Les embrassades (extraits) – 2

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Extrait du récit autobiographique de Jacques Pyerre Les embrassades.

Deuxième chapitre


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Crac ! Voilà le facteur !



J’étais un enfant espiègle. Cela ne se manifestait pas, comme chez d’autres, en dérobades de confitures ou en fugues pour aller jouer au ballon, mais j’avais remarqué que lorsque je m’asseyais longtemps sur les genoux de Pierre, Paul ou Jacques, je rendais incommode ou difficile la position de la personne. J’avais une manière de me trémousser sur son sexe qui le faisait bander ; cela, je le sus plus tard, mais je prenais un malin plaisir à embarrasser qui je pouvais et à rendre rouge, confus quelquefois, tel ou tel ami de mon père. Je devais prendre surtout un plaisir bien inconnu alors qui était tout simplement de sentir contre mes fesses quelque chose de dur et que je ne savais pas encore être le sexe.

Voici comment j’appris que ce petit bout de chair morte n’était pas simplement destiné aux besoins dits naturels.

Notre jardinier était un Marocain du Sud, un Marrakchi du plus beau noir. Personne n’avait de plus belles dents et personne n’avait comme lui le don de sourire et de rire ; c’est ainsi que lorsqu’on lui disait de tondre la pelouse il accueillait la nouvelle avec une telle joie, qui se lisait sur son visage, qu’on aurait juré qu’on venait de lui dire que ses gages étaient doublés sur-le-champ. J’aimais le voir vivre torse nu, le voir s’ébattre, voir couler la sueur le long de son beau torse, voir ses muscles jouer sous la peau ; j’aimais le voir entre toutes choses arroser et cela n’était que le soir car s’il le faisait avant que le soleil ne se lève j’étais encore dans mon petit lit de mousseline, tout blond parmi mes dentelles, mais le soir par contre j’étais toujours dans le jardin, seul avec lui. Père rentrait tard, car en Afrique du Nord on ne travaillait que tard dans l’après-midi à cause de la chaleur et donc tard dans la soirée ; Mère était comme d’habitude prostrée dans la pénombre de sa chambre en train d’ajuster un chasse-mouches d’aucune utilité puisque ses persiennes closes n’en laissaient jamais entrer une seule, mais enfin cela devait lui faire un peu de vent.

Un soir. Oh ! ce ne fut pas un soir comme les autres, j’étais énervé, il avait fait trop chaud, trop lourd et puis l’air était chargé de parfums. Un magnolia géant embaumait et entêtait tout à la fois ; j’étais blotti contre un laurier-rose et je regardais comme toujours notre brave Ahmoud en train d’arroser ; son tuyau était long et gros et il le tirait avec nonchalance et force chaque fois qu’il avançait. Je ne pense pas qu’il m’ait vu, mais d’un seul coup il lâcha son tuyau et l’eau se mit à couler dans l’allée et regardant encore une fois à l’entour et ne voyant rien, il entreprit de fourrager dans sa culotte, de la baisser à moitié et de continuer à arroser avec son sexe. J’en fus surpris ; je me levai, m’approchai doucement de lui et vis qu’il pissait ; mais comme son sexe était différent du mien ! D’abord il était noir et semblable à une trompe d’éléphant ; je n’avais jamais rien vu de tel. Faut-il dire que je reçus un choc ! il me vit alors près de lui en train de le regarder et il se mit à rire et à rire et il pissait de plus en plus loin ; c’était une fontaine, un jet d’eau, je n’avais jamais rien vu de plus beau ! Et moi aussi je me mis à rire et lui demandai : « Mais qu’est-ce que c’est que ça ? » Et je me mis à toucher ce nouveau tuyau d’arrosage qui me paraissait bien plus perfectionné que l’autre et surtout bien plus puissant. Ahmoud s’était alors approché d’une vieille porte condamnée, nous étions dans une encoignure, sous un porche, presque dans la pénombre et je m’amusais à toucher ce tuyau monstrueux de mes petits doigts fragiles et tout à fait inexpérimentés, j’eus la surprise de le voir grossir… exactement comme lorsque je m’asseyais sur les genoux des doctes messieurs sur qui je me trémoussais sous les lambris de notre salon devant le regard aveugle et absent de ma chère mère qui n’était attentive qu’à ce que je ne me décoiffe pas.

— Missié Poupette que fais-tu ?

Et l’on riait tous les deux. Et j’agitais maintenant à deux mains ce gros tuyau noir qui m’amusait tant, je le passais sur mon visage, j’y donnai un petit coup de langue lorsque soudain un « Ah ! » profond convulsa mon brave Ahmoud et il gicla violemment contre le mur (heureusement) avant de se remettre à rire. Le tuyau devint mou comme par enchantement. Furtivement il regarda autour de lui, nous étions toujours seuls, il remonta son pantalon et :

— Missié Poupette li très poulissoun !

Le jeu était fini et je partis en riant moi aussi me recoucher sous mon laurier-rose. Sur l’instant, je n’y pensais pas outre mesure, rien ne m’avait choqué mais l’incident m’avait empli de je ne sais quelle joie. Bien souvent dans la suite je provoquai la séance d’arrosage, j’attendais la nuitée et lorsque je le voyais se diriger vers le porche, je comprenais ! Mais je fus mieux initié par le facteur. J’étais vraiment un petit démon et il fallut vraiment toute la candeur de mes yeux clairs, toute ma blondeur potelée et fraîche pour faire tourner la tête à ces braves garçons que j’affolais et provoquais sans vraiment le savoir. Je faisais déjà mes classes mais voici comment cette science me fut enseignée.

