Histoires arabes (extraits)

De BoyWiki
Voir l’article encyclopédique Histoires arabes



Lorsqu’un titre est indiqué ci-dessous en italique,
il a été rajouté pour faciliter la recherche,
mais ne figure pas dans le texte d’origine.

Ce texte historique est protégé contre les modifications.


HISTOIRES

Un fakir



Un fakir Derkaoui (l’une des confréries musulmanes de l’Afrique du Nord)[1] aimait beaucoup les jeunes garçons. Il en désirait un en particulier, et n’arrivait pas à ses fins.

Il résolut de le prendre par le prestige de sa sainteté et dit un jour à l’objet de ses désirs qu’il était un grand marabout et voyait les saints voler dans le ciel.

— Comment devient-on saint et marabout ? lui demanda le naïf jeune garçon.

— Il faut pour cela, dit l’hypocrite, avoir reçu dans son corps une flamme de la lumière sacrée.

— Et comment cela se peut-il recevoir ?

— Couche-toi sur le ventre et baisse ton pantalon, dit le prétendu saint. Puis laisse-toi faire, et tu verras les saints voler dans le ciel.

Le garçon se mit en position, et le fakir commença à enfoncer le sabre dans le fourreau jusqu’à la garde.

Comprenant alors, mais un peu tard, le stratagème, le jeune homme se mit à crier ; mais le vieux ne le lâcha que quand il fut satisfait. Et le garçon ne put se venger qu’en l’injuriant et en lui tirant la barbe.



La fusée de lumière



Un autre derkaoui désirait un jeune homme qu’il commença par éblouir en lui faisant des tours de passe-passe, pour le persuader qu’il était un saint authentique et un thaumaturge capable de faire sortir de l’huile d’un pot vide et de cueillir dans le ciel des fruits de toute saison.

Le garçon s’attacha à lui comme disciple et lui demanda de le sanctifier.

— On ne peut entrer dans le jardin de la sainteté, lui dit le fakir, qu’à la condition de recevoir en soi la « goutte perçante » (le sperme).

Le jeune homme fit donc ce qu’il fallait pour cela.

Le lendemain, le derkaoui proclama, dans une réunion de sa secte, les vers suivants :

Nous sommes montés sur une très belle coupole de marbre, et nous y avons versé une fusée de lumière.

Les gens crurent qu’il était arrivé à un très haut degré de la vie mystique, alors qu’il voulait seulement dire qu’il était monté sur les fesses du jeune homme.



Le jugement du cadi



Abou Nowas rencontra un jour dans les rues de Bagdad un adolescent si beau qu’il ne put s’empêcher de se jeter sur lui et de l’embrasser sur la bouche.

Mécontent, l’éphèbe traduisit devant le cadi le poète. Mais le cadi fut si ébloui de sa beauté qu’il se mit à réciter les vers suivants :

En vérité, si tu veux empêcher les gens de t’embrasser et de mordre tes lèvres et tes joues, ne te promène dans les souks qu’avec un voile sur le visage. Ne laisse point pendre des franges de cheveux sur tes beaux sourcils et ne montre point de scorpions (boucle de cheveux) sur tes tempes.[2] Car en faisant ainsi tu fais mourir un malheureux, tu tourmentes un amoureux, et tu laisses le cadi des musulmans dans l’angoisse.

Le jeune homme, un peu déconcerté, réfléchit un instant, puis répondit par ces vers :

Nous avions mis en toi notre espoir pour nous rendre la justice. Mais notre attente est déçue. Comment le monde et ses habitants pourraient-ils s’améliorer si le cadi des musulmans est un louwat (de Loth, de Sodome, pédéraste) ?



Frères



Entre frères rien ne se refuse.

Un Marrakechi dit un jour à son jeune frère :

— J’ai une faveur à te demander.

— Qu’est-ce que c’est ? Je ne demande pas mieux si c’est en mon pouvoir.

— Eh bien ! je voudrais te…

— Oh ! ne pourrais-tu me demander autre chose ?

— Comment ! tu es mon frère, et tu me refuserais cela ! À qui donc veux-tu que je m’adresse ?[3]



Les figues



Les maîtres d’écoles coraniques de Fès sont presque tous des Djebala, venus de leurs montagnes situées à l’ouest de la chaîne du Rif, dans le Maroc septentrional.[4]

Le Djebel produit beaucoup de figues et le mot figue est allégoriquement synonyme de cul.[5] D’autre part les Djebala ont la réputation d’aimer les jeunes garçons.

Un de ces maîtres mit un jour des figues dans la poche de son pantalon et, comme il faisait très chaud, accrocha celui-ci au mur.[6]

Quelque temps après, il dit à un des élèves du msid (école coranique primaire) :

— Ouvre le pantalon et donne-moi les figues.

Pensant qu’il s’agissait d’autre chose, le garçon baissa aussitôt culotte et se mit en position.

Le professeur avait trop de scrupules pour refuser quoi que ce fût.



