt, de la sixième des Huit*Nuits*de*BoyWiki. De tout un peu...
Question F1 (bleue)
• Quelles sont les particularités stylistiques du manga ?
Question F2 (bleue)
• Qu’est-ce qui peut laisser penser que Le livre de John de Michel Braudeau, sorte de road-movie littéraire et pédérastique, serait en partie autobiographique ?
Question F3 (bleue)
• Pourquoi faut-il utiliser de préférence le préfixe https avec TOR ?
Question F4 (bleue)
• Qu’est-ce qu’un puer delicatus ? Quelle mode capillaire suivaient ces jeunes garçons ?
Question F5 (bleue)
• Quel est le nom de la célèbre ressource garçonnière créée par Hínandil en 2005 ?
Question F6 (violette)
• Pourpoint rouge, Croix de Malte et braguette bien gonflée, quel est ce beau garçon de douze ans à l’air songeur ?
Question F7 (violette)
• Quel souverain grec est tombé amoureux d’un jeune nageur éclatant de blancheur, en l’honneur duquel il fit construire un sanctuaire ?
Question F8 (rouge)
• Cet ouvrage – interdit et inachevé – est le premier des temps modernes qui ait pris la défense de l’amour entre homme et garçon, en faisant principalement référence à la Grèce antique. Quel en est le titre complet ?
Souhaitons à tous bonne chance et réflexions profondes ! Que chacun s’amuse et s’instruise à son gré.!
Réponses
• Quelles sont les particularités stylistiques du manga ?
Réponse :
Parmi les codes stylistiques du manga, qui visent tous à renforcer l’expressivité, on note :
- De très grands yeux ;
- Des attitudes théâtrales, voire caricaturales ;
- Le recours à la symbolisation (traits pour le mouvement, yeux remplacés par des points d’exclamation, etc.) ;
- L’emploi de nombreuses onomatopées.
L’article de BoyWiki sur le manga est un bon début, mais il pourrait être fortement enrichi, et générer la création de nombreuses autres pages : Nekketsu (parcours d’un jeune garçon qui s’extrait de la banalité pour devenir exceptionnel) ; Pantsu (style plus ou moins grivois où un jeune garçon est entouré de nombreuses filles mais où les relations sont systématiquement contrariées) ; Shonen-ai (histoires romantiques entre jeunes hommes ou adolescents) ; Yaoi (histoires relatant des relations homosexuelles entre hommes, parfois adolescents) ; Shota ou Shotacon (histoires sexuellement explicites entre jeunes garçons et hommes ou femmes adultes) ; Bishonen (un certain canon de beauté pour jeune homme ou garçon, [https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/5/55/Bishounen_Oranges.jpeg
• Qu’est-ce qui peut laisser penser que Le livre de John de Michel Braudeau, sorte de road-movie littéraire et pédérastique, serait en partie autobiographique ?
Réponse :
Le photographe ayant illustré la couverture de l’édition de poche du Livre de John signe des initiales M.B., qui correspondent à celles de l’auteur du livre. L’article de BoyWiki émet donc l’hypothèse qu’une partie du roman est autobiographique.
On trouve des explications plus détaillées dans la page de BoyWiki sur Le livre de John :
Anecdotes
Un point intéressant, si on a la chance de posséder l’édition poche de 1992 au Seuil (collection « Points »), est la photo de couverture : elle représente un jeune ado brun nageant sur le dos dans l’eau bleue d’une piscine. La légende de l’image dit « Piscine dans la vallée de la mort – Photo M.B. ». M.B. sont les initiales de l’auteur ; or une des scènes du roman se déroule précisément autour d’une piscine d’un hôtel isolé dans la Vallée de la Mort : le narrateur séduit et s’y fait séduire par un jeune touriste allemand de 14 ans, ressemblant beaucoup à John, et qui se prête à de rapides contacts sexuels dans les vestiaires. De là à imaginer que ce passage aurait quelque chose d’autobiographique – puis d’étendre cette présomption à d’autres parties du roman, il n’y a qu’un pas !
Mais il serait intéressant aussi de poser la question inverse : quels sont les récits pédérastiques (au sens large, incluant les relations amoureuses entre garçons) qui ne sont pas du tout autobiographiques ?
Si on limite l’enquête aux livres qui font actuellement l’objet d’une page sur BoyWiki, ça forme un échantillon d’une vingtaine d’œuvres assez variées. Pour commencer, Les amitiés particulières est incontestablement un livre de souvenirs sous forme romanesque, comme Les garçons et son jumeau théâtral La ville dont le prince est un enfant. Idem avec le récit néerlandais Pour un soldat perdu.
