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— Alors c’est comme Julie on voit sa couille ! Faut que tu me laves, maintenant je suis
— Alors c’est comme Julie on voit sa couille ! Faut que tu me laves, maintenant je suis
sale.
sale.}}<br>
 
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<p>Il y avait un petit kilomètre entre la maison qu’avait louée Jonathan et le village. Cet
espace de bosquets, de prés, de fermes, était surtout agréable pour la mauvaise route de terre
qui le parcourait. Et, vers la fin de ce parcours, il y avait des collines caressées de lumière, qui
tombaient sur une rivière ombragée : il fallait se faufiler parmi les noisetiers qui s’inclinaient
en travers du chemin, et dont les chatons poudraient le visage et le cou de celui qui passait là.</p>
 
La maison de Jonathan était petite, comme le village était petit. Un jardinet dérisoire
l’entourait : les jardins sont minuscules quand ils sont à la campagne. Et, de l’autre côté de
son grillage entrecroisé de liserons, Jonathan apercevait l’étendue mouvementée et calme des
champs de terre crue, les arbres faits de mille étincelles clignotant chacune à sa place, et les
prés d’herbe humide qui s’animaient plus doucement que les feuilles, là-haut.
 
On atteignait le mois de juin.
 
Sans doute, la maison appartenait à un ancien groupe de fermes : car l’unique maison
voisine, toute proche, était semblable à celle de Jonathan, quoique biscornue, et plus fraîche à
cause de sa vétusté naïve, et plus sale. Une vieille paysanne l’occupait. Et il y avait aussi, dans
le pré, les ruines d’un vaste bâtiment que le lierre et l’herbe n’avaient pas envahi : sans les
touffes d’orties qui poussaient à leur pied, plus hautes et plus serrées que des fougères, ces
murs auraient pu s’élever, jaunes, raides, échancrés et friables, au milieu d’un désert bleu
écrasé de soleil.
 
Une lettre avait annoncé à Jonathan la visite de Barbara et de Serge, son fils. Il les avait
connus par un ami, dix-huit mois plus tôt. Il les avait fréquentés à cause du garçonnet. Cela se
passait à Paris ; Serge avait alors six ans et demi, Jonathan vingt-sept ans.
 
L’enfant et l’homme s’étaient, à leur façon, beaucoup aimés. Cependant Jonathan, que
mille difficultés rebutèrent, avait bientôt quitté Paris pour se réfugier dans ce coin de
campagne, d’ailleurs sans rompre avec personne.
 
Depuis, il ne parlait plus, répondait rarement aux lettres, ne recevait pas d’amis, et sa
vie intime se réduisait à des caresses solitaires sur des souvenirs qui l’étaient moins. Il
travaillait peu, composant seulement quelques dessins à l’encre ou à la mine de plomb. Sa
galerie lui en donnait d’assez bon argent, que Jonathan n’employait pas.
 
L’idée de revoir Serge le bouleversa. Barbara abandonnerait le garçonnet une semaine,
ferait un petit voyage au sud et le reprendrait à son retour. Libre de mari, elle se soulageait
aussi de Serge ici et là, car elle aimait vivre en fille. À l’époque où Jonathan habitait Paris, il
gardait donc l’enfant et ils dormaient ensemble ; le matin, il le lavait, l’habillait, le conduisait
à l’école. Leur amitié était si étrange que Barbara fut soulagée quand Jonathan battit en
retraite. Serge, très coléreux avant de connaître Jonathan, s’était montré doux avec lui, mais
pour lui seul. Après son départ, il devint renfermé et passif. Cela convenait à Barbara.
 
Jonathan se demanda pourquoi elle osait lui confier à nouveau le petit. Cela ressemblait
à un marché. Barbara était souvent à court d’argent et Jonathan, s’il en avait le moyen, l’aidait sans réticence. Deux mois plus tôt, il lui avait consenti un prêt qui n’en était pas un, car il ne
savait pas prêter. Barbara l’avait remercié en deux feuillets de bavardage, où l’unique
singularité était un passage à propos de Serge : car ses autres lettres ne parlaient jamais de
l’enfant.
 
Ce don inattendu avait intrigué Jonathan. <i>J’espère que tu te rappelles de temps en temps
mon adorable fils ! !… Lui a l’air de t’avoir vraiment oublié ! ! ! !… Je lui parle de toi — on
voulait même aller à ta fameuse expo en décembre !… Non ça n’intéresse pas monsieur…
Remarque à son âge on oublie vite c’est peut-être mieux tu trouves pas… Mais tu ne sais
même pas qu’il est tellement adorable maintenant ! ! ! !</i>, écrivait Barbara, dans son langage de
traits et de points. Elle ajoutait que Serge se disciplinait enfin à l’école, l’adorait, elle, de plus
en plus, se réfugiait dans son lit à elle le soir, un vrai petit amant ; il devenait pleurnichard,
mais si gentil. <i>Et puis vraiment j’aime mieux ça que quand il cassait tout dans la
baraque ! !… Ah ces enfants !…</i>
 
Ces nouvelles glorieuses avaient désespéré Jonathan.
 
