Mathieu Joseph Bonaventure Orfila

De BoyWiki

Mateu Josep Bonaventura Orfila i Rotger, né à Mahón (Minorque) le 24 avril 1787 et mort le 12 mars 1853 à Paris est un médecin et chimiste français, d’origine espagnole. Il est un pionnier de la toxicologie médico-légale.[1]

Biographie

Portrait de Mathieu-Joseph-Bonaventure Orfila
Titres et fonctions d’Orfila
Frontispice de son Traité de toxicologie, quatrième édition, 1843

Il était le fils d’Antoni Orfila et de Susanna Rotger. Son père voulait qu’il fasse une carrière navale et Orfila s’embarqua pour un court voyage qui échouera. Il décide alors d’étudier la [médecine] et commence sa formation à Minorque avec un professeur d’origine allemande, Cook, qui lui enseigne « les mathématiques élémentaires, la physique presque expérimentale, la logique et un peu d’histoire naturelle ». Orfila arrive en septembre 1804 à Valence pour étudier la médecine, mais il continue ses études à Barcelone, puis à Paris.

Pendant l’hiver 1807-1808, et avec l’aide d’un riche propriétaire qui lui permet d’utiliser un grand nombre d’instruments dans son laboratoire, Orfila commence à donner des cours de physique et de chimie « tous les jours, excepté les dimanches, entre quatre et cinq heures du soir ». Il continuera à dispenser des cours privés de sciences jusqu’en 1819, quand il devient professeur à la Faculté de Médecine de Paris. Il enseignera la chimie à l’Athénée de Paris, en remplacement de Jacques Thénard.

D’après ses cours privés, Orfila rédigea un manuel de chimie qui fut publié pendant l’été 1817 et qui fut reçu très favorablement. Ce manuel connaîtra huit éditions françaises, plusieurs traductions espagnoles, anglaises, allemandes, etc., et aussi des éditions abrégées, qui rendront l’ouvrage célèbre dans toute l’Europe. Orfila est naturalisé français le 24 décembre 1818, et il est nommé le 1er mars 1819 par la Commission d’Instruction Publique « professeur de médecine légale » à la Faculté de Médecine de Paris. En 1821, il publie ses Leçons de médecine légale qui deviendront la source de son fameux Traité de médecine légale, lequel sera publié et traduit à plusieurs reprises pendant les années 1830 et 1840.

Le 1er mai 1831, il est nommé doyen de la Faculté de Médecine de Paris. Il sera reconduit dans cette fonction le 6 mai 1836, le 21 mai 1841 et le 29 décembre 1847, jusqu’au 28 février 1848. Orfila introduit de nombreux changements dans la Faculté. Il propose en 1832 la construction de pavillons de dissection. Il crée le Musée d’Anatomie Pathologique (Musée Dupuytren) en 1835, puis donne 60 000 francs pour la création du Musée d’Anatomie Comparée, ouvert en 1845 (aujourd'hui Musée Orfila). Il est nommé en 1832 membre du Conseil général des hospices. L’année suivante, il devient président de l’Association de prévoyance des médecins qu’il avait fondée. Le 14 février 1834, il est nommé membre du Conseil royal de l’instruction publique. Vers la fin de 1834, il est élu membre du Conseil municipal et du Conseil général de la Seine. La même année, il est fait chevalier de la Légion d’honneur. Il participe à des affaires judiciaires célèbres, comme l’affaire Mercier et l’affaire Lafarge.

Orfila est décédé à son domicile, 45, rue Saint-André-des-Arts à Paris, le 12 mars 1853. Il est inhumé le jour suivant au cimetière du Montparnasse.

En 1875, la rue des Hautes-Gâtines, dans le XXe arrondissement de Paris (quartier de la place Gambetta), a été rebaptisée rue Orfila, vraisemblablement parce qu’elle débouche à l’angle de l’hôpital Tenon, alors en cours de construction.[2]

Un poème anonyme de 1836

Ces vers de potache, publiés anonymement en 1836, seraient de François Fabre. Ils sont tirés de L’Orfilaïde,[3] un poème en trois chants qui montre que l’allusion était permise.

«

Viens, Orfila, sous le bras l’un de l’autre,
Dans tes bosquets qu’eût enviés Le Nôtre,
Improvisons un éternel plaisir ;
En flageolet ma plume est travestie,
Rien ne trahit en moi l’ange déchu ;
Ma queue est courte, et ma griffe aplatie
Et j’ai caché mon pied fauve et fourchu.

»

Une incroyable action de pédérastie

Un article[4] de Laure Murat[5], basé sur une recherche aux Archives de la préfecture de police de Paris[6], mentionne la tentative de chantage dont fut victime le docteur Orfila :

« Certaines victimes, à bout de force ou à court d’argent, se voient dans l’obligation de se plaindre au Préfet de Police, démarche dont on imagine sans peine la difficulté. […][7] Ce sera encore le cas du docteur Mathieu Orfila, doyen de la faculté de médecine qui se livrait « à une incroyable action de pédérastie »[8] sur les Jésus et les vagabonds qu’il emmenait imprudemment chez lui. »

Un discours de façade

L’édition de 1848 de son Traité de médecine légale nous éclaire sur l’opinion qu’il tenait en public sur ces sujets :[9]

«
De la sodomie ou de la pédérastie (1).