La mort à Venise s’est avéré finalement beaucoup plus autobiographique que Thomas Mann ne l’avait d’abord reconnu. En serait-il de même pour L’Élu d’Achille Essebac ? Difficile à dire : on peut tout au plus avancer l’hypothèse que l’ouvrage n’est pas totalement imaginaire ; idem pour Dédé, du même auteur. Et qu’en est-il de L’agneau chaste, qui n’est pas non plus donné pour autobiographique ? Et Un garçon naturel ?…
Certains récits se présentent ouvertement comme authentiques : Notre amour, Un petit tour en enfer, ou l’ouvrage récent Mon cœur, de ton visage, n’a pu oublier la douceur. D’autres l’avouent plus qu’à moitié sous forme d’un roman à clés : c’est le cas des Petits garçons. Ça ne veut d’ailleurs pas dire que tout est exact : la prudence peut imposer quelques dissimulations (comme dans Notre amour), et le goût d’enjoliver provoque parfois des entorses à la vérité.
Le roman poétique Jocelyn est un cas particulier : d’une part l’intrigue n’y est pas ouvertement pédérastique (mais tout le monde comprend que c’est quand même de ça qu’il est question dans la première partie) ; et d’autre part l’ouvrage a été écrit pour défendre une thèse — contre le célibat des prêtres. Lamartine semble donc n’y avoir rien mis de lui-même. De même pour Le prêtre et l’enfant de chœur — bien que la thèse ne soit pas identique, évidemment !
Les romans policiers aussi sont généralement imaginaires : témoin La Friponnière, qui même dans sa description de LG ne suit que d’assez loin la réalité. C’est également le cas, bien sûr, pour les romans historiques, comme The boy and the dagger, qui se passe au XVIème siècle.
Les anglophones ont peut-être plus que les francophones l’habitude d’écrire des récits complètement imaginaires, et en particulier des nouvelles. D’où la réussite et le succès des douze volumes de The Acolyte Reader, publiés par The Acolyte Press entre 1986 et 1996.
Enfin, on pourrait penser qu’un roman érotique comme Pédérastie active est complètement imaginaire. Ce n’est pourtant pas certain, les commentateurs y ayant trouvé d’intéressantes allusions à la vie réelle.
D’autres exemples, dans un sens ou dans l’autre ? C’est à coup sûr un vaste sujet… Il faut reconnaître quand même que les écrivains pédérastes sont loin de mettre toujours en application le conseil ultime d’Avinain : « Messieurs, n’avouez jamais ! N’avouez jamais ! ».
• Pourquoi faut-il utiliser de préférence le préfixe https avec TOR ?
Réponse :
TOR vous permet d’abord d’être anonyme. Et ensuite, de dissimuler votre activité entre le premier et le dernier relais de la chaîne TOR utilisée. Mais entre le dernier relais TOR et le serveur-cible (celui du site consulté), votre activité redevient visible si vous utilisez une adresse en http. Pour pallier ce risque, il vaut mieux se connecter en https.
Un cas typique : si vous envoyez un courriel à un ami en http et en passant par TOR, un hacker ne pourra pas connaître votre adresse IP, et donc savoir qui vous êtes. Mais si vous avez écrit dans le message « Je serai au McDo de la Porte Dorée demain midi avec le petit Nicolas, viens nous rejoindre, tu verras, il est très chaud ! », le hacker, ou un policier, pourra lire cette information et venir vous créer des ennuis sur le lieu du rendez-vous — même s’il continue à ignorer votre IP et qui vous êtes. Alors qu’en utilisant une connexion https, vous restez théoriquement à l’abri d’un tel espionnage.
(Disons que le http est à la sécurité ce que le McDo est à la restauration : ce qu’il y a de plus bas de gamme — voire nettement dangereux pour la santé ;-)
Connaissez-vous un site où vous pouvez trouver, clairement expliquées en français, toutes les informations sur la sécurité informatique qui vous concernent ? Non ? Eh bien, nous non plus !
Or l’endroit le plus logique et le plus accessible pour cet usage est BoyWiki. Bien sûr, il existe déjà quelques articles : Communiquer librement sur un réseau censuré, Freenet, Tor ou TrueCrypt, ainsi qu’une catégorie. Mais ces articles ne sont encore que des ébauches, et de plus ils devraient être mis à jour de façon régulière. Quant à des pages telles que Sécurité sous Windows XP, Sécurité sous Windows 7, Sécurité sous Linux, Sécurité sous Mac OS X, Cookie, Téléphone mobile, etc., elles attendent toujours d’être créées…
Il faut fournir à l’ensemble de la communauté les outils de défense dont elle a besoin ! Et d’abord une information complète et accessible.
