« Lorsque l’enfant paraît - La mère et le pédophile » : différence entre les versions

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Article paru dans <i>Libération</i> nº 1901 du 28 mars 1980.<br>
Tribune de [[Tony Duvert]] paru dans <i>Libération</i> nº 1901 du 28 mars 1980.<br>
Une certaine Xavière Gauthier, auteur, enverra une lettre à Libération suite à cet article. Tony lui répondra dans <i>l'Enfant au masculin</i> (chapitre "Mongolienne").
Une certaine Xavière Gauthier, auteur, enverra une lettre à Libération suite à cet article. Duvert lui répondra dans <i>[[L’enfant au masculin]]</i> (chapitre "Mongolienne").
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{{Citation longue|<p><i>Il est toujours emb&ecirc;tant de faire de la publicit&eacute; &agrave; de mauvais livres. Et le livre de Lapouge et Pinard-Legry, </i>L&rsquo;enfant et le p&eacute;d&eacute;raste<i> (Seuil), comme celui de Le&iuml;la Sebbar, </i>Le p&eacute;dophile et la maman<i> (Stock) ne sont gu&egrave;re, surtout le premier, que le collationnement critique des positions des  &laquo;&nbsp;p&eacute;d&eacute;rastes intellectuels&nbsp;&raquo;, plus ou moins truqu&eacute;es &agrave; partir d&rsquo;interviews-pi&egrave;ges (pour Le&iuml;la Sebbar) ou du simple d&eacute;coupage malhonn&ecirc;te de citations de leurs livres (Lapouge et Pinard-Legry). Livres de &laquo;&nbsp;seconde&nbsp;main&nbsp;&raquo;, sans aucune information ni acc&egrave;s direct au sujet, l&rsquo;enfant et ses passions. Il y a n&eacute;anmoins l&agrave; un ph&eacute;nom&egrave;ne sociologique&nbsp;: deux grands &eacute;diteurs &eacute;prouvent le besoin de publier deux livres critiquant des positions presque inconnues du grand public, celles des &laquo;&nbsp;pro-p&eacute;dophiles&nbsp;&raquo;. Le fait, enfin, que les auteurs soit une f&eacute;ministe et deux homosexuels &laquo;&nbsp;bien-pensants&nbsp;&raquo; est r&eacute;v&eacute;lateur des nouveaux clivages moralistes. Tony Duvert, romancier et essayiste, Prix M&eacute;dicis, examine aujourd&rsquo;hui le livre de Le&iuml;la Sebbar, et d&eacute;cha&icirc;nera demain sa verve contre celui de Lapouge et Pinard-Legry. Signalons enfin que ces articles n&rsquo;ouvrent en aucun cas le droit &agrave; une pol&eacute;mique publicitaire et contiennent toute r&eacute;ponse possible.</i></p>
{{Citation longue|<p><i>Il est toujours emb&ecirc;tant de faire de la publicit&eacute; &agrave; de mauvais livres. Et le livre de Lapouge et Pinard-Legry, </i>L&rsquo;enfant et le p&eacute;d&eacute;raste<i> (Seuil), comme celui de Le&iuml;la Sebbar, </i>Le p&eacute;dophile et la maman<i> (Stock) ne sont gu&egrave;re, surtout le premier, que le collationnement critique des positions des  &laquo;&nbsp;p&eacute;d&eacute;rastes intellectuels&nbsp;&raquo;, plus ou moins truqu&eacute;es &agrave; partir d&rsquo;interviews-pi&egrave;ges (pour Le&iuml;la Sebbar) ou du simple d&eacute;coupage malhonn&ecirc;te de citations de leurs livres (Lapouge et Pinard-Legry). Livres de &laquo;&nbsp;seconde&nbsp;main&nbsp;&raquo;, sans aucune information ni acc&egrave;s direct au sujet, l&rsquo;enfant et ses passions. Il y a n&eacute;anmoins l&agrave; un ph&eacute;nom&egrave;ne sociologique&nbsp;: deux grands &eacute;diteurs &eacute;prouvent le besoin de publier deux livres critiquant des positions presque inconnues du grand public, celles des &laquo;&nbsp;pro-p&eacute;dophiles&nbsp;&raquo;. Le fait, enfin, que les auteurs soit une f&eacute;ministe et deux homosexuels &laquo;&nbsp;bien-pensants&nbsp;&raquo; est r&eacute;v&eacute;lateur des nouveaux clivages moralistes. Tony Duvert, romancier et essayiste, Prix M&eacute;dicis, examine aujourd&rsquo;hui le livre de Le&iuml;la Sebbar, et d&eacute;cha&icirc;nera demain sa verve contre celui de Lapouge et Pinard-Legry. Signalons enfin que ces articles n&rsquo;ouvrent en aucun cas le droit &agrave; une pol&eacute;mique publicitaire et contiennent toute r&eacute;ponse possible.</i></p>