Quant à la lettre qui promettait le séjour du fils, elle évoquait aussi l’embarras d’argent
où la mère se trouvait. La manœuvre était si outrée que Jonathan craignit qu’en réalité
Barbara ne vînt seule.
 
<br>
<p>Serge se fit essuyer les mains.</p>
 
— T’étais pas sale, remarqua Jonathan.
 
— Non, j’étais pas sale, un peu, c’est pour que tu me laves.
 
À Paris, l’enfant suivait Jonathan sous la douche, et l’aurait même accompagné au
cabinet.
 
— Ici tiens y a pas de douche.
 
— Ah pourquoi ? dit Serge. Puis il détourna la tête et prit l’air coléreux qu’il avait eu
dans son âge de sauvagerie :
 
— Pourquoi t’es parti ? demanda-t-il brusquement.
 
— … L’année dernière ?… Tu sais je voulais rester avec toi, dit Jonathan. J’aurais dû
rester. Je n’ai pas eu le courage. Ta mère me tue.
 
— Pourquoi t’es parti ?
 
<br>
<p>Jonathan vivait avec austérité. Il lui manquerait beaucoup de choses pour accueillir
l’enfant. Il avait peu de draps, un seul oreiller avec une seule taie, un seul torchon. Il lavait
cela lui-même. Son confort était du vin pour ses humeurs noires, et une chambre très
calfeutrée où les subir : ces jours-là il fallait des verrous, des couvertures, un entassement
d’obstacles pour retenir et renfermer la vie qui s’arrachait de lui. Après le bref séjour du petit,
Jonathan connaîtrait une détresse dont il ne sortirait peut-être plus : il avait de moins en moins
de force contre la mort.</p>
 
Il apprécia ses disponibilités d’argent et partit au bourg voisin se procurer les denrées,
meubles et objets nécessaires ; il fit même un voyage à la petite ville des environs. Il loua un
réfrigérateur. Dans les fermes, il acheta plus de nourriture qu’il n’en mangeait en deux mois.
Il eut aussi un miroir qu’il se promit de casser ensuite. Il s’y examina, considéra ses
vêtements, ses cheveux, ses mains, sa figure, et passa un long jour à les mettre en état.
 
Il fit un grand ménage de la maison, peignit la clôture du jardin, dévissa les verrous de
sa chambre et arracha les chiffons qui calfeutraient les volets. Il posa une pendulette dans la cuisine, gratta les casseroles noircies, récura les carrelages, les porcelaines, nettoya les vitres,
eut des nappes fraîches pour la table et donna des voilages à coudre, posa des lampes et des
abat-jour en place des ampoules nues. Il eut des jeux, des jouets, des illustrés, de la
pharmacie, et il se renseignait docilement pour ne pas se tromper d’âge.
 
Chez le marchand de jouets, il dit qu’il avait un fils. Sorti de la boutique, son mensonge
lui laissa tant de honte et de douleur qu’il faillit abandonner le paquet sur un banc.
 
— Pourvu qu’il ne vienne pas, pensa-t-il à la fin.
 
Ils montèrent ranger les vêtements de Serge dans l’armoire. Le lit était haut et grand.
C’était la seule chambre de la maison, qui n’avait que trois pièces en comptant la cuisine. Là,
près du lit, Jonathan avait installé sur des tréteaux la table où il travaillait. Elle était couverte
de grandes esquisses, méticuleusement propres, et de gribouillis informes à même le bois.
 
— Alors c’est toi qui les fais ces dessins-là ? demanda Serge.
 
— Oui c’est moi.
 
— Ils sont bien ?
 
Jonathan sourit :
 
— Tu les trouves bien toi ?
 
— Ma mère aussi elle fait des dessins. Et des peintures.
 
— Oui je me rappelle.
 
— Mais t’en as vendu ? Elle elle en a pas vendu.
 
— C’est pas facile.
 
— Ah non. On va sur les terrasses tu sais, dans les restaurants avec Dominique, on les
montre aux gens quand ils mangent, mais ils ont pas de sous. Toi tu les vends, dans les
restaurants ?
 
— Euh non, dit Jonathan un peu gêné, à Paris le soir je ne sortais pas beaucoup. Mais il
y a des revues, des livres, et puis il y a une galerie, on m’envoie de l’argent.
 
— Une galerie ?
 
— Une boutique hein.
 
— Alors tu travailles pas, t’es tout le temps dans ta maison ?
 
— Oui.
 
— Maman maintenant elle travaille.
 
— Elle me l’a dit, oui.
 
