Ganymède

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Dans la mythologie gréco-romaine, Ganymède (en grec ancien Γανυμήδης Ganumếdês) est un jeune garçon troyen, enlevé par Zeus pour devenir son bien-aimé et l’échanson des dieux.

Il est fils de Trôs,[1][2] roi de Dardanie, et de Callirrhoé, une nymphe fille du fleuve Scamandre qui arrose la Troade.

Époque et contexte

Ganymède est le troisième fils de Trôs. Son frère Ilos fonde au nord-ouest de l’Asie Mineure la légendaire ville de Troie, à quelques kilomètres du détroit des Dardanelles.

Il est enlevé par Zeus sur l’Ida (actuel Kaz Dag, en turc Kaz Dağı), petite chaîne de montagnes qui culmine à 1774 mètres d’altitude au sud de la Troade (région de Troie).

Pâris, qui provoquera la guerre de Troie en enlevant Hélène, son frère Hector tué par Achille, ainsi qu’Énée qui s’enfuira de Troie en flammes vers le Latium, sont tous trois des arrière-arrière-petits-fils de Trôs. Il y a donc un intervalle de trois générations entre eux et Ganymède. Or la date la plus souvent avancée pour la chute de Troie est 1184 avant l’ère commune. On peut donc raisonnablement situer la naissance et l’enfance terrestre de Ganymède dans le courant du XIVe siècle AEC.

Le mythe

Ganymède était d’une beauté sans égale[2] : le roi des dieux brûla d’amour[3] pour lui et voulut l’avoir auprès de lui. Tandis que le jeune prince gardait les troupeaux (selon Ovide[3] et Lucien de Samosate[4]) ou qu’il était à la chasse (selon Virgile[5]), Zeus prit l’apparence d’un aigle, l’enleva et l’emmena jusqu’à l’Olympe. Là, il en fit à la fois son bien-aimé et son échanson, chargé de servir aux dieux le nectar et l’ambroisie, et il lui offrit l’immortalité.

Ganymède figure dorénavant dans le ciel nocturne sous la forme de la constellation du Verseau.

En compensation de l’enlèvement de son fils, Zeus fit cadeau à Trôs de deux juments immortelles.

Âge de Ganymède

Selon les sources antiques, Ganymède au moment de son enlèvement est à un âge compris entre l’enfance et l’adolescence. Il est au moins assez grand pour être chargé de la garde des troupeaux, ce qui suppose qu’il ait au minimum sept ou huit ans. En revanche, il est presque toujours qualifié de « jeune », n’est pas marié, et est parfois accompagné de personnes chargées de veiller sur lui : il n’est donc pas encore adulte.

Lucien de Samosate, dans ses Dialogues des dieux, est l’un des plus précis, que ce soit dans les qualifications directes (« Que ce garçon est simple et naïf ! Que c’est bien un véritable enfant ! », « Sur le mont Ida nous étions beaucoup d’enfants du même âge ») ou sur les informations contextuelles : Ganymède joue aux osselets, il dort avec son père ou sa mère.

Postérieurement à l’Antiquité, les représentations de l’âge de Ganymède ont beaucoup varié en fonction des artistes, des circonstances et des contraintes de leur époque : Rembrandt l’a représenté comme un nourrisson dans L’enlèvement de Ganymède, et Pierre Julien comme un jeune adulte (Ganymède versant le nectar à Jupiter changé en aigle).

Archétype de la relation pédérastique

Le couple Zeus-Ganymède est emblématique de la relation pédérastique dont elle constitue dès l’origine un symbole et un archétype.

Il n’y a en effet aucune ambigüité sur la nature sexuelle de la relation unissant le jeune garçon et le dieu : Héra (Junon), l’épouse légitime de ce dernier, est toujours présentée comme étant jalouse[6][7] de l’enfant et des privautés dont il bénéficie.

Petit à petit, au cours des siècles, la dimension pédérastique (différence d’âge) s’est effacée au profit de la dimension homosexuelle de la relation. Au Moyen Âge, le mot « ganymède » est employé comme synonyme d’homosexuel passif, avant d’incarner l’homosexualité masculine en général.[8]

Le déclin d’une culture antique largement partagée, la concurrence d’autres archétypes homosexuels et la volonté de la communauté homosexuelle de se désolidariser de la pédérastie a conduit à rendre au couple sa dimension spécifiquement pédérastique.