Exiguïté



Quelqu’un prit rendez-vous avec un voisin pour lui louer une chambre.

Quand il vint le lendemain chez le propriétaire de la maison, il le trouva sur un jeune garçon.

— Où est la chambre ? demanda-t-il en affectant de ne rien voir.

— Impossible, mon cher, impossible. Nous n’avons plus de place. Tu vois bien que nous sommes obligés de nous mettre les uns sur les autres pour pouvoir tenir.[7]



À Marrakech



Entre tous les habitants de l’Empire Fortuné, les Marrakechis se distinguent, paraît-il, par leur amour des jeunes garçons.

Un homme de cette nouvelle Sodome étant venu à Fès, un grave bourgeois fasi lui demanda si la vie était chère là-bas.

— Oh ! oui, dit l’homme. À Marrakech, maintenant, une petite paire de fesses, grande comme un citron, coûte bien cinquante centimes…



Innocence



Un jeune enfant qui couche dans la même chambre que ses parents est réveillé au milieu de la nuit par des bruits étranges, des froissements de couvertures, des soupirs étouffés, des grincements de matelas…

— Qu’est-ce que tu fais donc, papa ? interroge l’enfant.

— Je te fabrique un petit frère, mon garçon, dit le père.

— Oh ! papa ! Oh ! papa. Je voudrais bien le faire moi-même.



Le serment



Les djebala, nous l’avons vu, sont très portés sur l’amour qu’on appelle grec. Presque tous, dit-on, ont chez eux un mignon à côté de leur femme légitime ou de leur concubine.[8] Ce sont encore eux qui dressent pour les envoyer à Fès et dans les grandes villes de jeunes danseurs, habillés à peu près comme des enfants de chœur, qui tournoient langoureusement au son des ghaïtas (flûtes de bois) et sur le front desquels on colle avec de la salive des pièces d’argent.

Un djibli (singulier de djebala) avait un fils fort beau qu’il désirait secrètement ; mais il reculait devant le scandale d’un inceste. Il trouva un jour un expédient.

S’apercevant que l’enfant était grimpé dans un de ses figuiers, il fit mine d’entrer en colère contre la personne qui semblait voler ses figues.

— Quel est ce mécréant, fils de putain ? s’écria-t-il. Je jure de l’en…, quel qu’il soit !

Il était lié par son serment.



Précepte coranique



Un djibli avait un giton chez lui qu’il aimait beaucoup.

Il avait aussi un fils d’une vingtaine d’années. Ce dernier eut un jour envie de posséder l’éphèbe, et fit ce qu’il fit avec lui.[9]

Le père l’apprit et en fut indigné.

— Toi qui es taleb (étudiant), dit-il à son fils, ne sais-tu pas qu’il est écrit dans le Coran : « Ne coïtez pas ce que vos pères ont coïté » ?[10]

— Pardon, mon père, dit le garçon. Il est écrit : « Ne coïtez pas les femmes que vos pères ont coïtées »… Il n’est pas question des jeunes gens.



Les deux petits prostitués



Des gardes amènent au pacha deux zamens (jeunes garçons prostitués) qu’ils ont trouvés en train de se battre.

L’on donnait à l’un le surnom de Mithqal (environ cent sous)[11] et l’autre portait celui de Guirch (25 centimes).[12] C’est dire que leurs faveurs n’étaient pas ruineuses et que la vie n’était pas trop chère dans cette ville.

— Pourquoi vous disputiez-vous ? demande le pacha, dont l’un d’eux, Mithqal, était justement parfois le giton.

— Nous nous sommes rencontrés dans les champs, explique Mithqal. Nous faisions route ensemble. Guirch me prit d’abord la main, puis la taille. Puis il passa sa main sous ma djellaba et caressa, sauf ton respect, ô pacha, mon zeb qui commença à s’agiter. Il me dit alors qu’il était prêt à tout, mais avait besoin d’un peu d’argent. Je promis, bien que n’ayant rien sur moi, car le désir ne me permettait pas d’attendre. Je détachai la ceinture de son pantalon et je fis ce que je fis avec lui. Il me réclama alors les flous (les sous). D’où la dispute.

Payant à la place de son favori, le pacha, bon prince, tendit une pièce d’argent à Guirch, et congédia les deux zamens réconciliés « avec la paix ».[13]



À l’envers



Le djibli Amar se rend au marché sur un âne suivi de deux garçons. Mais au lieu de monter normalement, il s’assoit à l’envers, la tête tournée vers la queue de l’âne et vers les deux garçons qui le suivent.

— Pourquoi montes-tu à rebours ? disent-ils.

— Il faut fuir la tentation. Si je m’étais assis sur l’âne à l’ordinaire, je vous aurais tourné le dos. Si je vous avais fait marcher devant, j’aurais vu votre derrière. Il en est mieux ainsi.[14]



Le coq



Joha fut un jour chargé de conduire au bain les enfants du village.