— Au secrétariat, l’après-midi. Mais c’est pas tous les jours. Parce qu’elle écrit de la
musique, des chansons, elle écrit pas les notes, elle chante l’air. C’est Jacques qui écrit les
notes. Mais c’est elle qui invente tout. Et même les paroles. Lui il a une guitare. Tu les
connais les chansons à ma mère ?
 
— Non, je savais pas. Elle ne m’a rien chanté.
 
— Non tu parles, elle chante tout faux.
 
— Ah. Mais quelqu’un les chante ?
 
— Ben non, personne. Moi elle m’en apprend avec Jacques des fois.
 
— Je vois. T’as de la chance.
 
— Ben oui, pas tellement.
 
— Ah bon.
 
— Mais pourquoi tu fais pas des dessins comme Mickey ? reprit Serge.
 
— Ça, il a l’air… trop… bête, j’aime mieux dessiner les vaches. Tu veux une vache ?
 
Ils s’assirent côte à côte devant la planche à dessin et Jonathan sortit une grande feuille.
 
— Oh oui. Ou non — un cochon. Et une grosse vache. Et Donald hein tu sais Donald ?
 
Jonathan obéit. Cette complaisance ne l’embarrassait pas. Sa main était exercée à tout : et ces images claires et ironiques, seules lisibles pour les yeux du petit, lui donnaient le même
plaisir que si, compositeur sériel, il avait fredonné avec un gamin une chanson d’écolier.
 
— Moi, je sais dessiner un chat, dit Serge, je vais le dessiner là, d’abord il est en train
de rire, seulement il a pas de pattes. Et là qu’est-ce que tu fais ?
 
— Ça ? C’est une pomme avec beaucoup de poils.
 
— Quoi ? ça existe pas ! y en a ?
 
— Ici ça existe. Non Serge, c’est toi que je fais. Tiens, regarde en dessous.
 
Et, sous le crâne aux cheveux délicatement mêlés, Jonathan déroula le profil de Serge
tel qu’il l’avait près de lui, d’un trait de crayon si fluide et si tendre qu’il eut une confusion de
cette beauté que sa main produisait malgré lui. Aisance qui ne lui servait à rien d’avouable,
mais qu’il avait travaillée avec acharnement pendant des années, pour son amour secret des
visages d’enfant. Jamais il n’aurait montré ces portraits à quelqu’un. Ses œuvres connues, qui
lui valaient un renom, étaient sévères et peu soucieuses de figuration. Le gamin se plaignit de
n’avoir pas d’oreille puis, quand elle fut en place, Serge dit :
 
— Alors je vais te dessiner toi moi.
 
Il empoigna une demi-douzaine de feutres de couleur et dessina, rouge, bleu, jaune et
rose, tenant à la main une fleur verte, un garçon aux cils en étoile et qui riait d’une oreille à
l’autre, avec des jambes très longues puisque c’était une grande personne.
 
— C’est moi ? dit doucement Jonathan. Je suis joli.
 
— Oui c’est toi. Parce que t’as des grandes jambes. Et là c’est ton pull-over.
 
La couleur du vêtement surprit Jonathan : bleu vif, à bande rouge sur le torse. Voilà un
an qu’il ne le portait plus.
 
— Mais c’est mon vieux, celui de Paris. Remarque je l’ai toujours. Je le remettrai.
 
— C’est pas la peine, dit Serge d’une petite voix froide. Et il tartina de marron son chat
sans pattes.
 
<br>
<p>Jonathan avait au dîner deux petits pigeons. Il fallut d’abord les plumer. Serge y prit
plaisir. Ces oiseaux l’enchantaient. Il retrouva ses gestes abrupts d’autrefois pour fourrer les
quatre ailes dans ses poches.</p>
 
— Avec toutes ces ailes ta culotte va s’envoler, dit Jonathan.
 
— J’m’en fous ! dit le petit, qui s’y enfonça les poings.
 
— Il fait froid. Je les vide et on les cuit dans la cheminée, hein on fait du feu ?
 
La cheminée était dans l’autre pièce. Serge accepta le feu. Il désirait aussi des frites.
Dans le feu, il brûla une poignée de plumes dont la mauvaise odeur lui dilata les traits. Il se
releva tout rouge et excité.
 
— Tu te réveilles, dit Jonathan. T’étais mort cet après-midi, avec ta mère.
 
— Non c’est pas vrai ! répondit brutalement Serge.
 
Sa figure se pétrifia. Il se mit à bouder, l’air méchant, l’œil sur les flammes.
 
— Et j’ai pas faim, affirma-t-il l’instant d’après, en épiant Jonathan.
 
— Ça fait rien, ça se mange froid… Quand tu es en colère j’ai peur de toi, murmura
Jonathan, penché à son tour sur le feu. Sa voix tremblait, il était prêt à pleurer.
 