L’avantage des petites villes c’est de se connaître tous, il y a là une sorte de grande famille dont les commerçants, les facteurs, les domestiques voisins et les voisins eux-mêmes jouent tous les jours les rôles de leur vie. Nous avions pour facteur — il en venait plusieurs mais le matin c’était toujours le même — un souple et fier gaillard de vingt-cinq ans, qui comme tout le monde s’appelait Ali, et nous l’aimions tous bien car c’était la gazette du quartier. On le disait fiancé à une des femmes qui travaillaient chez nous, Fatima, dont la belle peau ombrée s’ornait de tatouages bleus comme en portent les femmes du Sud. Ali avait ses entrées dans la maison, on le découvrait assis dans la cuisine ou en train de faire la causette avec Ahmoud ou Mohammed le cuisinier. Comment ce jour-là vint-il me voir dans ma salle d’eau alors que j’étais en train de me livrer au bain ? Je ne sais encore l’expliquer. La maison était déserte, il avait un paquet à remettre, tout le monde était en course et les autres selon une saine habitude devaient dormir. Ma chère mère, non loin de là pourtant, avait dû mettre dans ses oreilles un peu de cire molle afin que le pépiement des oiseaux ne la dérange pas et sur son nez son loup noir — Dieu que cette femme faisait peur comme cela ! — pour ne pas voir les rais de soleil que laissait filtrer la persienne mi-close.

J’appelais pour que l’on me lave. (Oh ! l’odieuse corvée et comme je la détestais !) J’étais de dos à la porte, dans mon tub, aussi, lorsque je l’entendis s’ouvrir je dis bien impérativement, croyant que c’était Fatima :

— Hé bien ! lave-moi voyons !

Je sentis sur moi des mains sèches, calleuses et fortes, larges aussi, qui me firent bien penser que ce n’était pas Fatima, je tournai la tête, c’était le facteur.



•   •


Il était debout contre moi, ses mains sur mes épaules, et il tremblait ; très vite il caressa — oh ! si timidement ! — et du bout d’un doigt mes cheveux longs et bouclés ; et j’étais bien, si bien que ma tête s’appuya contre lui ; j’étais tout petit et de nouveau je sentis cette chose dure à laquelle Ahmoud m’avait habitué. Contre sa robe, et dessous, la protubérance était fabuleuse, il portait en effet une longue robe amarante qui allait jusqu’aux pieds et que l’on appelle une djellabah. Je frottais mon nez contre sa robe et je sentis son sexe vibrer, aller de droite à gauche ; il ne portait apparemment rien d’autre que sa robe. Il me prit à bout de bras, comme on prend un oiseau, comme j’aurais soulevé une plume et il appuya ses lèvres sur les miennes ; je sentis son cœur battre si fort et le mien battait à l’unisson ; je naissais, je m’éveillais à une vie nouvelle. Il me mit alors à la hauteur de sa figure et baisa longuement mes lèvres, m’introduisit sa langue dans la bouche ; ce fut la première introduction de toutes celles qui suivirent ; il me posa tout doucement sur le tapis de bain, à plat ventre, il était au-dessus de moi, les jambes écartées ; tournant légèrement la tête et dirigeant mon regard le long de son corps, je vis — il tenait sa robe à deux mains —, le fût admirable de ses cuisses musclées et fortes et ne pus jamais m’empêcher par la suite de songer, quand je le connus, au Cantique des Cantiques « les jambes de mon bien-aimé sont deux colonnes de marbre ».

Je ne m’attardais pas pourtant tellement à ses jambes, son sexe me paraissait plus intéressant : Seigneur, quelle longueur ! Il se coucha sur moi et profita de mon cul savonneux pour m’introduire — oh ! si peu, si doucement — ce pal, que je sentis, mais à peine, mais si bien, me cracher avec rage toute la semence en moi. J’avais perdu mon pucelage et ce petit enfant de salaud venait de me faire jouir car une brûlure qui faillit me faire hurler fit éclater mon membre, pas plus gros pourtant qu’un haricot vert.

Pas un mot ne s’échangea ; il s’ablutionna promptement, reprit sa sacoche, baissa sa robe, referma doucement la porte et me laissa sur mon tapis, pétrifié et heureux, jeune Iphigénie au cul défloré, défoncé et rêvant sur son carrelage à la puissance d’un mâle bien membré.

Je dus m’endormir. Mais quand je m’éveillai, je n’étais plus le même. Le rire innocent s’était miraculeusement fondu en un sourire que la célèbre Joconde m’eût envié : je savais. Je n’allais rien en dire. Moi, qui n’attendais pas de lettres, j’étais bien décidé à guetter… tous les jours, le facteur.



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Table des matières
et extraits pédérastiques
… Quelques mots
Je suis né à l’ombre des palmiers
Crac ! Voilà le facteur !
Lucien exagère
Ohhhh ! La marine américaine
Ne me parlez plus de Genève !
Tant qu’on est à Gênes il y a du plaisir (extrait)
La Sophonisba fait mon « éducation »
Monsieur l’Administrateur
Une soirée au cinéma
Sur la mer déchaînée (extrait)
Scandale au Caire
Au bain de vapeur que les Arabes appellent « hammam » (extrait)
En route pour le Sud
La fière Albion n’est pas fière du tout
L’hospitalité écossaise
Ma nuit de Walpurgis
Être « l’ami de la famille » ne me retient pas

Voir aussi

Source

  • Les embrassades / Jacques Pyerre. – Paris : Jérôme Martineau, 1969 (Le Chesnay : Presses des Yvelines, 1er juin 1969). – 184 p. ; 21 × 13 cm.
    Deuxième chapitre, « Crac ! Voilà le facteur ! », p. 19-25.

Articles connexes