Les enfants avaient caché chacun un œuf de pigeon entre leurs fesses. Arrivés au bord de l’oued, ils se déshabillèrent et déclarèrent :

— Nous allons pondre des œufs. Celui qui n’en sera pas capable paiera des gâteaux après le bain.

Et ils se mirent à caqueter, accroupis, et à remuer leurs fesses comme s’ils pondaient, puis montrèrent triomphalement chacun un œuf sous lui par terre.

Alors Joha, que ce spectacle ne laissait pas impassible, se mit à agiter les bras comme des ailes, à pousser des cocoricos sonores et à foncer, zeb en avant, sur les jeunes garçons.

— Que fais-tu, Joha ? crièrent-ils. Qu’est-ce qui te prend ?

— Parmi tant de poules, dit-il, il faut bien qu’il ait un coq.



Favoritisme



Un roi oriental des anciens temps, qui se promenait dans ses jardins, aperçut derrière un buisson un jeune homme qui avait mis pantalon bas et se livrait aux contorsions les plus étranges.

— Que fais-tu là ? dit-il.

— Seigneur, dit l’homme, sauf votre respect, je cherche à m’en… moi-même.

— C’est absurde ! Et pourquoi ?

— Seigneur, excusez-moi ; mais j’ai remarqué que tous ceux que Votre Majesté daignait en… arrivaient aux plus beaux emplois, s’enrichissaient et semblaient favorisés par un sort merveilleux. J’ai voulu voir si mon zeb avait les mêmes vertus que votre royal membre viril.

Au lieu de s’indigner, le roi sourit, et trouvant l’homme spirituel, ou peut-être à son goût, lui donna une fonction importante à sa cour.



Le jeune masseur



Joha se rend au hammam. Il se déshabille, s’entoure les reins d’une étoffe blanche et s’étend dans la pièce chaude.

Un masseur se met à le masser, à lui gratter le dos, puis à lui tirer les jambes et à lui frotter la poitrine, en prenant les habituelles positions compliquées.

Le masseur était encore jeune et assez joli garçon.

Tout à coup, Joha, que les frottements commencent à exciter, saisit à pleine main les bourses du masseur.

— Que fais-tu là ? dit l’autre.

— Simplement, je t’ai retenu pour t’empêcher de tomber.



Le page du Sultan



Un juif du Mellah (ghetto),[15] qui avait la réputation d’être particulièrement bête, possédait la plus jolie femme du monde.

Le jeune Ahmed obtint les bonnes grâces de la belle et fit avec elle le pari de cocufier le mari en sa présence.

Il était page au palais du Sultan. Un jour, le juif lui demanda comment il avait obtenu cette situation et s’il s’en trouvait bien.

— Je vais te dire un secret parce que tu es mon ami, lui répondit Ahmed. Mais ne le répète à personne. Sidna (notre Seigneur, le Sultan ) a six cents concubines, mais il est si amoureux de moi qu’il les délaisse toutes et me comble de ses faveurs.

— Ah ! dit le juif, Sidna est bien heureux d’avoir un mignon pareil et d’en user à sa guise. Mais, puisque tu es mon ami, fais-moi un plaisir : j’aimerais contempler une fois l’aimable derrière que notre auguste maître (que ses jours soient innombrables et son règne sans fin !) aime d’un tel amour.

— Je ne puis pas te refuser cela, dit Ahmed en riant. À la condition toutefois que ce soit de loin. Car, trop près de toi, je craindrais que des idées déplacées ne te viennent, et tu comprends que je dois me réserver pour le Sultan.

— Cela va de soi, dit le mari naïf. Eh bien ! prends la peine de monter l’escalier et mets-toi à une des fenêtres qui donnent sur la cour d’où je te regarderai.

C’est ce que souhaitait Ahmed qui en profita pour rejoindre sa maîtresse.

Mais, pour mieux se moquer du mari, il fit placer la belle le dos à la fenêtre, à califourchon sur lui, qui était assis sur un coussin.

De la cour intérieure, le juif ouvrait de grands yeux.

Quand Ahmed, ayant fait ce qu’il avait à faire, et longtemps agité le « borgne » dans la « porte du vainqueur », redescendit, il demanda au mari ce qu’il en pensait :

— Admirable ! dit le juif. Je comprends la passion de Sidna. Tu as le derrière aussi blanc et rebondi que celui d’une femme. Si je n’avais pas vu les deux œufs qui y pendaient j’aurais pu m’y tromper. Mais pourquoi remuais-tu si fort ?

— Pour te faire voir comment je fais quand je suis avec le Sultan.



Le faux prophète



On amena un jour devant Haroun Ar Rachid, calife de Bagdad, un homme qui se prétendait prophète.

— Fais un miracle, lui dit le calife, pour prouver ta mission.

— Que veux-tu que je fasse ?

— Rends immédiatement barbus ces éphèbes, dit Haroun, en lui montrant ses mamelouks (pages).