— Il ne faut pas me faire peur Serge, ajouta-t-il, je ne peux pas, je n’ai pas la force. Non
je peux pas, je vais me coucher, pourquoi tu dis ça ?
 
L’enfant le regarda avec surprise.
 
— … On va manger, dit Serge intimidé. Hein ? on va manger ? T’en va pas.
 
— La broche est trop basse, ils vont brûler. Tu vois le jus tombe là, on le prend et on les arrose avec la grande cuiller.
 
— Moi je les arrose.
 
— Je vais couper les frites.
 
Jonathan partit chercher les pommes de terre et un torchon tout neuf, raide d’apprêt. Il
s’assit par terre près de la cheminée, une épaule contre un bras du petit. Serge agenouillé
guettait le jus des volailles, le visage vif de chaleur.
 
— Demain j’irai dans le jardin, dit-il.
 
— Il fera beau oui. J’ai vu des crapauds, des sauterelles, il y a deux chats qui viennent.
 
— Comment ils s’appellent ?
 
— Ils ont pas de nom, ils sont libres.
 
— Mais où c’est qu’i dorment alors ?
 
— Où ils veulent, quand les gens ne les chassent pas.
 
— Tu les chasses toi ?
 
— Oh. Non, ils sont tranquilles. Ils apportent leurs choses à manger ici, ce qu’ils volent
chez la vieille, une vieille à côté avec un vieux chien, elle a des poules, des lapins. Des
légumes. Elle ne me parle pas.
 
— Pourquoi ?
 
— Je sais pas. Elle est toute seule, elle n’aime pas parler, elle m’a dit de mettre du
poison à cause des rats.
 
— Des rats ? C’est gros un rat ?
 
— Peut-être comme ça là, dit Jonathan, montrant les pigeons.
 
— On va bouffer des rats ! s’écria Serge. Et il se remit enfin à rire, du rire canaille,
infernal et rauque qui était sa voix cachée.
 
Jonathan avait disposé la table de la cuisine près du feu. Les nuits restaient bien froides.
Il dressa le couvert avec soin sur une nappe rouge vif. Les odeurs de viande et de friture
commençaient à soûler le gamin.
 
À table, Serge, impressionné par ce décorum ingénu, raconta :
 
— Tu sais à la maison ? Je cassais tout tout le temps. Ben maintenant je casse rien.
 
— Ah, c’est bien, dit Jonathan. Tiens tu bois du vin, oui ?
 
— Non j’en bois pas. Eh ! mets-en ! mets-en ! mets-en moi eh !
 
— Comme ça ? Vraiment, tu casses plus rien ? Fais voir un peu ? demanda Jonathan.
 
— On peut pas le montrer ! dit Serge en s’esclaffant lourdement. Je vais boire le vin ! le
vin !
 
— Si, je crois qu’on peut le montrer.
 
— C’est pas vrai.
 
— Si.
 
— Non on peut pas !… Allez fais-moi voir.
 
— C’est facile. Voilà deux assiettes. La première je la laisse tomber. L’autre j’y touche
pas.
 
Et l’assiette se fracassa sur le carrelage. Serge cria d’étonnement. Jonathan s’en alla
chercher la pelle et le balai.
 
— … La deuxième assiette je l’ai pas cassée, non ? Tu vois qu’on peut montrer qu’on
casse pas quelque chose.
 
— Ouais, reconnut Serge, mais t’as cassé l’autre.
 
— C’est pas pareil, il y en a plusieurs.
 
— Ah ? Ah ? Alors moi j’peux ? Hein hein j’peux ? dit Serge d’un ton provocant.
 
— Oui, on mangera dans la main c’est mieux.
 
— Alors celle-là alors ! Et Serge envoya sa propre assiette à l’autre bout de la pièce.
Jonathan sursauta. Certains éclats frappèrent les meubles : mais on entendit surtout le joyeux
hurlement de chasseur qui accompagna le geste de l’enfant.
 
— Dommage qu’elle soit vide, remarqua Jonathan, qui tendit le balai au gamin déjà
debout.
 
— Ah ouais, dit Serge. Si qu’y avait… des frites dedans !
 
— De la soupe.
 
— Ouais. Des nouilles !
 
— Oui. Des petits pois.
 
— Oh oui des petits pois.
 
Serge était accroupi et fouillait sous une commode avec la pelle :
 
— D’la soupe ! Ah non tu l’as dit. Des… attends… (et sa voix explosa) quelque chose
qui pue !
 
— Qui pue ? qui se mange ?
 
— … je sais pas quoi.
 
Serge n’ajouta rien. Il vida sagement les morceaux dans la poubelle. Puis un dîner
bruyant, taché de graisse et de vin rouge, eut lieu aux flammes violentes du foyer.
 