                                       <p><i>{{droite|Guy Hocquenghem}}</i></p>
                                       <p><i>{{droite|[[Guy Hocquenghem]]}}</i></p>
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<p>Les gosses se suicident, fuguent, tuent au besoin&#8239;; l&rsquo;&eacute;cole est en crise&nbsp;; la famille, entre son cong&eacute;lateur, ses gifles et sa t&eacute;l&eacute;, ne sait plus quoi faire pour maintenir l&rsquo;enfant dans son <i>home sweet home</i>&nbsp;; les mineurs d&eacute;linquants ont droit, en France, &agrave; la justice la plus f&eacute;roce d&rsquo;Europe&nbsp;; les enfants de divorc&eacute;s s&rsquo;adjugent comme des paquets de linge&nbsp;; bref, tout va bien. L&rsquo;ordre r&egrave;gne, et l&rsquo;Enfance prosp&egrave;re. Dans ce paradis, l&rsquo;Enfance ne souffre que d&rsquo;une ombre&nbsp;: les p&eacute;d&eacute;rastes, les p&eacute;dophiles. Voil&agrave; la source de tous les malheurs que vivent les gosses. Il fallait d&eacute;noncer les criminels qui, braguette ouverte et bonbons &agrave; la main, d&eacute;truisent le paradis de l&rsquo;&eacute;cole et d&eacute;labrent l&rsquo;&Eacute;den familial. Les p&eacute;d&eacute;rastes&nbsp;! Car c&rsquo;&eacute;tait eux (comme dit Ponson du Terrail)&nbsp;! Si ces monstres n&rsquo;existaient pas, les petits gar&ccedil;ons et les petites filles feraient des rondes en ch&oelig;ur, et chanteraient de jolies chansons sur leurs papas virils, leurs mamans f&eacute;minines, leurs professeurs p&eacute;dagogues, leurs psychochoses compr&eacute;hensifs, leur t&eacute;l&eacute;vision t&eacute;l&eacute;visuelle, et tout le bonheur que l&rsquo;Homme a cr&eacute;&eacute;, tendre, attentif et grave, pour sa pr&eacute;cieuse prog&eacute;niture.</p>
<p>Les gosses se suicident, fuguent, tuent au besoin&#8239;; l&rsquo;&eacute;cole est en crise&nbsp;; la famille, entre son cong&eacute;lateur, ses gifles et sa t&eacute;l&eacute;, ne sait plus quoi faire pour maintenir l&rsquo;enfant dans son <i>home sweet home</i>&nbsp;; les mineurs d&eacute;linquants ont droit, en France, &agrave; la justice la plus f&eacute;roce d&rsquo;Europe&nbsp;; les enfants de divorc&eacute;s s&rsquo;adjugent comme des paquets de linge&nbsp;; bref, tout va bien. L&rsquo;ordre r&egrave;gne, et l&rsquo;Enfance prosp&egrave;re. Dans ce paradis, l&rsquo;Enfance ne souffre que d&rsquo;une ombre&nbsp;: les p&eacute;d&eacute;rastes, les p&eacute;dophiles. Voil&agrave; la source de tous les malheurs que vivent les gosses. Il fallait d&eacute;noncer les criminels qui, braguette ouverte et bonbons &agrave; la main, d&eacute;truisent le paradis de l&rsquo;&eacute;cole et d&eacute;labrent l&rsquo;&Eacute;den familial. Les p&eacute;d&eacute;rastes&nbsp;! Car c&rsquo;&eacute;tait eux (comme dit Ponson du Terrail)&nbsp;! Si ces monstres n&rsquo;existaient pas, les petits gar&ccedil;ons et les petites filles feraient des rondes en ch&oelig;ur, et chanteraient de jolies chansons sur leurs papas virils, leurs mamans f&eacute;minines, leurs professeurs p&eacute;dagogues, leurs psychochoses compr&eacute;hensifs, leur t&eacute;l&eacute;vision t&eacute;l&eacute;visuelle, et tout le bonheur que l&rsquo;Homme a cr&eacute;&eacute;, tendre, attentif et grave, pour sa pr&eacute;cieuse prog&eacute;niture.</p>