— Oh ! je ne suis pas venu pour faire le mal et enlaidir les belles figures ! Ce serait dommage. Mais si tu me le permets, je vais rendre imberbes les vieilles figures de tes vizirs…

Haroun Ar Rachid se mit à rire et lui pardonna.



Tout le monde l’a fait



Un Sultan vit un jour son fils et celui du vizir en train de « planter mutuellement le navet ».

Indigné, il donna au vizir l’ordre de les tuer tous les deux.

Le vizir eut pitié, les cacha et dit à son maître qu’il les avait fait mettre à mort.

À quelque temps de là, le vizir apporta au Sultan une poignée de grains de blé en or et une de grains d’orge en argent. Mais, disait-il, pour qu’ils donnassent des fruits, il fallait les faire planter par quelqu’un qui n’eût jamais été passif une seule fois dans sa vie.

On chercha en vain dans tout le royaume. Alors, le vizir dit au Sultan :

— Il ne reste que toi.

— Hélas ! lui répondit le Sultan. Une fois, dans ma jeunesse, je suis entré dans les écuries de mon père, et un vieux nègre a abusé de moi.

— Pourquoi donc as-tu fait mettre à mort nos deux enfants ?

— Je le regrette fort maintenant.

— Eh bien ! ils sont vivants. Je les ai épargnés.

— Tu as bien fait. J’en suis fort heureux. Car, en vérité, il n’y a aucun arbre qui n’ait été ployé par le vent…



Les impiétés de Homs



Un commerçant en voyage passa par la ville de Homs. Le muezzin du sommet du minaret appelait alors à la prière. Mais au lieu de dire : « Il n’y a de divinité qu’Allah, et Mohammed est le prophète d’Allah », il proclamait : « Il n’y a de divinité qu’Allah et les gens de Homs prétendent que Mohammed est le prophète d’Allah. »

Étonné, notre voyageur se dit :

— Je vais aller demander l’explication de cette chose à l’iman de la mosquée.

Il entra donc dans celle-ci et vit l’iman qui dirigeait la prière en commun en levant une jambe en l’air ; et il remarqua que ce pied ainsi soulevé était souillé de crottin.[16]

— Je vais, se dit notre commerçant étonné, demander au mohtasseb (prévôt des marchands) l’explication de cette chose étrange.

Il alla trouver le mohtasseb et le vit assis devant une autre mosquée, vendant du vin, ce qui est absolument interdit à un musulman. Bien plus, il tenait un Coran à la main, et il jurait par Dieu et par le Coran que le vin était de bonne qualité.

— Je vais aller demander au cadi l’explication de toutes ces abominations, se dit notre voyageur.

Il s’enquit de la demeure du cadi, y entra et le trouva couché sous un jeune et beau garçon…

— Qu’Allah détruise la ville de Homs ! s’écria alors le voyageur. C’est le comble ![17]

— Ne te mets pas en colère, lui dit le cadi. Qu’y a-t-il ?

L’étranger lui raconta tout ce qu’il avait vu.

— En voici l’explication, dit alors le cadi. Le muezzin ordinaire est malade ; alors nous avons loué un juif pour faire son office ; ce juif veut bien proclamer l’unité de Dieu, mais non la mission du Prophète Mohammed (sur lui la bénédiction et les prières !). Pour l’iman, il est arrivé en retard à la prière, et avant d’entrer dans la mosquée a marché sur une crotte ; n’ayant pas le temps de refaire ses ablutions, il a retiré son pied souillé de la prière en se tenant sur une seule jambe. Quant au mohtasseb qui vend du vin, sache que cette mosquée devant laquelle il est assis est très pauvrement dotée et n’a pour tout habous (biens d’église, de mainmorte) qu’un champ de vigne : il en vend le vin au profit de la mosquée. Quant à ce jeune garçon que tu as trouvé avec moi, c’est un orphelin qui est en tutelle : il est venu me demander de lever cette tutelle et de le déclarer majeur, assurant qu’il est pubère. J’ai voulu m’en assurer…[18]

— Par Allah ! ces excuses sont pires encore que les fautes ! s’écria le commerçant qui quitta cette ville en jurant de n’y plus revenir.



La chute



Abou Nowas était un soir au palais du calife Haroun Ar Rachid pendant une partie de plaisir. Un beau jeune homme était de la compagnie. On buvait, on chantait, on disait des vers aimables et des mots spirituels.

L’heure de se coucher venue, on s’étendit sur les matelas. Abou Nowas était sur l’un de ceux-ci et l’aimable éphèbe sur un lit plus élevé, à côté.

Au milieu de la nuit, le calife, qui craignait pour la vertu du jeune homme le voisinage du poète, se releva et vint voir ce qui se passait.

Il trouva Abou Nowas couché dans le lit de son jeune et beau voisin.

— Que fais-tu là ? dit-il d’un air sévère.

— Monseigneur, fit le poète, je me suis remué dans mon sommeil, j’ai roulé sur moi-même, et je suis tombé par hasard dans ce lit…

— Qu’Allah te fasse mourir ! s’écria le calife qui réprimait son envie de rire. Est-ce qu’on tombe maintenant de bas en haut ?