<br>
<p>Au matin, Jonathan entendit sa voisine gratter la terre, derrière la clôture qui séparait
leurs jardins. Sans doute elle s’était postée pour découvrir ce qui se passait, et d’où venait
cette voix d’enfant.</p>
 
La matinée était lumineuse. Serge s’était éveillé dès sept heures, ce qui avait un peu
contraint Jonathan. Ils avaient remis leurs vêtements sans se laver. Serge se fit nouer ses
lacets, sous prétexte qu’il ne savait pas. Jonathan ne savait pas non plus. Il remarqua que les
pieds du garçonnet avaient forci ; les orteils étaient moins courts et moins dodus. À
contre-jour, un duvet doré se voyait sur la cheville ; dense, tournant et régulier, il s’usait sur le
mollet sans disparaître.
 
Serge exigea d’aller tout de suite dans le jardin. Jonathan servit le petit déjeuner par
terre, où montait beaucoup d’herbe. Un peu engourdi, l’enfant écoutait les raclements du
sarcloir. Il arracha mollement des herbes autour de lui et les jeta dans son bol, qu’il avait
délaissé à demi plein ; puis il renversa le tout, se releva avec vivacité et s’approcha du
grillage. Il écarta les petites feuilles :
 
— Bonjour ! dit-il, apercevant la vieille.
 
— Hnn.
 
Elle resta penchée. Un museau noir, mouillé, environné de poils ras et blanchis,
s’appuya au grillage et toucha les genoux de l’enfant.
 
— C’est vot’chien ? demanda Serge, qui passa un doigt pour être léché.
 
— Sors de là carogne ! dit la vieille. Elle donna au chien un coup de son outil. Désappointé, Serge revint s’asseoir près de Jonathan.
 
La vieille se redressa et cria à travers la clôture :
 
— J’ai encore des rats ! Mettez du produit ! Monsieur ! Ils m’ont mangé deux poussins
cette nuit ! Et il faut arracher ce liseron-là ! Ça mange mes navets !
 
Sans attendre de réponse, elle se courba sur la plate-bande et tapa la terre aussitôt, mais
légèrement, avec lenteur, pour écouter. Serge murmura, hilare :
 
— Tes navets ! mes rats ! mes poussins !
 
— Là j’ai semé des fleurs d’été, dit Jonathan.
 
Un très petit rectangle de terre bêchée et tamisée, d’où sortaient des pousses maigres,
hautes comme la main.
 
— Des navets ? dit Serge plus fort.
 
— Non ce sont des… je sais plus le nom français. Ça pousse dans le blé. Si tu voulais
enlever tes chaussures, ajouta-t-il sérieusement, je voudrais bien dessiner tes pieds.
 
Serge accepta sans s’étonner :
 
— Mais je peux pas défaire le nœud.
 
Jonathan l’aida ; puis, renversé dans l’herbe, jambes en l’air, tirant ses chaussettes,
Serge gloussa :
 
— Ah ! mes poussins ! mes poussins ! mes p’tits rats ! mes navets !
 
Jonathan cala sa planche à dessin sur un cageot ; il donna un illustré au garçonnet et
l’orienta dans la lumière.
 
— Les deux pieds tu dessines ?
 
— Oui tous les pieds.
 
— Tous mes pieds ?
 
Serge, qui lisait très mal mais inlassablement, changea souvent de position devant son
illustré. Ses pieds tournaient avec, et Jonathan suivait. Après une heure, il y avait une dizaine
de pieds sur la feuille. Tous ses pieds, pensa Jonathan. Il dessinait au crayon, sans retoucher ni
gommer. Il aurait fait ce travail les yeux clos — c’était de vieille discipline. Mais il était ému
de recomposer le tracé académique aux proportions de Serge. Il produisit le relief par un
simple jeu sur l’épaisseur du trait. La blancheur de la peau lui inspira de laver la feuille, et
cette envie le surprit : depuis qu’il habitait ici, il n’avait plus touché de couleur.
 
Après l’aquarelle, les pieds enfantins eurent l’air remuants et lourds. Là-bas, ceux de
Serge oscillaient doucement tout près d’un bouquet d’orties. Le petit, quelquefois, prononçait
une syllabe en lisant, d’une voix atone ou décidée.
 
Jonathan contempla la feuille avec bonheur. Ces dessins n’étaient pas de lui. Ce
matin-là, simplement, le hasard du soleil et des légers nuages avait fait flotter sur son papier
l’empreinte insolente du petit garçon. Il montra l’étude à Serge, qui n’en pensa rien.
 
— C’est comme ça qu’on s’enrhume, dit une voix enrhumée et coupante. La vieille était
sortie sur le chemin et, profitant de ce que la façade était nue, elle leur avait jeté un regard
curieux.
 
— Elle s’intéresse à toi, dit Jonathan.
 