Quoique la loi n’inflige que les mêmes peines pour les crimes de viol et de sodomie, les individus convaincus de pédérastie se trouvent par le fait bien plus sévèrement punis, puisqu’ils encourent la disgrâce de la société tout entière, qui ne saurait jamais les mépriser assez. L’attentat dont je parle, produit d’une imagination déréglée et de la plus scandaleuse débauche, doit exciter d’autant plus l’animadversion publique, qu’il est ordinairement commis sur de jeunes enfans dont on empoisonne la vie, et qui sans cela auraient peut-être augmenté le nombre des citoyens vertueux. Cette considération doit faire sentir combien la punition de pareils misérables est loin d’être en rapport avec l’intensité du crime.

(1) Sodomie vient de Sodome, capitale de la Pentapole, première cité où le crime dont je parle ait été commis. Pédérastie, mot dérivé de παιδος, enfant, et de εραστης, amateur.[10]

»

Publications

Principales publications de Mathieu Orfila :

  • Traité des poisons ou Toxicologie générale (1813)
  • Éléments de chimie médicale (1817)
  • Leçons de médecine légale (1823)
  • Traité des exhumations juridiques (1830)
  • Recherches sur l’empoisonnement par l’acide arsénieux (1841)

Liens externes

Notes et références

Ce texte est basé sur l’article « Mathieu Orfila » de Wikipédia en français, version du 30 décembre 2011 sous licence Creative Commons paternité partage à l’identique.

  1. Michel Bounias, Traité de toxicologie générale, Springer, 1999, p. 18.
  2. Cf. la nomenclature officielle.
  3. François Fabre, L’Orfilaïde ou Le siège de l’École de médecine : poème en trois chants avec une préface et un épilogue en vers par le Phocéen, Paris, chez l’auteur et chez M. Paul, 1836, p. 56. En format PDF : L’Orfilaïde
  4. Laure Murat, « La tante, le policier et l’écrivain. Pour une protosexologie de commissariats et de romans », Revue d’Histoire des Sciences Humaines, 2/2007 (n° 17), p. 47-59.
  5. Laure Murat est actuellement professeure au Département d’Études françaises et francophones (Department of French and Francophone Studies) de l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA). Son champ d’études s’étend à l’histoire de la culture, à l’histoire de la psychiatrie et aux Gender studies.
  6. Selon Laure Murat, les registres BB4 et BB5 − intitulés « Pédés » (BB4 et BB5) et « Pédérastes et divers » (BB6) − sur lesquels reposent cette étude demeurent très difficiles à dater avec précision : il s’agit de deux répertoires de cas, mêlant affaires classées et enquêtes en cours, dont les dates ne sont mentionnées que très sporadiquement. Par déduction, en fonction du contexte historique et des références évoquées, il est néanmoins possible d’affirmer qu’il s’agit de la fin de la monarchie de Juillet et du début du Second Empire. Parmi les rares dates citées, les plus extrêmes sont 1841 et 1859. Le registre BB6 se présente en revanche sous la forme beaucoup plus précise de tableaux, avec l’état-civil des personnes, les dates et les motifs d’arrestation, ainsi que les observations de la police. Il est beaucoup plus tardif (1er mars 1873-3 mars 1879).
  7. L’exemple cité avant celui d’Orfila est le cas d’Abel-François Villemain, professeur de lettres, député, pair de France, secrétaire perpétuel de l’Académie française et ministre de l’Instruction publique au moment où il fut pris en flagrant délit à la Madeleine, en 1844, « se livrant à tout ce qu’il y a de plus dégradant avec un jeune homme. Ils étaient blottis dans un coin de la rue de l’Arcade. Saisi par les chanteurs M. Villemain a décliné son titre de ministre et a conduit les chanteurs à son hôtel où il leur a donné 2 000 francs en billets de banque de 1 000 francs et un sac de 1 000 francs. Il a été relancé pendant fort longtemps et a fini par menacer les chanteurs de se plaindre à M. le Préfet de police s’ils ne le laissaient pas tranquille ».
  8. APP, BB4, folio 162.
  9. M. Orfila, Traité de médecine légale. Quatrième édition revue, corrigée et considérablement augmentée, contenant en entier le traité des exhumations juridiques, Paris, 1848, tome premier, p. 164-165. Le texte est en ligne en plusieurs formats : Traité de médecine légale
  10. On a corrigé la graphie fautive εμασης de l’original, imputable au typographe plutôt qu’à Orfila – les médecins de cette époque savaient parfaitement le grec.