• Qu’est-ce qu’un puer delicatus ? Quelle mode capillaire suivaient ces jeunes garçons ?
Réponse :
Les pueri delicati (littéralement enfants délicieux) étaient de jeunes esclaves qui recevaient une bonne formation — en particulier dans les paedagogia — en vue de servir un maître ou de remplir une fonction liturgique. Comme tout esclave, ils pouvaient être utilisés sexuellement, mais leurs fonctions étaient loin de se limiter à cela.
À l’époque julio-claudienne, leurs coiffures étaient inspirées de celles des femmes de la famille impériale : chevelures plutôt longues et coiffées vers le bas.
(Il faut noter cependant qu’à Rome, les cheveux longs n’étaient pas nécessairement signe d’esclavage ou de féminité : tous les garçons, libres ou esclaves, les portaient ainsi jusqu’à la puberté. La première coupe de cheveux donnait lieu à une petite fête familiale.)
C’est dans l’article de BoyWiki sur la Coupe Warren qu’on peut lire, dans la section « John Pollini », quelques notes (31 à 38) abordant le sujet des pueri delicati :
Pollini a consacré deux autres articles et plusieurs conférences à cette question des coiffures des pueri delicati et à leur formation dans les paedagogia impériales. Formés pour servir un maître, ils pouvaient aussi avoir une fonction cultuelle - des reliefs de sarcophage en sont un témoignage, et aussi l’anecdote rapportée par Suétone, Vita Tiberii 44, où l'empereur, après avoir assisté à un rite sacrificiel, débauche deux frères pueri delicati.
Wikipedia donne quelques indications [https://it.wikipedia.org/wiki/Paedagogium
• Quel est le nom de la célèbre ressource garçonnière créée par Hínandil en 2005 ?
Réponse :
D’après nos informations, il pourrait s’agir de BoyWiki…
À vrai dire, ce sujet aurait pu être classé parmi les questions internationales, l’histoire complète de BoyWiki étant surtout accessible [https://en.boywiki.org/wiki/BoyWiki
• Pourpoint rouge, Croix de Malte et braguette bien gonflée, quel est ce beau garçon de douze ans à l’air songeur ?
Réponse :
Il s’agit de Ranuccio Farnese, dont le portrait par Le Titien est conservé à la National Gallery of Art de Washington (collection Kress).
BoyWiki commence à présenter quelques galeries thématiques d’œuvres d’art, parmi lesquelles on trouve les portraits de garçons du XVIème siècle italien. Actuellement, la seule œuvre de cette page est un magnifique portrait grandeur nature de Ranuccio Farnese à l’âge de douze ans, en habit de l’Ordre de Malte (BoyWiki Media Repository contient également une reproduction du détail du visage).
Ce qui frappe d’abord, dans ce tableau, outre le talent du peintre qui fait admirablement ressortir le sujet par le contraste des couleurs, c’est la vérité psychologique du visage : on tomberait presque amoureux d’un tel garçon en regardant son portrait !
Notre regard moderne est également attiré par la proéminente braguette. Osera-t-on dire que cette représentation — pourtant destinée à la mère du modèle et réalisée sous le contrôle de son précepteur — est d’esprit quasi pédérastique ? En effet, le jeune Ranuccio n’est ni asexué, ni exagérément doté par la nature (au contraire de [https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/d/de/Giulio_Campi_-_Portrait_of_Ottavio_Farnese_-_WGA03820.jpg
• Quel souverain grec est tombé amoureux d’un jeune nageur éclatant de blancheur, en l’honneur duquel il fit construire un sanctuaire ?
Réponse :
Agamemnon, chef des Grecs pendant la guerre de Troie, tomba amoureux du jeune Argennos (éclatant de blancheur) en le voyant nager. Le garçon s’étant noyé, Agamemnon fit construire en son honneur un sanctuaire d’Aphrodite.
Les circonstances de cet épisode mythologique sont relatées dans les deux articles de BoyWiki Agamemnon et Argennos :
Agamemnon est un roi mythique de Mycènes et d’Argos, chef suprême des Grecs durant la guerre de Troie. Il devint amoureux du jeune Argennos, un jour qu’il le voyait nager dans le Céphise. Mais le garçon se noya, et Agamemnon l’ensevelit, avant de faire construire sur les lieux du drame un sanctuaire dédié à Aphrodite Argynnis.