Il tira tout à coup Serge par les jambes et lui embrassa longtemps les pieds. Il lécha
aussi entre les orteils. Les petits ongles étaient noirs. L’enfant rit et cria avec satisfaction. Il se
débattit. Tombée par terre, la feuille d’étude fut piétinée et crevée. Puis il y eut un temps
d’arrêt où Jonathan et l’enfant échangèrent silencieusement un regard particulier. Ils se
relevèrent ensuite et rentrèrent dans la maison.
 
Serge pieds nus avait une attitude dansante et un peu inconsistante, hâtive, tandis qu’il
disparaissait devant Jonathan.
 
Serge ne parlait jamais de son père, qu’il voyait une ou deux fois par mois et qui
s’appelait Simon. Jonathan, à Paris, l’avait rencontré certains soirs, et ils avaient mollement
sympathisé. Simon aurait voulu être peintre ou sculpteur ; il exerçait un métier secondaire
dans un cabinet d’architecture. C’était un bon garçon, ce n’était personne de particulier. Il
semblait avoir extrêmement aimé Barbara, et n’être pas détaché d’elle ; mais Barbara le
jugeait trop ennuyeux, à la ville et au lit.
 
Néanmoins, elle le voyait de temps en temps. Ils avaient des conversations plates, ou ils
faisaient un peu l’amour, ou bien Simon emmenait Serge au cinéma, au jardin zoologique. Son fils ne lui inspirait qu’une tiède gentillesse. Il versait pour lui une faible pension
mensuelle à Barbara.
 
Mais, dans la chambre parisienne de Serge, il y avait une grande photo de Simon, une
pipe à lui, une paire de chaussures très usées, un jean taché de peinture. Simon avait dû
apporter cela chez Barbara pour exécuter quelques travaux de bricoleur. Ces objets étaient
mêlés aux jouets, aux petites affaires que Serge abandonnait en vrac : vers six ans, il avait eu
la manie de changer de vêtements à longueur de jour. Il inventait ou découvrait des gênes que
lui infligeait telle culotte, tel maillot, telle chaussette d’un seul pied. Il les arrachait
furieusement et essayait d’autres habits, renversait les tiroirs, criait, pleurait, finissait par
s’apaiser. Barbara, peu sensible au bruit et au désordre, se contentait de hausser les épaules.
Mais, quand elle recevait des amis pour contempler et méditer, avec des bâtonnets d’encens,
du thé vert et un livre de zen à portée de la main, elle secouait et giflait Serge en le raisonnant
d’une voix mesurée :
 
— Écoute mon vieux, il fallait un peu arrêter ta comédie, tu crois pas non ?
 
L’enfant hors de lui s’en allait pleurer dans un placard. Ainsi Barbara et ses amis
pouvaient reprendre leurs exercices de sérénité.
 
La présence de Jonathan changea cela. Il ne savait pas méditer. Il suivit Serge dans son
placard, et fut stupéfait de ce qu’il aperçut : sur une planche placée très haut, et niché derrière
des piles de linge bouleversées, il y avait un petit animal hoquetant et dur, méchant,
inaccessible, dont on ne découvrait qu’un bout d’oreille et de genou. Très ému, Jonathan
désespéra de l’apprivoiser, de le prendre dans ses bras. Il attendit et se laissa guetter, les
larmes aux yeux. Puis Serge, brusquement, renversa ses remparts de linge et s’accrocha à son
cou. Plus tard, il montra à Jonathan comment il s’y prenait pour grimper dans ce repère ; il
avait beaucoup plus de peine à en redescendre.
 
Ils finirent la soirée dans la chambre du petit, si tranquillement que Barbara interrompit
ses épreuves de quiétude pour voir d’où venait tant de calme. Les deux garçons étaient par
terre ; Serge assis sur Jonathan lui assemblait, depuis le crâne jusqu’au nombril, des bidules
en plastique qui servent, d’habitude, à construire des pavillons de banlieue et des
stations-service. Timide et chargé de guirlandes anguleuses, Jonathan ne sut rien expliquer ni
penser. De ce premier soir, il ressentit beaucoup d’angoisse. Puis, après quelques semaines, il
dut s’avouer que Serge l’aimait et il retrouva, lui aussi, sa sérénité.
 
Serge se fit plus enfant qu’il n’était. Il rendit à Jonathan mille petits services
imaginaires ; en contrepartie, il demanda que Jonathan l’habille, le boutonne, le chausse, le
dévête, le débarbouille, soit fidèle aux heures d’école (c’était sa première année de classe), le
tienne par la main dans la rue, l’embrasse avant et après, l’aide à lire les lettres et à tracer les
plus simples d’entre elles. Il avait été si intenable et capricieux à table que Barbara avait
renoncé à le faire manger : il se servait au frigidaire selon ses besoins. Mais Jonathan aimait
cuisiner, alors Serge aima dîner.
 