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<p>Casser du p&eacute;d&eacute;&nbsp;: c&rsquo;est l&rsquo;ing&eacute;nieux projet qui a inspir&eacute;, chez nous, quelques livres r&eacute;cents. Les grands ma&icirc;tres de la &laquo;&nbsp;protection de l&rsquo;Enfance&nbsp;&raquo; sont d&eacute;sormais, depuis que la Dolto pr&eacute;f&egrave;re le bon dieu, mesdames Le&iuml;la Sebbar, Lapouge, Pinard-Legry.</p>
    <p>Casser du p&eacute;d&eacute;&nbsp;: c&rsquo;est l&rsquo;ing&eacute;nieux projet qui a inspir&eacute;, chez nous, quelques livres r&eacute;cents. Les grands ma&icirc;tres de la &laquo;&nbsp;protection de l&rsquo;Enfance&nbsp;&raquo; sont d&eacute;sormais, depuis que la Dolto pr&eacute;f&egrave;re le bon dieu, mesdames Le&iuml;la Sebbar, Lapouge, Pinard-Legry.</p>
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    <p>Le&iuml;la Sebbar a &eacute;crit un livre qu&rsquo;elle intitule <i>Le p&eacute;dophile et la maman</i>. Ce livre n&rsquo;est pas malhonn&ecirc;te, il n&rsquo;est que stupide et snob. Stupide, parce qu&rsquo;on dirait que madame Sebbar a pris pour devise cette forte pens&eacute;e que le g&eacute;n&eacute;ral Bigeard a &eacute;mise, lors du r&eacute;cent d&eacute;bat parlementaire sur la loi Weil&nbsp;: &laquo;&nbsp;Rien ne remplace une maman&nbsp;!&nbsp;&raquo;, a dit ce grand guerrier. Le rapport entre cette conviction et l&rsquo;avortement n&rsquo;est pas &eacute;vident, mais l&rsquo;id&eacute;e est puissante&nbsp;: <i>enfant &eacute;gale maman.</i></p>
<p>Le&iuml;la Sebbar a &eacute;crit un livre qu&rsquo;elle intitule <i>Le p&eacute;dophile et la maman</i>. Ce livre n&rsquo;est pas malhonn&ecirc;te, il n&rsquo;est que stupide et snob. Stupide, parce qu&rsquo;on dirait que madame Sebbar a pris pour devise cette forte pens&eacute;e que le g&eacute;n&eacute;ral Bigeard a &eacute;mise, lors du r&eacute;cent d&eacute;bat parlementaire sur la loi Weil&nbsp;: &laquo;&nbsp;Rien ne remplace une maman&nbsp;!&nbsp;&raquo;, a dit ce grand guerrier. Le rapport entre cette conviction et l&rsquo;avortement n&rsquo;est pas &eacute;vident, mais l&rsquo;id&eacute;e est puissante&nbsp;: <i>enfant &eacute;gale maman.</i></p>
    <p>Le&iuml;la Sebbar consid&egrave;re qu&rsquo;un gosse a un lien n&eacute;cessaire avec la femme qui l&rsquo;a pondu&nbsp;: l&rsquo;id&eacute;e que la chair de sa chair puisse s&eacute;duire un p&eacute;dophile, ou &ecirc;tre s&eacute;duite par lui, la rend malade. Et c&rsquo;est tout le m&eacute;rite de son livre&nbsp;: d&eacute;voiler la rivalit&eacute; amoureuse qui existe entre le p&eacute;dophile &mdash; cet &eacute;tranger venu du dehors et qui pla&icirc;t &mdash; trop facilement &mdash; au gosse &mdash; et la maman &mdash; cette femme qui se sacrifie, corps et biens, &agrave; son enfant, et qui, &agrave; ce titre, fait ses besoins affectifs dessus, <i>que &ccedil;a lui plaise ou non</i>. Madame Sebbar d&eacute;nonce un <i>adult&egrave;re</i>&nbsp;: quoi, l&rsquo;Enfant tromperait sa &laquo;&nbsp;maman&nbsp;&raquo; avec un p&eacute;d&eacute;raste&nbsp;? Pouah. Que l&rsquo;enfant sache qu&rsquo;un p&eacute;d&eacute;raste n&rsquo;est pas une maman, lui. Il aime les gosses en g&eacute;n&eacute;ral, et non pas le sien propre. Il est aim&eacute; de l&rsquo;enfant quand l&rsquo;enfant &mdash; un enfant &mdash; veut bien de lui, et non parce qu&rsquo;il a, cet adulte, un <i>droit</i> sur quelque enfant que ce soit. Quel&nbsp;salaud&nbsp;!</p>