(…)
La mythologie grecque évoque un garçon nommé Argennos, qui est souvent identifié avec Argynnos.
La légende dit qu’Argennos fut l’éromène du roi Agamemnon, et qu’Argynnos fut l’amant d’Hyménée. Il est difficile de décider si les deux personnages doivent être confondus ou non. Pourtant, si l’on considère qu’Argennos est mort à l’adolescence, donc avant de pouvoir être l’amant d’un autre garçon, il semble préférable de les distinguer.
Dans cette hypothèse, il faut remarquer qu’Argennos appartient à la protohistoire (la guerre de Troie), tandis qu’Argynnos fait partie d’une mythologie plus ancienne et plus « divinisée » : cela peut expliquer qu’Agamemnon, après la mort d’Argennos, ait dédié un sanctuaire à Aphrodite Argynnis, qualificatif qui devait exister bien avant cet événement.
Le mot grec ’argennós signifie « éclatant de blancheur ».
L’historien Bernard Sergent a mis en lumière que de nombreux mythes grecs relatant la mort d’un garçon (Apollon et Hyacinthe, Héraclès et Hylas, Poséidon et Pélops, Laïos et Chrysippe, etc.) symbolisent en réalité un processus initiatique dans lequel, sous la conduite d’un aîné, le garçon doit « mourir » à l’enfance pour renaître ensuite comme citoyen adulte. Chez les Grecs, comme chez les Germains et les Celtes, Sergent a montré aussi que cette initiation s’accompagnait d’un apprentissage des techniques de la guerre et de la chasse, au cours duquel des relations pédérastiques pouvaient officiellement exister entre le jeune initié et son mentor.
Il est probable qu’à l’origine, la période initiatique ait souvent pris la forme du fostérage, pratique qu’on retrouve chez de nombreux peuples indo-européens : elle consistait pour un homme à recevoir un garçon d’une autre famille, pendant une durée plus ou moins longue, et à lui dispenser la formation requise pour son accession au statut d’adulte. Les Anciens avaient bien compris, apparemment, que les parents sont loin d’être les meilleurs éducateurs possibles pour un jeune adolescent !
Au Moyen-Âge encore, dans les familles nobles (souvent d’origine germanique), on pratiquait une sorte de fostérage par la formation chevaleresque : un jeune garçon allait servir comme page auprès d’un seigneur ami ou allié (après avoir éventuellement été simple galopin, garçon d’écurie), puis comme écuyer, jusqu’à ce qu’il soit assez mûr et formé, vers la fin de l’adolescence, pour être enfin « armé chevalier » — ou adoubé — par son maître, qui était également son parrain.
(Chut ! Il ne faut pas le dire : les petits préférés étaient souvent « pages de chambre » — c’est-à-dire qu’ils aidaient le seigneur à se déshabiller avant le coucher…)
Note : Le nom d'Argynis a été donné à une famille de papillons par l'entomologiste et taxinomiste Johan Christian Fabricius en 1807. Il a aussi nommé un ordre de coléoptères paederus qui est la forme latine du grec paiderôs, dont le premier sens est synonyme de paiderastês (c'est aussi, accessoirement, le nom d'une pierre et d'une plante). Si ce n'est pas ce qui s'appelle enculer les mouches ?
• Cet ouvrage – interdit et inachevé – est le premier des temps modernes qui ait pris la défense de l’amour entre homme et garçon, en faisant principalement référence à la Grèce antique. Quel en est le titre complet ?
Réponse :
Le Suisse Heinrich Hössli a publié en 1834-1838 les tomes I et II d’un ouvrage prenant la défense de « l’amour grec », sous le titre : Eros, die Männerliebe der Griechen : ihre Beziehungen zur Geschichte, Erziehung, Literatur und Gesetzgebung aller Zeiten (ce qui signifie : Éros, l’amour viril des Grecs : ses relations à l’histoire, à l’éducation, à la littérature et à la législation à travers les âges). Le tome III fut bien rédigé, mais il a été perdu.
Il semblerait que cette première édition, réimprimée en 1996 et que nous n’avons pu consulter, ait eu pour second sous-titre : die Unzuverlässigkeit der äußeren Kennzeichen im Geschlechtsleben des Leibes und der Seele, oder, über platonische Liebe, ihre Würdigung und Entwürdigung für Sitten-, Natur- und Völkerkunde.
