Quand mourut Jonathan (18)

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Toutes les eaux sont pourries, tous les champs sont clos ; les prairies sont empoisonnées, les chemins sont sales et étroits, et des montagnes de détritus en plastique, carcasses d’électro-ménager, ferrailles d’automobiles, envahissent les seuls coins d’herbe, les seuls lopins boisés dont l’accès est ouvert.

Les promenades dans la campagne n’étaient donc pas un plaisir. On circulait entre deux barrières, ou on suivait d’interminables tranchées rectilignes au milieu des seigles, des blés, des maïs. On apercevait, de loin, une rivière : mais ses berges, morcelées en lots de pêche clôturés, étaient interdites aux promeneurs. Parfois, sur mille mètres de pré nu et sans fleurs, on voyait sauter un criquet chétif. Pas d’autres insectes que les mouches ; pas d’autres oiseaux que d’énormes volées de corbeaux, de corneilles braillantes ; pas d’autres rampants que les rats. Telle était la campagne dans cette région.

Serge et Jonathan avaient eu vite exploré ce désert barbelé, électrifié, monotone et hostile. Ils avaient renoncé aux amusements champêtres. Le coin où s’élevait leur maison était encore le plus vivant, le plus gai, le plus libre qu’ils puissent voir. Alors ils s’occupaient sagement chez eux, ou Serge faisait une escapade au village. Il y retrouvait quelques enfants de son âge, surtout à l’épicerie, où était leur quartier général. Là, dans l’arrière-boutique et dans la cave, avaient lieu des bêtises silencieuses ou bruyantes que Serge ne racontait pas.

Parfois, il y allait dès le matin. Il revenait vers l’heure du déjeuner ; il aurait volontiers ramené ses camarades, mais leurs parents refusaient. Il les rejoignait au village après le repas. Jonathan, qui préférait faire ses achats l’après-midi, le croisait souvent, lui et sa bande. Un jour de pluie, une course en sac envahit l’épicerie de sacs à patates où gigotaient quatre ou cinq mioches hilares. Des rayons furent bousculés, des conserves roulèrent. Compère aimable, le marchand, qui avait donné les sacs, cria un peu mais laissa jouer. D’ailleurs son fils menait la cavalcade.

Plus tard dans l’été, un car pullman rafla les enfants du village. En effet, la petite municipalité proposait à bas prix les services d’une lointaine colonie de vacances, et cela soulageait les femmes. Seuls les adolescents, qui pouvaient aider aux travaux mécaniques, restèrent là. Il n’y eut plus une voix gaie dans les rues, plus une figure fraîche aux fenêtres. Serge délaissé se replia sur Jonathan.

Puis les gamins réapparurent. Mais Serge ne s’intéressa plus à eux.


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