Le Dieu de la terre



Comme le conquérant Tamerlan s’approchait de la ville où habitait Nasr eddin Khodja, celui-ci alla au-devant du terrible chef mongol, coiffé d’un immense turban large comme une roue de char.

— C’est, dit-il au conquérant, mon bonnet de nuit. Excuse-moi de me présenter en cette tenue négligée. Mon bonnet de jour me suit, porté sur un chariot traîné par quarante chevaux.

— Qu’es-tu donc ? fit Tamerlan amusé.

— Je suis le Dieu de la terre, déclara le Khodja en faisant diverses bouffonneries.

— Si tu es le Dieu de la terre, tu peux faire des miracles, dit alors Tamerlan.

— Sans doute.

Or, Tamerlan était entouré de jeunes pages très jolis, mais de race mongole et aux yeux bridés.

— Puisque tu fais des miracles, dit le conquérant, débride et agrandis donc les yeux de ces garçons.

— Ô Sidi, dit alors Nasr eddin Khodja, pour les yeux du visage, cela regarde le Dieu du ciel. Mais si tu le permets, je puis très facilement leur agrandir l’œil qu’ils ont entre les fesses.



Le blanc d’œuf



Un jeune homme éconduit par une vertueuse femme mariée (il y en a peut-être plus qu’on ne le pense) voulut se venger.

Il se lia d’amitié avec un jeune garçon serviteur du mari de la cruelle et réussit ainsi à entrer dans leur maison pendant une absence des deux époux.

Sur leur lit, il cassa un œuf, y laissant tomber le blanc, et avalant lui-même le jaune.

Quand le mari rentra, il aperçut le liquide suspect sur le lit, et s’écria :

— Par Allah ! c’est de la semence d’homme ! Ma femme est donc une effrontée adultère…

Il se jeta sur son épouse et s’apprêtait à l’égorger malgré ses protestations et les conseils de modération des voisins accourus, qui la connaissaient pour une femme vertueuse, quand le jeune serviteur, ayant observé le liquide en question, prit une poêle à frire, le mit dedans, plaça le tout sur le feu, et en fit goûter à tout le monde, prouvant ainsi que ce n’était que du blanc d’œuf.[19]



La caution d’Abou Nowas



La princesse Zobeida, cousine et femme légitime de Haroun Ar Rachid, était fort jalouse… et l’on sait combien le calife de Bagdad aimait les jolies adolescentes dont il avait un millier comme concubines dans son harem.

Un jour, son fils acheta une très jolie adolescente d’une quinzaine d’années dans l’intention de lui en faire cadeau. Mais Zobeida, ayant appris la chose, la racheta au prince et la fit enfermer dans un pavillon solitaire pour que le calife ne la vît point.

Or, une nuit qu’il avait la poitrine rétrécie par l’ennui et les soucis du pouvoir, Haroun se promenant seul à travers les cours et les pavillons du palais, entra par hasard dans celui où était l’esclave en question.

Il fut émerveillé de voir, dormant sur un lit, une beauté qui éclipsait celle de la lune en son plein et dont la chevelure était le seul voile.

Charmé, le calife déposa un léger baiser sur les yeux de la belle que ce frôlement suffit à réveiller.

Il l’interrogea, elle raconta son histoire, et le calife résolut de coucher cette nuit-là avec elle. Mais auparavant, il lui demanda de jouer quelques airs de luth, ce qu’elle fit avec le plus grand talent, sur vingt et un différents modes.

Ravi à la limite du ravissement, Haroun fit apporter des coupes de vin et envoya chercher le poète Abou Nowas pour l’entendre improviser des poèmes et mettre en vers cette aventure. Son ennui s’était dissipé et il se promettait une délicieuse soirée.

Un eunuque alla chercher Abou Nowas qui n’était pas chez lui. Après avoir parcouru tous les cabarets et lieux mal famés de Bagdad, il découvrit le poète plus qu’à moitié ivre dans un bouge.

— Le calife, lui dit-il, t’ordonne de venir sur-le-champ au palais.

— Comment veux-tu que je vienne, dit alors Abou Nowas, quand je suis retenu ici en otage par un jeune garçon ?

En effet, le poète, grand amateur d’éphèbes, venait de coucher avec un mignon et, n’ayant pas d’argent pour payer, avait constitué sa propre personne comme caution jusqu’à l’acquittement de sa dette.

L’eunuque demanda à voir l’éphèbe qui apparut vêtu d’une tunique blanche. Alors, saisi d’inspiration, Abou Nowas improvisa des vers dans lesquels il comparait la blancheur de l’habit à celle du corps gracile du giton, qui retira alors sa tunique blanche et apparut vêtu de rouge.

Il s’est montré vêtu de rouge comme ses procédés cruels, chanta alors le poète, rouge comme ses joues, anémones teintes, semble-t-il, du sang de nos cœurs.