Jonathan remplissait chaque rôle avec tant de contentement et de patience que bientôt
Barbara, agacée, vit dans ces rituels autant d’habitudes détestables qu’on donnait à son fils, et
les empêcha quand elle en était témoin. Cela remit Serge de mauvaise humeur : désordre, bris
d’objets, criailleries, retraites en haut du placard recommencèrent. Barbara en conclut, selon
son mode particulier d’associer les causes et les effets, que Jonathan énervait le petit et avait
sur lui une influence néfaste. Éprise de certaines lectures, elle n’attribua pas cela à une
perversion de Jonathan, mais à des ondes négatives qu’il répandait sans pouvoir les contrôler.
Experts en ondes, ses amis lui confirmèrent ce diagnostic :
 
— T’as raison, ce qu’il émet ce mec c’est pas possible. Tu devrais pas laisser ton gosse avec.
 
— Ouais, moi je le sens là, tiens. Franchement, hein.
 
— Non moi, j’crois plutôt, tu vois, il a pas d’orgone.
 
— Oh tu déconnes ou quoi ? Tout le monde il en a.
 
— Oui mais, tu comprends, je sais pas, tu sais, il reçoit pas, il refuse quoi, tu vois, il…
enfin, je sais pas… hein c’est sûr quoi, tu vois ?
 
C’est grâce à Simon que Serge avait échappé à un prénom affecté. Barbara, après
l’accouchement, avait voulu appeler son bébé Sébastien-Casimir, ou Gervais-Arthur, ou
Guillaume-Romuald, ou n’importe quoi de la même eau. Simon avait protesté, et avec une
vigueur si inhabituelle que Barbara s’était inclinée : ils envisageaient de se marier, elle se
souciait d’autres conflits. Serge était le nom du père de Simon, que celui-ci admirait.
 
Quant au vrai prénom de Barbara, c’était Georgette. Sa mère ne l’appelait pas autrement
quand elle lui rendait visite à Paris. Disposé à l’ironie, Serge aurait pissé de rire à chaque
Georgette que sa grand-mère prononçait, mais il se retenait : ces jours-là Barbara était
orageuse, des scènes éclataient entre la fille et la mère.
 
Jonathan eut une ennemie en cette vieille femme. Elle trouvait souvent Serge avec lui et
n’aimait pas cela. Elle venait à Paris pour jouir de l’enfant : cette rivalité lui gâchait son
affaire. Car Serge était impossible avec sa grand-mère ; il réservait ses amabilités à ce jeune
homme silencieux qui n’était même pas français. La vieille supposa que Jonathan cajolait
Serge pour coucher avec Barbara. Elle trouva cela dégoûtant : c’est vraiment trop facile de
séduire un gosse. Bien sûr, Barbara marcherait ! La grand-mère fut révoltée que, par calcul,
on lui vole un plaisir et un droit qui n’auraient dû être que les siens.
 
Elle habitait Péronne. Elle rêvait d’arracher Serge à la vie dissipée que menait Barbara,
pour l’introduire dans sa vieille vie de veuve. Elle avait dressé une fille, un garçon, un mari et
six chiennes. Ce grand nombre de chiens tenait à ce qu’elle les faisait piquer dès que leur âge
exigeait une tendresse ou des soins.
 
Quand Serge était tout petit, on le lui avait parfois confié — comme Barbara cherchait
plutôt à se soulager de son fils qu’à lui trouver de bonne compagnie. La vieille avait mis à
Serge des chapeaux de paille, avait surveillé ses patouilles dans les squares, l’avait assis
devant les publicités télévisées, lui avait offert un costume de Zorro, avec un masque noir et
des armes pour nourrissons ; elle lui avait appris les tons bébés, le parler zozotant, les cris
suraigus, car Serge avait la voix rauque et ne prononçait que des phrases normales, sans
rapport avec ce qui doit sortir du ventre d’une poupée. Cependant, Serge avait aimé sa
grand-mère : à trois ou quatre ans, débordant de gentillesse, d’alacrité et de confiance, il
aimait tout le monde.
 
Après un séjour un peu plus long que les précédents, Barbara estima qu’on transformait
son fils en idiot. Pour l’instant, elle décida qu’il n’irait plus à Péronne.
 
Mais une semaine suffit pour que Serge reprenne sa grosse voix, ses rires et son audace.
C’est ce que Barbara exhiba de lui, tant qu’il se contenta d’elle.
 
Elle avait pourtant lu, dans un ouvrage féministe, que, passé trois ans, les enfants, filles
ou garçons, sont saturés de leur mère. Elle l’épia, le vérifia, ne l’accepta pas : l’éducation
suivit.
 