    <p>Le&iuml;la Sebbar consid&egrave;re qu&rsquo;un gosse a un lien n&eacute;cessaire avec la femme qui l&rsquo;a pondu&nbsp;: l&rsquo;id&eacute;e que la chair de sa chair puisse s&eacute;duire un p&eacute;dophile, ou &ecirc;tre s&eacute;duite par lui, la rend malade. Et c&rsquo;est tout le m&eacute;rite de son livre&nbsp;: d&eacute;voiler la rivalit&eacute; amoureuse qui existe entre le p&eacute;dophile &mdash; cet &eacute;tranger venu du dehors et qui pla&icirc;t &mdash; trop facilement &mdash; au gosse &mdash; et la maman &mdash; cette femme qui se sacrifie, corps et biens, &agrave; son enfant, et qui, &agrave; ce titre, fait ses besoins affectifs dessus, <i>que &ccedil;a lui plaise ou non</i>. Madame Sebbar d&eacute;nonce un <i>adult&egrave;re</i>&nbsp;: quoi, l&rsquo;Enfant tromperait sa &laquo;&nbsp;maman&nbsp;&raquo; avec un p&eacute;d&eacute;raste&nbsp;? Pouah. Que l&rsquo;enfant sache qu&rsquo;un p&eacute;d&eacute;raste n&rsquo;est pas une maman, lui. Il aime les gosses en g&eacute;n&eacute;ral, et non pas le sien propre. Il est aim&eacute; de l&rsquo;enfant quand l&rsquo;enfant &mdash; un enfant &mdash; veut bien de lui, et non parce qu&rsquo;il a, cet adulte, un <i>droit</i> sur quelque enfant que ce soit. Quel&nbsp;salaud&nbsp;!</p>
    <p>Cependant, madame Sebbar, qui semble militer discr&egrave;tement pour l&rsquo;inceste, a raison. Elle a compris qu&rsquo;il existe cette rivalit&eacute; amoureuse entre la m&egrave;re et le p&eacute;dophile&nbsp;: la m&egrave;re aime son gosse parce que c&rsquo;est le sien (les m&egrave;res n&rsquo;aiment gu&egrave;re les gosses de la voisine&hellip;)&nbsp;; le p&eacute;do aime un gosse, le d&eacute;sire, risque tout pour lui, parce que c&rsquo;est LUI. Car le p&eacute;do croit que cet enfant, c&rsquo;est quelqu&rsquo;un. Comme tout le monde. Quelqu&rsquo;un&nbsp;: un homme. Le p&eacute;do prend les enfants pour des adultes. <i>Ce crime est puni de dix ans de prison</i>. Si je dis que la Sebbar a raison, c&rsquo;est qu&rsquo;elle d&eacute;bride, dans son style parisien et futile, l&rsquo;essentiel du probl&egrave;me&nbsp;: un enfant est-il la propri&eacute;t&eacute; de sa &laquo;&nbsp;maman&nbsp;&raquo;, ou de la soci&eacute;t&eacute;, ou d&rsquo;un p&eacute;d&eacute;raste&nbsp;?</p>
    <p>Cependant, madame Sebbar, qui semble militer discr&egrave;tement pour l&rsquo;inceste, a raison. Elle a compris qu&rsquo;il existe cette rivalit&eacute; amoureuse entre la m&egrave;re et le p&eacute;dophile&nbsp;: la m&egrave;re aime son gosse parce que c&rsquo;est le sien (les m&egrave;res n&rsquo;aiment gu&egrave;re les gosses de la voisine&hellip;)&nbsp;; le p&eacute;do aime un gosse, le d&eacute;sire, risque tout pour lui, parce que c&rsquo;est LUI. Car le p&eacute;do croit que cet enfant, c&rsquo;est quelqu&rsquo;un. Comme tout le monde. Quelqu&rsquo;un&nbsp;: un homme. Le p&eacute;do prend les enfants pour des adultes. <i>Ce crime est puni de dix ans de prison</i>. Si je dis que la Sebbar a raison, c&rsquo;est qu&rsquo;elle d&eacute;bride, dans son style parisien et futile, l&rsquo;essentiel du probl&egrave;me&nbsp;: un enfant est-il la propri&eacute;t&eacute; de sa &laquo;&nbsp;maman&nbsp;&raquo;, ou de la soci&eacute;t&eacute;, ou d&rsquo;un p&eacute;d&eacute;raste&nbsp;?</p>
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<p>{{droite|Tony Duvert}}</p>
<p>{{droite|Tony Duvert}}</p>
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<p>[[Lorsque l'enfant paraît (2)|Demain : « Lorsque l’enfant paraît », 2]]</p>}}
<p>[[Lorsque l’enfant paraît - Les homosexuels puritains|Demain : « Lorsque l’enfant paraît », 2]]</p>}}<br>
''{{droite|[[Lorsque l'enfant paraît (2)|Texte suivant : Lorsque l'enfant paraît (2)]]}}''
''{{droite|[[Lorsque l’enfant paraît - Les homosexuels puritains|Texte suivant : Lorsque l’enfant paraît - Les homosexuels puritains]]}}''
<center>[[Un homme parle (collection de textes rares et inédits)|Retour au sommaire]]</center>
<center>[[Tony Duvert : Un homme parle (collection de textes rares et inédits)|Retour au sommaire]]</center>
== Voir aussi ==
[[L’enfant au masculin]]
[[Catégorie:Tony Duvert : Un homme parle]]
[[Catégorie:Tony Duvert : Un homme parle]]