Alors le jeune homme, retirant sa tunique rouge, se montra nu dans une tunique de soie noire qui dessinait sa taille cambrée ceinturée de soie verte.

Et Abou Nowas déclara :

Ah ! Je le vois maintenant : noirs sont tes vêtements et noire ta chevelure, noirs sont tes yeux et noire ma destinée : c’est noir sur noir, et noir sur noir encore !

Excusant le poète, en contemplant la beauté de l’éphèbe, l’eunuque retourna au palais, raconta la chose à Haroun Ar Rachid qui lui remit cinq cents dirhems pour aller dégager Abou Nowas. L’eunuque, soutenant de son bras le poète encore pris de vin, le conduisit enfin au calife qui le présenta à sa nouvelle concubine.

Voyant celle-ci légèrement vêtue de satin et la figure couverte à peine d’un voile transparent, Abou Nowas se sentit immédiatement dégrisé et saisi par l’inspiration poétique.

Satisfait de ses vers, Haroun Ar Rachid lui intima l’ordre de boire à lui seul toute une grande coupe de vin d’un seul coup.

Puis il fit signe à la jeune fille de lui jouer un tour en lui subtilisant la coupe. Elle la cacha sous sa robe. Alors le calife ordonna au poète de boire de nouveau.

Mais Abou Nowas s’était aperçu du larcin, malgré son ivresse, et improvisa sur-le-champ cette strophe :

Quelle étrange aventure est l’aventure qui vient de m’arriver ! Une honnête jeune fille se transforme en voleuse et me vole la coupe pour la cacher en un endroit que je ne nommerai pas, par respect pour notre maître le calife, dans un endroit secret où je voudrais bien moi-même me cacher.



Les garçonnes



La mode des cheveux coupés et des seins plats n’est pas nouvelle. Aurait-elle fleuri déjà à Bagdad sous le califat d’Haroun Ar Rachid ? Les femmes d’Orient s’efforçaient-elles de maigrir et se coupaient-elles les cheveux à la Claudine au temps des Abbassides ?

On pourrait le croire, du moins pour certaines, quand on lit les vers du poète Abou Nowas, qui se retrouvent d’ailleurs dans les Mille et une nuits :

Tel un éphèbe elle n’a point de hanches, et s’est même coupé les cheveux. Un très léger duvet veloute son visage. Et cela double ses charmes ; car elle satisfait ainsi le pédéraste et le coureur de jupes.



POÈMES ET CHANSONS

Chants populaires de Tlemcen



Un jeune homme chante :


L’amour est dans nos maisons ; nous avons grandi avec lui.

L’amour est dans nos puits, et il rend notre eau douce.

L’amour est dans la vigne, et lui fait pousser des branches.

L’amour, son pouvoir nul n’y résiste, fût-il émir ou sultan.



Chants d’amour de l’Atlas marocain



L’amour a ravi mon cœur et l’a pétri,

On dirait qu’un lourd maillet a broyé mes os.

L’amour est comme une chèvre :

Quand on veut la cacher, c’est alors qu’elle bêle fort.

Quand l’eau remontera les pentes de la montagne,

Quand le chacal gardera les troupeaux,

Alors seulement j’oublierai mon bien-aimé !


)—(


Mon amant ressemble à une grappe de raisin :

Je voudrais le dévorer pour éteindre le feu de mon cœur.

Ô source où s’est désaltéré le bien-aimé,

Tu es un sanctuaire où j’aime aller en pèlerinage.


)—(


Ô douleur, reste cachée au fond de mon cœur…

L’ennemi pourrait surprendre des larmes dans mes yeux.



Poèmes divers

La beauté noire



Discussion entre une femme blanche
et une femme noire


Éloge du noir.


Je suis de la couleur de la grande nuit ténébreuse par laquelle a juré Allah le Très Haut. De la couleur des yeux qui rendent fou d’amour.

Un poète a dit :

Si je suis parfois obligé d’avaler un blanc d’œuf, ou de me réjouir, à défaut de mieux, avec une chair couleur de blanc d’œuf, je le fais le moins souvent possible. Jamais vous ne me verrez éprouver un grand amour pour un linceul blanc, ou me plaire à des cheveux de cette couleur !

Un autre a chanté de même les corps d’ébène des filles d’Afrique :

Je n’aime pas cet éphèbe mou dont la couleur me semble couverte de farine dartreuse. L’amie que j’aime est une noire semblable à la nuit. Son visage est celui de la lune. Couleur et visage inséparables, en effet, car si la nuit n’existait pas, il n’y aurait pas de délicieux clair de lune.

Et un autre a dit encore :

Je n’aime pas cet éphèbe mou dont la couleur est celle de la graisse dont il est bouffi ; mais j’aime ce jeune noir, svelte et mince, aux chairs fermes. Car je préfère comme monture un jeune étalon sauvage aux fins jarrets, et je laisse les autres chevaucher les éléphants.

Le plâtre blanc ne vaut pas cher, mais le musc précieux ne serait pas le musc s’il n’était noir.

