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{{Citation longue|Si Jonathan avait ce sentiment d’étrangeté, Serge, quant à lui, se montrait fidèle à
{{Citation longue|Sur le pas de la porte, devant le jardinet, chevauchant sa moto et l’excitant à petits coups
lui-même.
de manette, Simon fit des adieux interminables et bavards. Il finit par coiffer son casque, et il
accomplit dans la pente un départ impétueux.


Il était revenu dans la maison pour y faire à nouveau ce qu’il y faisait deux ans plus tôt :
Serge n’avait pas attendu cette exhibition pour regagner la maison. Jonathan, gêné,
et sa première journée de cet été-là aurait pu s’enchaîner à la dernière journée de jadis, sans
malheureux, accablé d’appréhension, dut se décider à l’y rejoindre, quand le bruit de la moto
un hiatus, sans la moindre retouche aux anciens rites, aux anciens jeux, aux anciens plaisirs.
se fut tout à fait évanoui.


Jonathan avait tort : le temps ne s’était pas écoulé. Rien n’avait eu lieu, qu’un long été,
— … Tu viens voir en haut ? demanda aussitôt Serge avec timidité.
commencé autrefois, et qui durerait toujours. La vie même de Serge.}}<br>
 
Jonathan, un peu surpris, le suivit.
 
— Je te dis rien ! murmura encore Serge, grimpant l’escalier à longues enjambées, qui
lui levaient le genou au-dessus de la taille.
 
Ils furent dans la chambre. Comme l’avait imaginé Jonathan, les bagages de Serge
n’étaient pas défaits. Mais il avait sorti de son vieux sac un immense rouleau de dessins à
l’aquarelle, collés côte à côte comme un long papyrus, et il l’avait étalé à travers la pièce. Une
boîte de couleurs et un pinceau humide, sur la table de Jonathan, montrait que Serge avait fait
quelques dernières retouches, pendant que son père parlait en bas. Telle était la surprise qu’il
avait mystérieusement préparée pour Jonathan.
 
La magnifique banderole partait du haut de l’armoire : puis les gros personnages, les grosses fleurs, les maisons fantaisistes, les océans, les rivières, les forêts, les ciels brillants
couraient sur le lit, drapaient une commode, chevauchaient la table à dessin, enjambaient deux
chaises et finissaient en larges volutes à leurs pieds. Il y en avait huit ou dix mètres, peut-être
davantage.
 
Serge regarda ses dessins et regarda Jonathan, la figure toute souriante, les bras ballants.
 
— Moi je sais pas dessiner, expliqua-t-il. Mais c’est pour toi ! Si t’en veux. Au début il
est pas bien fait, il faut pas regarder. C’est une histoire ! Je l’ai montrée à personne.
 
Jonathan resta muet.
 
— On va l’accrocher avec des punaises ici, tout autour, dit-il enfin d’une voix blanche.
 
— Non, je le range. C’est vraiment moche, répondit Serge, qui avait mal interprété la
gêne de Jonathan.
 
Jonathan le laissa tirer et enrouler le papyrus, atterré par ce malentendu. Puis il se reprit.
Il devait ravaler son émotion, rejeter ses vieux doutes, s’abandonner à l’enfant. Avoir
confiance en lui, oublier tant de vérité et de ténèbres, croire.
 
Serge ?}}<br>
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Sur le pas de la porte, devant le jardinet, chevauchant sa moto et l’excitant à petits coups de manette, Simon fit des adieux interminables et bavards. Il finit par coiffer son casque, et il accomplit dans la pente un départ impétueux.

Serge n’avait pas attendu cette exhibition pour regagner la maison. Jonathan, gêné, malheureux, accablé d’appréhension, dut se décider à l’y rejoindre, quand le bruit de la moto se fut tout à fait évanoui.

— … Tu viens voir en haut ? demanda aussitôt Serge avec timidité.

Jonathan, un peu surpris, le suivit.

— Je te dis rien ! murmura encore Serge, grimpant l’escalier à longues enjambées, qui lui levaient le genou au-dessus de la taille.

Ils furent dans la chambre. Comme l’avait imaginé Jonathan, les bagages de Serge n’étaient pas défaits. Mais il avait sorti de son vieux sac un immense rouleau de dessins à l’aquarelle, collés côte à côte comme un long papyrus, et il l’avait étalé à travers la pièce. Une boîte de couleurs et un pinceau humide, sur la table de Jonathan, montrait que Serge avait fait quelques dernières retouches, pendant que son père parlait en bas. Telle était la surprise qu’il avait mystérieusement préparée pour Jonathan.

La magnifique banderole partait du haut de l’armoire : puis les gros personnages, les grosses fleurs, les maisons fantaisistes, les océans, les rivières, les forêts, les ciels brillants couraient sur le lit, drapaient une commode, chevauchaient la table à dessin, enjambaient deux chaises et finissaient en larges volutes à leurs pieds. Il y en avait huit ou dix mètres, peut-être davantage.

Serge regarda ses dessins et regarda Jonathan, la figure toute souriante, les bras ballants.

— Moi je sais pas dessiner, expliqua-t-il. Mais c’est pour toi ! Si t’en veux. Au début il est pas bien fait, il faut pas regarder. C’est une histoire ! Je l’ai montrée à personne.

Jonathan resta muet.

— On va l’accrocher avec des punaises ici, tout autour, dit-il enfin d’une voix blanche.

— Non, je le range. C’est vraiment moche, répondit Serge, qui avait mal interprété la gêne de Jonathan.

Jonathan le laissa tirer et enrouler le papyrus, atterré par ce malentendu. Puis il se reprit. Il devait ravaler son émotion, rejeter ses vieux doutes, s’abandonner à l’enfant. Avoir confiance en lui, oublier tant de vérité et de ténèbres, croire.

— Serge ?


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