Dernière version du 21 mai 2016 à 13:16

Texte précédent : Idée sur Narcisse (droit de réponse)

Tribune de Tony Duvert paru dans Libération nº 1901 du 28 mars 1980.
Une certaine Xavière Gauthier, auteur, enverra une lettre à Libération suite à cet article. Duvert lui répondra dans L’enfant au masculin (chapitre "Mongolienne").


Il est toujours embêtant de faire de la publicité à de mauvais livres. Et le livre de Lapouge et Pinard-Legry, L’enfant et le pédéraste (Seuil), comme celui de Leïla Sebbar, Le pédophile et la maman (Stock) ne sont guère, surtout le premier, que le collationnement critique des positions des « pédérastes intellectuels », plus ou moins truquées à partir d’interviews-pièges (pour Leïla Sebbar) ou du simple découpage malhonnête de citations de leurs livres (Lapouge et Pinard-Legry). Livres de « seconde main », sans aucune information ni accès direct au sujet, l’enfant et ses passions. Il y a néanmoins là un phénomène sociologique : deux grands éditeurs éprouvent le besoin de publier deux livres critiquant des positions presque inconnues du grand public, celles des « pro-pédophiles ». Le fait, enfin, que les auteurs soit une féministe et deux homosexuels « bien-pensants » est révélateur des nouveaux clivages moralistes. Tony Duvert, romancier et essayiste, Prix Médicis, examine aujourd’hui le livre de Leïla Sebbar, et déchaînera demain sa verve contre celui de Lapouge et Pinard-Legry. Signalons enfin que ces articles n’ouvrent en aucun cas le droit à une polémique publicitaire et contiennent toute réponse possible.


Les gosses se suicident, fuguent, tuent au besoin ; l’école est en crise ; la famille, entre son congélateur, ses gifles et sa télé, ne sait plus quoi faire pour maintenir l’enfant dans son home sweet home ; les mineurs délinquants ont droit, en France, à la justice la plus féroce d’Europe ; les enfants de divorcés s’adjugent comme des paquets de linge ; bref, tout va bien. L’ordre règne, et l’Enfance prospère. Dans ce paradis, l’Enfance ne souffre que d’une ombre : les pédérastes, les pédophiles. Voilà la source de tous les malheurs que vivent les gosses. Il fallait dénoncer les criminels qui, braguette ouverte et bonbons à la main, détruisent le paradis de l’école et délabrent l’Éden familial. Les pédérastes ! Car c’était eux (comme dit Ponson du Terrail) ! Si ces monstres n’existaient pas, les petits garçons et les petites filles feraient des rondes en chœur, et chanteraient de jolies chansons sur leurs papas virils, leurs mamans féminines, leurs professeurs pédagogues, leurs psychochoses compréhensifs, leur télévision télévisuelle, et tout le bonheur que l’Homme a créé, tendre, attentif et grave, pour sa précieuse progéniture.