Ne s’inquiète-t-on pas plus du noir de l’œil que de son blanc pâle ? Et les ténèbres de la nuit ne sont-elles pas chères aux amoureux dont elles protègent les ébats ?

Au reste, le blanc n’est-il pas la couleur de la lèpre ?



Le grain de beauté



Entre l’une de ses pommettes et sa bouche se détache, noir, un grain de beauté.

Et c’est comme un nègre qui, entré dans un jardin de fleurs, hésiterait entre le pourpre d’une rose et l’écarlate d’un coquelicot.



Le cousin



Ô Aziz, mon cousin, tu as rempli mon âme de passion et creusé en mon cœur un abîme de souffrances !

Larmes de mes yeux, vous avez dissous mon cœur et liquéfié mon corps !

Mais n’est-il point doux de souffrir pour l’ami, quand il est si beau ?



Paysage amoureux



Jeune homme, l’amoureuse rosée du matin mouille les fleurs entr’ouvertes, et la brise balance leurs tiges ! Mais tes yeux…

Tes yeux, petit ami, sont la source claire où vient se désaltérer longuement ma lèvre ! Mais ta bouche…

Ta bouche, jeune ami, est la ruche de perles où boire une salive qu’envient les abeilles !



Griserie



Elle paraissait soucieuse. Je l’embrassai par surprise. Alors ses larmes coulèrent chaudes, brûlant les roses de ses joues.

Je lui offris une coupe de vin… et je pus pénétrer dans son paradis.

Ô mon malheur ! Quand elle sortira des ondes de sa griserie, je crois qu’elle me tuera avec l’épée de son abandon…

… D’autant que j’ai renoué de travers le nœud de sa cordelière ![20]



Le remède de l’amour



Certes, l’amour ne trouve de remède

Ni dans les sortilèges, ni dans les amulettes,

Ni dans l’étreinte sans baiser,

Ni dans le baiser sans étreinte

Ni dans la conversation sans caresses,

Mais bien dans la superposition des jambes sur les jambes.



Le cheikh



Le jeune garçon au beau visage marche dans la rue, se balançant comme le rameau du bananier.

Et à pas lents s’avance derrière lui un cheikh d’aspect vénérable ;

Un cheikh lettré qui a fait son étude de l’amour, qui possède à fond la science de l’amour, connaissant le licite et l’illicite.

Il cultive à la fois jouvencelles et jouvenceaux, qui le rendirent plus maigre qu’un cure-dent ;

Vieux os sous vieille peau, pédéraste comme un Maghrébin, toujours accompagné de son mignon ;

Un cheikh bilatéral, aimant l’acide et le doux, semblable au couteau du vendeur de colocases, qui perfore à la fois les parties mâles et femelles du tubercule.

Bien que versé dans l’étude de l’amour, entre le jeune Zeid et la jeune Zeinab, il ne voit pas toujours la différence.



La moisson



Mes regards ont fait éclore sur tes joues des roses.

Et tu me défends de les cueillir.

Pourtant l’équitable Coran

Alloue au nomade la moisson

Qu’il a fait pousser dans un champ.



ÉNIGMES



Il n’est pas plus grand qu’une main.

Il n’a qu’un œil et ne voit pourtant pas clair, bien qu’il sache trouver sa route.

D’ordinaire il baisse la tête. Mais parfois, il la relève et se met à avancer, bien que sans jambes.

Il fait parfois couler le sang, mais il porte toujours la joie.

La colère lui rend parfois la face violacée.

La bouche qui le suce le trouve plus doux que le miel ou le sucre candi.

— Le zeb.


)—(


Quel est l’être viril qui n’a qu’un œil ? un œil sans cils et sans pupille et qui pleure sans être triste ?

— La verge.



PROVERBES



Un long baiser sur la bouche vaut mieux qu’un brutal coït précipité.


)—(


L’amoureux prend les autres pour des aveugles ; on le prend pour un fou.


)—(


L’amant et le roi n’acceptent pas d’associés.


)—(


Qui est amoureux des perles plonge dans la mer.[21]