Mentions littéraires

Littérature ancienne

Littérature grecque

Littérature latine

Littérature moderne

Représentations artistiques

Art grec et romain

  • Zeus et Ganymède, cratère à figures rouges du Peintre de Berlin, début du Ve siècle av. J.-C. (Paris, musée du Louvre).
  • Zeus enlevant Ganymède, terre cuite peinte, vers 480 av. J.-C. (Musée archéologique d’Olympie).
  • Statuette de Zeus et Ganymède (Musée paléo-chrétien de Carthage).

Représentations classiques

Représentations modernes

  • Triptyque de Ganymède, par Pierre et Gilles (2007).

Utilisations du nom Ganymède

Le satellite de Jupiter

Après avoir découvert, à partir du 7 janvier 1610, les quatre satellites les plus gros et les plus brillants de la planète Jupiter,[9] Galilée les appela d’abord Cosmica Sidera, en l’honneur du grand-duc de Toscane Cosme II de Médicis dont il recherchait le patronage. Ensuite il les nomma Medicea Sidera (« Étoiles Médicées ») en l’honneur des quatre frères de la maison de Médicis.

Les noms de Principharus, Victipharus, Cosmipharus et Ferdinandipharus furent un temps utilisés ; puis Cosme le Jeune, Cosme l’Ancien, Marie et Catherine pour, respectivement, J-I, J-II, J-III et J-IV.

Dans son ouvrage de 1614 Mundus Iovialis anno M.DC.IX Detectus Ope Perspicilli Belgici (« Le monde jovien découvert en 1609 grâce au télescope belge »), le mathématicien et astronome allemand Simon Mayr, dit Simon Marius (15731624), proposa pour ces nouveaux astres les noms Io, Europe, Ganymède et Callisto — c’est-à-dire quatre êtres mythiques aimés par Zeus.[10] Même s’il affirmait que cette idée avait d’abord été avancée par Johannes Kepler, c’était une suggestion plutôt audacieuse de la part d’un fervent luthérien. Sans doute avait-il été conforté dans ce sens par sa bonne connaissance des lettres grecques,[11] acquise à l’Académie luthérienne du margraviat d’Ansbach : il avait été admis à l’âge de treize ans dans cette école pour enfants pauvres, en même temps que sa très belle voix le faisait entrer dans le chœur de la chapelle du margrave, où il chanta pendant trois ans.[12] Ainsi, c’est à un ancien petit chanteur qu’on doit l’appellation pédérastique du satellite le plus brillant de Jupiter.

En raison d’un conflit personnel avec lui, Galilée refusa d’utiliser les noms proposés par Mayr, préférant garder son système de numérotation selon la distance de Jupiter : I pour Io, II pour Europe, III pour Ganymède et IV pour Callisto.[13] Peu à peu, les dénominations suggérées par Simon Mayr furent oubliées, et pendant des siècles personne n’appela plus « Ganymède » le troisième satellite de Jupiter. Cet usage ne reparut qu’assez récemment, au XXe siècle, mais il semble aujourd’hui s’être imposé de façon définitive.

Ganymède est le plus gros satellite de tout le système solaire, ainsi que le plus massif. Il dépasse en taille la planète Mercure.

Une revue

Vers 1985, une revue pédérastique en anglais, intitulée Ganymede International, fut brièvement publiée aux Pays-Bas par Frank Torey.

Le collectif québécois

À Montréal, une structure informelle de rencontre et de soutien entre pédérastes a pris le nom de Collectif Ganymède.