Casser du pédé : c’est l’ingénieux projet qui a inspiré, chez nous, quelques livres récents. Les grands maîtres de la « protection de l’Enfance » sont désormais, depuis que la Dolto préfère le bon dieu, mesdames Leïla Sebbar, Lapouge, Pinard-Legry.


Leïla Sebbar a écrit un livre qu’elle intitule Le pédophile et la maman. Ce livre n’est pas malhonnête, il n’est que stupide et snob. Stupide, parce qu’on dirait que madame Sebbar a pris pour devise cette forte pensée que le général Bigeard a émise, lors du récent débat parlementaire sur la loi Weil : « Rien ne remplace une maman ! », a dit ce grand guerrier. Le rapport entre cette conviction et l’avortement n’est pas évident, mais l’idée est puissante : enfant égale maman.

Leïla Sebbar considère qu’un gosse a un lien nécessaire avec la femme qui l’a pondu : l’idée que la chair de sa chair puisse séduire un pédophile, ou être séduite par lui, la rend malade. Et c’est tout le mérite de son livre : dévoiler la rivalité amoureuse qui existe entre le pédophile — cet étranger venu du dehors et qui plaît — trop facilement — au gosse — et la maman — cette femme qui se sacrifie, corps et biens, à son enfant, et qui, à ce titre, fait ses besoins affectifs dessus, que ça lui plaise ou non. Madame Sebbar dénonce un adultère : quoi, l’Enfant tromperait sa « maman » avec un pédéraste ? Pouah. Que l’enfant sache qu’un pédéraste n’est pas une maman, lui. Il aime les gosses en général, et non pas le sien propre. Il est aimé de l’enfant quand l’enfant — un enfant — veut bien de lui, et non parce qu’il a, cet adulte, un droit sur quelque enfant que ce soit. Quel salaud !

Cependant, madame Sebbar, qui semble militer discrètement pour l’inceste, a raison. Elle a compris qu’il existe cette rivalité amoureuse entre la mère et le pédophile : la mère aime son gosse parce que c’est le sien (les mères n’aiment guère les gosses de la voisine…) ; le pédo aime un gosse, le désire, risque tout pour lui, parce que c’est LUI. Car le pédo croit que cet enfant, c’est quelqu’un. Comme tout le monde. Quelqu’un : un homme. Le pédo prend les enfants pour des adultes. Ce crime est puni de dix ans de prison. Si je dis que la Sebbar a raison, c’est qu’elle débride, dans son style parisien et futile, l’essentiel du problème : un enfant est-il la propriété de sa « maman », ou de la société, ou d’un pédéraste ?

Peut-il exister seul, être autonome ? Est-il seulement capable de ne pas appartenir à quelqu’un ?

Et, au fait, quel adulte oserait prétendre qu’il peut se passer d’autrui ? Mais, si la pensée de madame Sebbar est stupide, c’est qu’elle ose comparer les amours libres et dangereuses du pédophile et de l’enfant, et les amours séquestrées, obligatoires et arrosées d’allocations familiales, de l’enfant et de la « maman ». C’est comme si elle opposait le voleur à la tire, qui risque la prison, et le commerçant patenté, qui ne vole qu’à l’aide des lois. Notre juridiction condamne le vol illégal, et l’amour hors-commerce. Pourquoi madame Sebbar s’inquiète-t-elle des amours que les lois empêchent d’exister ? Elle me fait penser à ces gens qui militent pour la peine de mort, alors que celle-ci n’est pas abolie. Madame Sebbar, avant de casser du pédophile, ayez la charité d’attendre qu’ils puissent vivre.


Tony Duvert


Demain : « Lorsque l’enfant paraît », 2


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Voir aussi

L’enfant au masculin