La grand-mère n’avait jamais rien lu de semblable. Elle faisait néanmoins son possible
pour combattre le penchant de Serge à aimer qui lui plaisait. C’était le premier motif des
guerres entre elle et Barbara ; la première cause des idées générales que cultivait Barbara sur
Jonathan et les choses de ce monde ; et la raison pour laquelle, ces jours-là, Serge opposait
une figure féroce et des poings serrés aux séductions des deux femmes, et exigeait pour seul plaisir d’être promené à travers les rues sur les épaules de Jonathan. La grand-mère les
accompagnait si elle se sentait d’attaque. Serge en profitait, bien tenu par les cuisses, pour se
lever tout debout au-dessus de Jonathan et faire semblant de sauter. Ensuite il sauta pour de
bon : Jonathan le rattrapait sous les bras avant qu’il touche le sol ; il enviait le courage du
garçonnet et l’accolait beaucoup. La grand-mère détournait la figure, parlait de jambes
cassées, de marchand de glaces tout proche, et ses doigts raides tremblaient.
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Dernière version du 9 avril 2016 à 07:20

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… Two lads, that thought there was no more behind,

But such a day tomorrow as today,

And to be boy eternal.

Shakespeare, Conte d’hiver.



PREMIÈRE PARTIE



Le petit garçon entrait dans la cuisine, et il apercevait des choses insolites sur le carrelage.

Mais il ne dit rien. Sa mère bavardait avec Jonathan. Et lui, Serge, il explora cette maison inconnue : car il était mécontent que la conversation le néglige.

Ensuite sa mère partit sans lui. Il la suivit des yeux. Elle prit un petit chemin qui rejoignait la route ; sa voiture était là-bas. Jonathan referma la porte du jardinet, poussa l’enfant par les épaules, et ils regagnèrent la cuisine. C’était l’heure de goûter. Serge accepta une tartine de confiture sur du beurre et un verre de lait. Et, en se remplissant la bouche, l’enfant montra à Jonathan les choses bizarres qu’il y avait par terre :

— Pourquoi tu mets ça ?

— C’est pour les souris, dit Jonathan.

Une soucoupe de lait, une soucoupe de confiture et un gros croûton de pain.

— Elles boivent du lait ?

— Oui, elles boivent du lait.

Serge écoutait avec plaisir l’accent léger de Jonathan. Un accent allemand, ou anglais, ou néerlandais, on ne savait pas : Jonathan avait trop voyagé, il n’avait plus d’origine. Serge avait envie d’imiter sa voix ; les mots étaient bien clairs, calmes, un peu timides, comme des objets naïfs, sans une ombre dessus.

— Elles ont une langue ? dit Serge.

— Une langue oui. Vraiment une petite langue rose qui remue. Elles aiment ça. Elles lèchent la confiture aussi, c’est des framboises, elles laissent les petits grains dans les framboises.

— Moi j’aime mieux comme ça quand c’est comme ça quand c’est à l’abricot, dit Serge, que cette différence entre son goûter et le repas des souris parut décevoir. Mais pourquoi tu leur donnes à manger toi ?

— Parce que je ne sais pas.

Serge mangeait sa tartine par l’intérieur. Il tirait la mie beurrée et négligeait la croûte, qui forma un fer à cheval.

— Je les aime bien, ajouta Jonathan. Elles sont jolies, tu en as vu ? (Serge fit non.) Elles ont une queue longue comme ça, elle bouge, ça fait comme les oreilles de ton chien quand il te parle (Serge dit très vite on a plus de chien maman l’a donné), ah c’est vrai ? et des pattes comme un chat ou un écureuil, t’en as vu des écureuils ? (Serge dit ah on a un chat c’est un garçon il s’appelle Julie), et c’est doux, tout doux !

— Oh t’en as touché ? C’est ma mère quand on l’a appelé Julie le chat, non mais t’en as touché des souris ?

— Non elles ont trop peur. C’est ta mère qui l’a appelé Julie le garçon chat ?

— Oui forcément, alors t’en as pas touché.

— Si, mais elle était morte. Je l’ai touchée quand même. Elle était à côté de mon lit.

— Y en a dans la chambre ?

— Oui elles viennent le soir. C’est leur heure pour se promener, moi c’est là qu’on les voit bien. Parce que j’ai des gâteaux, des petits-beurre, je les mets sur la table de nuit.

— Tu leur mets des gâteaux ?

— Non c’est pour moi, quand je me réveille si je dors pas, ça me donne faim.

— Eh dis c’est des garçons ou des filles les souris.

— Rigole pas y a les deux.

— Ah… Alors y a des souris, des fois c’est des garçons.

— Oui.

— Mais tu vois toi si c’est des garçons quand ils mangent ?

— Non, ça se voit pas. Il faudrait les attraper par la queue et puis il faudrait regarder ça, juste là.

Jonathan pointa modestement le doigt vers la culotte du petit. Serge se mit à rire :

— Alors c’est comme Julie on voit sa couille ! Faut que tu me laves, maintenant je suis sale.


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