« Lettre de Tony Duvert à Madeleine Chapsal » : différence entre les versions

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Bref, je ne suis pas du tout au paradis, mais je n’ai jamais tant vécu et vu vivre.
Bref, je ne suis pas du tout au paradis, mais je n’ai jamais tant vécu et vu vivre.


A Paris, j'avais le mal du pays, de cette ville-ci ; je ne pensais qu'à elle, j'étais d'humeur massacrante, je ne supportais plus personne, j'étais plus hargneux et plus écorché qu'à l'âge ingrat ; seules les lettres de Francesco me rendaient heureux, et peut-être davantage que ne l'aurait pu la présence de leur auteur. De même, à chacun de mes retours ici, lorsque l'avion descendait, virait, et que dans l'angle de son aile ensoleillée j'apercevais la ville, vaste, petite, rustique, verdoyante, bien réunie et ronde au milieu d'une campagne aride, j'éprouvais, jusqu'à en avoir des larmes, plus d'émotion que l'instant d'après, quand je retrouvais ces rues, ces maisons, ce climat et ces hommes. Car je n'étais pas épris d'une ville pour la contempler, mais pour y vivre : je l'oubliais donc à la minute où elle commençait à me faire exister. C'est là le bonheur même que j'en espérais, et qu'elle seule me procura, de tous les lieux que j'ai vus.}}<br>
A Paris, j’avais le mal du pays, de cette ville-ci ; je ne pensais qu’à elle, j’étais d’humeur massacrante, je ne supportais plus personne, j’étais plus hargneux et plus écorché qu’à l’âge ingrat ; seules les lettres de Francesco me rendaient heureux, et peut-être davantage que ne l’aurait pu la présence de leur auteur. De même, à chacun de mes retours ici, lorsque l’avion descendait, virait, et que dans l’angle de son aile ensoleillée j’apercevais la ville, vaste, petite, rustique, verdoyante, bien réunie et ronde au milieu d’une campagne aride, j’éprouvais, jusqu’à en avoir des larmes, plus d’émotion que l’instant d’après, quand je retrouvais ces rues, ces maisons, ce climat et ces hommes. Car je n’étais pas épris d’une ville pour la contempler, mais pour y vivre : je l’oubliais donc à la minute où elle commençait à me faire exister. C'est là le bonheur même que j’en espérais, et qu’elle seule me procura, de tous les lieux que j’ai vus.}}<br>
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==Voir aussi==
==Voir aussi==
[[Lettre marocaine (Tony Duvert)|Lettre marocaine]]<br>
[[Lettre marocaine (Tony Duvert)|Lettre marocaine]]<br>
[[L’érotisme n’est pas un violon d’Ingres]]<br>
[[Journal d’un innocent]]<br>
[[Lettres de Tony Duvert à Michel Guy et Jérôme Lindon|Lettres à Michel Guy et Jérôme Lindon]]
[[Lettres de Tony Duvert à Michel Guy et Jérôme Lindon|Lettres à Michel Guy et Jérôme Lindon]]
== Notes et références ==
== Notes et références ==
<references />
<references />
[[Catégorie:Tony Duvert : Un homme parle]]
[[Catégorie:Tony Duvert : Un homme parle]]

Version du 23 mars 2016 à 13:50

Texte précédent : Lettres à Michel Longuet

Extraits d’une lettre de Tony Duvert à l’écrivaine et journaliste Madeleine Chapsal, citées dans Retour à Duvert (2015)) de Gilles Sebhan.


Le bonheur à Marrakech n’est pas celui de la drague, de la sauvagerie, de la solitude du «fouteur» ; mais, au contraire, d’une étrange et omniprésente sociabilité du plaisir ; elle vous prend, s’ouvre à vous et vous engloutit. Comment revenir en arrière, réendosser les censures, les froideurs, le quant-à-soi qu’on ignore ici ? C’est une ville dure pourtant, une société dont les inégalités, les misères, les obsessions de profit caricaturent les nôtres au centuple ; mais il reste cette déroutante innocence des gens, leur goût d’être ensemble, une générosité qui met presque mal à l’aise. Bref, je ne suis pas du tout au paradis, mais je n’ai jamais tant vécu et vu vivre.

A Paris, j’avais le mal du pays, de cette ville-ci ; je ne pensais qu’à elle, j’étais d’humeur massacrante, je ne supportais plus personne, j’étais plus hargneux et plus écorché qu’à l’âge ingrat ; seules les lettres de Francesco me rendaient heureux, et peut-être davantage que ne l’aurait pu la présence de leur auteur. De même, à chacun de mes retours ici, lorsque l’avion descendait, virait, et que dans l’angle de son aile ensoleillée j’apercevais la ville, vaste, petite, rustique, verdoyante, bien réunie et ronde au milieu d’une campagne aride, j’éprouvais, jusqu’à en avoir des larmes, plus d’émotion que l’instant d’après, quand je retrouvais ces rues, ces maisons, ce climat et ces hommes. Car je n’étais pas épris d’une ville pour la contempler, mais pour y vivre : je l’oubliais donc à la minute où elle commençait à me faire exister. C'est là le bonheur même que j’en espérais, et qu’elle seule me procura, de tous les lieux que j’ai vus.


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Voir aussi

Lettre marocaine
Journal d’un innocent
Lettres à Michel Guy et Jérôme Lindon

Notes et références