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{{Citation longue|— Maintenant je sais le faire le café ! Mais pas avec cette cafetière-là. Tu me montreras,
{{Citation longue|Prendre Serge par le cou procura à Jonathan une sensation étrange. Il eut l’impression que ce n’était pas Serge qu’il touchait, mais un être indéfini, plus général, presque abstrait :
après c’est moi qui l’f’ra. Il sera peut-être pas bon !
''un garçon''. N’importe quel garçon. Quelque chose, dans la présence physique de Serge, ne lui
appartenait pas en propre.


Serge voulut aider à tout, montrer ses talents. Moins patouilleur qu’avant, il appliquait
Cette sensation était neuve, gênante, presque répugnante. L’enfant, à six ans, à huit ans,
son adresse, sa légèreté, sa rapidité neuves à des tâches inutiles ou saugrenues. Le buffet de la
avait été tout entier son corps, et son corps était lui tout entier. Maintenant, au contraire, il
cuisine fut entièrement vidé par terre, inventorié et trié objet par objet ; un tas énorme de
avait, bizarrement, un corps à regarder, attirant, expressif, qui devait être lui, et un autre corps
choses à jeter fut amassé : mais en réalité Serge les conserva pour lui. Batterie de cuisine,
à toucher, ce corps anonyme de garçon : un corps en trop.
mécaniques, vaisselle, épicerie furent remises en place avec une minutie d’étalagiste. Ce
buffet trop rangé n’était guère pratique : mais, si on ouvrait toutes les portes en même temps,
quel spectacle ! Serge ne les referma qu’à regret. Ensuite, il ne demanda pas mieux que d’aller
y prendre pour Jonathan les objets, les produits, histoire d’admirer ses piles, ses files, ses
alignements, ses emboîtements, ses rangs par taille et ses quinconces. Jonathan aurait été
peiné de troubler cet ordre, il attendit que l’enfant ne s’en préoccupe plus. Deux nuits y
suffirent.


Le zèle de Serge connaissait ses périodes d’exaltation, ses moments de mollesse. Il
Jonathan se demanda si Serge éprouvait aussi son contact de la même façon, désormais.
n’avait certes pas renoncé à être aussi brouillon et aussi paresseux que tout honnête homme :
L’enfant semblait à l’aise.
mais il montrait qu’il n’était plus un petit qu’il faut servir et aider sans cesse. Sinon, il aimait
 
sincèrement le travail : puisqu’il ne s’y livrait que de temps en temps, et seulement par envie.
Alors, ce n’était peut-être qu’une impression fausse, qu’inspirait à Jonathan sa crainte
Le mot corvée n’avait aucun sens dans son vocabulaire. Dans le fond de saleté, de négligence,
d’être devenu étranger à Serge. Il l’espéra, mais resta timide dans ses gestes — même lorsque
de désordre que produisent de telles convictions, l’enfant passait par éclairs, réparant avec une
l’enfant lui embrassa la figure. Et même, le soir, au lit (car le petit lit d’en bas fut oublié),
industrie subite l’effet de ses laisser-aller, rendant tout à coup des montagnes de services,
quand Serge provoqua le garçon, avec dans les yeux une malice si particulière que Jonathan
émergeant, lumineux, transparent et rieur, d’une longue phase d’incurie. Jonathan suivait ces
eut la certitude qu’à présent Serge savait quel nom tout cela portait.}}<br>
rythmes et s’en accommodait très bien : c’est ainsi qu’il aimait vivre lui-même. Seulement
l’enchantait la complicité très vive, extrêmement intelligente, du petit garçon.}}<br>
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Dernière version du 8 juin 2016 à 17:27

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Prendre Serge par le cou procura à Jonathan une sensation étrange. Il eut l’impression que ce n’était pas Serge qu’il touchait, mais un être indéfini, plus général, presque abstrait : un garçon. N’importe quel garçon. Quelque chose, dans la présence physique de Serge, ne lui appartenait pas en propre.

Cette sensation était neuve, gênante, presque répugnante. L’enfant, à six ans, à huit ans, avait été tout entier son corps, et son corps était lui tout entier. Maintenant, au contraire, il avait, bizarrement, un corps à regarder, attirant, expressif, qui devait être lui, et un autre corps à toucher, ce corps anonyme de garçon : un corps en trop.

Jonathan se demanda si Serge éprouvait aussi son contact de la même façon, désormais. L’enfant semblait à l’aise.

Alors, ce n’était peut-être qu’une impression fausse, qu’inspirait à Jonathan sa crainte d’être devenu étranger à Serge. Il l’espéra, mais resta timide dans ses gestes — même lorsque l’enfant lui embrassa la figure. Et même, le soir, au lit (car le petit lit d’en bas fut oublié), quand Serge provoqua le garçon, avec dans les yeux une malice si particulière que Jonathan eut la certitude qu’à présent Serge savait quel nom tout cela portait.


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