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

Notes et références

  1. « Ils [les chevaux] sont de la race de ceux que le prévoyant Zeus donna à Trôs en échange de son fils Ganymèdès. »
    (Iliade, chant V, trad. Leconte de Lisle.)
  2. 2,0 et 2,1 « Et Tros engendra trois fils irréprochables, Ilos, Assarakos et le divin Ganymèdès, qui fut le plus beau des mortels, et que les Dieux enlevèrent à cause de sa beauté, afin qu’il fût l’échanson de Zeus et qu’il habitât parmi les Immortels. »
    (Iliade, chant XX, trad. Leconte de Lisle.)
  3. 3,0 et 3,1 « Jadis le roi des dieux brûla d’amour pour Ganymède, le jeune Phrygien, et un être se rencontra dont Jupiter put envier la forme. Il se change en oiseau, mais c’est l’oiseau qui porte son tonnerre. Soudain frappant l’air d’une aile empruntée, il ravit le pâtre du Scamandre. Maintenant encore Ganymède remplit sa coupe, et Jupiter, en dépit de Junon, reçoit le nectar de sa main. »
    (Ovide, Les métamorphoses, livre X, trad. Puget, Guiard, Chevriau et Fouquer, 1876.)
  4. « GANYMÈDE : Oui tu es homme. Mais tout à l’heure n’étais-tu pas aigle, lorsque, t’abattant sur moi, tu m’as enlevé du milieu de mon troupeau ? Comment tes ailes se sont-elles fondues ? Comment as-tu pris tout à coup une autre forme ?
    […]
    JUPITER : Tu songes encore à ton troupeau quand tu es devenu immortel, destiné à vivre ici avec nous ?
    GANYMÈDE : Que dis-tu ? Tu ne me feras pas redescendre aujourd’hui sur l’Ida ?
    JUPITER : Pas le moins du monde ce n’est pas pour rien que ma divinité s’est changée en aigle.
    GANYMÈDE : Mais mon père me cherchera et se fâchera quand il m’aura découvert, et je serai battu pour avoir abandonné mon troupeau. »
    (Lucien de Samosate, Dialogues des dieux, dialogue 4, trad. Eugène Talbot, 1912.)
  5. « L’aiguille industrieuse y représenta ce noble enfant des rois, Ganymède, au milieu des forêts de l’Ida : bouillant chasseur, il court, fatiguant de ses traits les daims aux pieds agiles ; et dans l’ardeur qui l’emporte, il semble hors d’haleine. Tout à coup fondant sur lui des hauteurs d’alentour, l’oiseau qui porte la foudre le saisit dans ses serres recourbées, l’enlève et se perd dans les nues. Ses vieux gouverneurs tendent vainement au ciel des mains suppliantes, et ses chiens furieux font retentir les airs de leurs longs aboiements. »
    (Virgile, L’Énéide, livre V, trad. J. N. M. de Guerle.)
  6. À propos de Junon :
    « Le temps n’a point encore effacé de son âme les causes de son dépit jaloux et ses cruels ressentiments : le jugement de Pâris et l’injurieux arrêt qui flétrit sa beauté, l’enlèvement de Ganymède, et les honneurs prodigués à ce sang qu’elle déteste, nourrissent au fond de son cœur une éternelle blessure. »
    (Virgile, L’Énéide, livre I, trad. J. N. M. de Guerle.)
  7. « JUNON : Tout cela n’est ni beau, ni convenable. Toi, le maître souverain des dieux, tu me laisses, moi qui suis ta femme légitime, pour aller courir en bas les aventures galantes, transformé en or, en satyre ou en taureau. Toutefois ces maîtresses demeurent sur la terre ; mais ce jeune pâtre de l’Ida, que tu as enlevé sur tes ailes, ô toi le plus vaillant des dieux, le voilà fixé chez nous, et toujours sur notre tête, sous prétexte d’échansonnerie. […]
    JUPITER : Cessez, très-noble dame, d’insulter à mes amours : cet efféminé, ce barbare, cet enfant plein de mollesse, m’est plus agréable, plus désirable que… je ne veux pas dire qui, de peur de vous irriter davantage.
    JUNON : Il ne vous manque plus que de l’épouser pour me plaire. Souvenez-vous de votre conduite indigne envers moi à propos de cet échanson. »
    (Lucien de Samosate, Dialogues des dieux, dialogue 5, trad. Eugène Talbot, 1912.)
  8. « Dans la littérature impériale tardive, Ganymède est devenu un terme générique désignant celui qu’on nommait l’« aimé » dans une relation homosexuelle, mais il devient durant le haut Moyen Âge une figure plus souple, représentant coutumier des gais en général. Dans plusieurs débats datant de cette période, il fait fonction de porte-parole du camp des gais et son nom est souvent employé comme s’il avait été l’archétype de la beauté masculine. »
    (John Boswell, Christianisme, tolérance sociale et homosexualité, Gallimard, 1985, coll. Bibliothèque des histoires, p. 317-318.)
  9. Selon l’historien de l’astronomie chinois Xi Zezong, l’astronome chinois Gan De aurait peut-être observé Ganymède à l’œil nu pendant l’été -365, près de deux millénaires avant Galilée.
    (Voir l’article Gan De de Wikipédia.)
  10. Simon Mayr appelait également les satellites de Jupiter Sidera Brandenburgica (« Étoiles Brandebourgeoises »).
  11. Il avait traduit en allemand les six premiers livres d’Euclide, pour les publier en 1610.
  12. Voir en particulier les pages Simon Marius (1573-1624) et Mayr [Marius], Simon du site The Galileo Project.
  13. Cette numérotation des satellites galiléens est encore en usage de nos jours, en parallèle avec les noms propres.