Une deuxième édition a été publiée en 1840 (et peut-être rééditée en 1892), avec un titre partiellement modifié : Eros, die Männerliebe der Griechen : ihre Beziehungen zur Geschichte, Literatur und Gesetzgebung aller Zeiten ; oder, Forschungen über platonische Liebe : ihre Würdigung und Entwürdigung für Sitten-, Natur- und Völkerkunde.
La complication du titre, des sous-titres et leurs différentes versions ne doivent pas faire oublier l’essentiel, qu’on peut retrouver sur la page de BoyWiki consacrée à Heinrich Hössli : ce modiste et décorateur suisse publia ainsi dès 1934, à la suite d’une affaire criminelle dont il avait deviné le motif passionnel pédérastique, un ouvrage érudit et bien argumenté sur le thème de « l’amour grec ». La vente du premier tome et l’impression du second furent interdites par les autorités religieuses du canton de Glaris, ce qui obligea Hössli à s’adresser à un imprimeur du canton voisin de Saint Gall. Découragé par ces épreuves, il ne put faire publier le tome III, dont le manuscrit semble avoir été perdu.
Il est intéressant de noter que Johann Ulrich, le fils cadet de Heinrich Hössli, fut également pédéraste, et qu’après avoir mené à bien l’éducation de deux jeunes garçons, il laissa une partie de son héritage à des institutions s’occupant d’enfants.
Mais…
La question portait sur « le premier ouvrage des temps modernes qui ait pris la défense de l’amour entre homme et garçon ». Or, qu’est-ce que les temps modernes ?
Pour les historiens français, les temps modernes vont de la fin du Moyen-Âge (par convention, soit la prise de Constantinople en 1453, soit la découverte des Amériques en 1492), au début de l’époque contemporaine (qui par convention commence avec la prise de la Bastille). Selon cette périodisation, l’ouvrage de Hössli n’appartenait déjà plus aux temps modernes, mais à l’époque contemporaine !
Cependant, pour les chercheurs anglophones ou allemands, l’époque moderne, qui commence également à la fin du Moyen-Âge, va jusqu’à nos jours. Dans ce sens, Eros, die Männerliebe der Griechen en fait bien partie. Mais alors… est-il le premier ?
On pourrait plutôt citer, avec raison, son sulfureux prédécesseur, le livre d’Antonio Rocco paru en 1651 et intitulé L’Alcibiade fanciullo a scola. BoyWiki est le seul site au monde à en donner simultanément le texte intégral en italien, la traduction française et une bibliographie détaillée et complète en cinq langues !
L’ouvrage fut condamné dès sa parution, et presque tous les exemplaires brûlés (il n’en resterait qu’une dizaine). Il fait abondamment référence à la Grèce antique pour justifier la pédérastie ; et puisque les dernières lignes annoncent « une seconde partie plus lascive encore » qui n’est jamais parue, on peut considérer qu’il est inachevé.
L’ensemble de ces similitudes entre l’ouvrage de Rocco et celui de Hössli est encore plus surprenant si l’on pense que le premier est antérieur au second de presque deux siècles. Quant à nous, sans choisir entre les deux, nous ne pouvons que nous incliner avec admiration devant ces précurseurs, en songeant à l’audace et à la liberté d’esprit qu’il leur fallut pour penser et écrire à contre-courant d’une société entière, ainsi qu’au courage dont ils ont fait preuve en publiant des argumentaires aussi dangereusement anticonformistes.
(On me glisse à l’oreille que bien des ouvrages antiques ont défendu la cause pédérastique dès le XVIème siècle — telles les éditions de Platon comme Le banquet, Phèdre et Lysis, qui ont manifestement influencé Antonio Rocco ; ou encore, plus tardives, les premières éditions de La muse garçonnière, comme par exemple les Stratonis aliorumque Poetarum veterum graecorum Epigrammata publiés en 1764. Mais ces ouvrages ne sont pas inachevés, et ils ne semblent pas non plus avoir jamais été interdits, grâce au prestige dont jouissaient les lettres grecques dans les siècles de l’humanisme et du classicisme.)
On trouve un dialogue dialectique sur la défense « de l’amour entre homme et garçon » aussi chez le Grec Achilles Tatius.
Liens
Textes publiés sur La Garçonnière :
- Les Huit*Nuits*de*BoyWiki — Questions F1 à F8 (vendredi 30 décembre 2011)