Voir l’article encyclopédique Histoires arabes

Notes et références

  1. La confrérie soufie Darqāwā, fondée au Maroc à la fin du XVIIIe siècle par Mawlây àl-Åarbî àł-Darqâwî, se répandit ensuite en Algérie, en Égypte, au Liban, et jusqu’à Ceylan. L’accent y est mis sur les pratiques de dévotion, par des prières solitaires ou communautaires visant à la contemplation et à l’union mystique avec Dieu. Ses adeptes, issus de toutes les classes sociales, refusent généralement de participer à la vie publique.
  2. Ces accroche-cœurs, souvent comparés comme ici à des scorpions, sont un leitmotiv de la littérature érotique arabe, en particulier dans la description de jeunes garçons. Abû Nuwâs lui-même leur devait son nom, car il en avait porté au temps de son adolescence.
  3. Avant d’être attribuée à un Marrakchi, cette anecdote fut l’une des historiettes de Nasr Ed-Dîn Hodja, un soufi plus ou moins mythique qui aurait vécu en Turquie au XIIIe siècle.
  4. Les Djebala (habitants du Djebel, jabal, ou montagne) forment une tribu montagnarde du Rif marocain, d’origine arabe. Elle est connue pour sa pratique ancestrale et généralisée de la pédérastie.
  5. Dans de nombreuses cultures, la figue relève d’un symbolisme sexuel. Selon le Dictionnaire des symboles de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, « le figuier est fréquemment associé à des rites de fécondation » (par exemple en Grèce antique, en Inde, au Tchad, etc.). Après avoir rappelé que la feuille de figuier sert de cache-sexe aussi bien à Adam et Ève que dans l’Inde actuelle, les auteurs ajoutent : « En Afrique du Nord, la figue est le symbole de la fécondité venue des morts. Son nom est devenu à ce point synonyme de testicules qu’il ne s’emploie pas dans la conversation courante et s’est trouvé remplacé par le nom de leur saison, le Khrif, l’automne ».
    Le langage populaire des Djebala, en appelant « figue » le cul, attribue donc à cette partie du corps une nette connotation sexuelle.
  6. Il ne se présente pas pour autant nu devant ses élèves, mais porte une djellaba.
  7. Anecdote caractéristique de l’attitude musulmane devant le péché : si possible, ne pas le voir (chez les autres), quitte à fermer les yeux sur l’évidence ; et ne pas l’avouer (quand on le commet soi-même), même s’il faut pour cela fournir des explications alambiquées.
    Deux principes moraux et sociaux se rejoignent ici : d’une part, que chaque homme bénéficie d’un domaine absolument privé (le ḥaram), dans lequel il est malséant de s’immiscer ; et d’autre part, que le scandale est bien pire que le péché lui-même — car il risque d’inciter d’autres personnes à pécher.
  8. Une autre histoire du même recueil commence ainsi, montrant à quel point l’amour des garçons était coutumier dans certaines populations :
    Un prédicateur disait un jour :
    « — Ô croyants, qui négligez vos femmes pour courir après les fesses des jeunes garçons, sachez que si le mari accomplit son devoir conjugal à la tombée de la nuit, c’est comme s’il faisait le sacrifice d’un mouton. S’il le fait le jour, son acte est aussi méritoire que l’affranchissement d’un esclave. Et s’il le fait au milieu de la nuit, il en sera récompensé dans l’autre monde comme du sacrifice d’un chameau. »
  9. « Il fit ce qu’il fit », « faire quelque chose », etc. : euphémismes fréquents en arabe pour désigner l’acte sexuel.
  10. Sourate 4, Les femmes, verset 22 :

    وَلاَ تـَـنكِحُواْ مَانـَـكـَحَ ءَابَآؤُكـُم مِّنَ ٱلنـِّـسَآءِ إِلاَّمَاقـَـدْ سَلـَـفَ إِنـَّـهُ كـَانَ فـَاحِـشَة ً وَمَقـْـتـًا وَسَآءَ سَبـِـيـلاً

    « Et n’épousez pas les femmes que vos pères ont épousées auparavant, sauf si cela a déjà eu lieu [avant la révélation de cet interdit]. C’est vraiment une chose honteuse, une coutume scandaleuse, détestable. »
  11. مِثقال (miŧqāl) = poids. A pris le sens d’ “écu” en arabe marocain, où il se prononce [mitqa:l].
    (Valeur en 2008 : environ 30 dirhams, soit 3 euros.)
  12. قِرش (qirš) = piastre. La prononciation [girʃ] est typiquement marocaine.
    (Valeur en 2008 : environ 1,50 dirham, soit 0,15 euro.
  13. مَعَ السَّلامَة (maåa eł-salâmä) = avec la paix : salutation d’adieu traditionnelle.
    Le docteur Émile Mauchamp, dans La sorcellerie au Maroc (Paris, Dorbon-Ainé, 1910), rapporte la même anecdote entre un petit esclave noir de Sî Madanî el-Glâwî et un jeune musicien ambulant.
  14. Dans la société musulmane, comme dans l’Antiquité gréco-romaine, le désir de l’homme envers les jeunes garçons a toujours été considéré comme naturel et banal. Et ceci, même par ceux qui se refusent, par scrupule religieux, à passer du désir à la pratique d’actes sexuels.
  15. Quartier juif d’une ville marocaine. Le premier mellah fut créé à Fès sur l’emplacement d’un entrepôt de sel (milḥ = sel). Celui de Marrakech, établi au XVIIe siècle par le sultan saadien Mawlây Åabdallâh, était le plus grand du royaume.
  16. Grave manquement à la pureté rituelle : la prière ne peut être accomplie qu’après de minutieuses ablutions, et dans un lieu propre.
  17. Les divers péchés rencontrés par le voyageur ont pour particularité d’être étranges, exagérés — presque inimaginables. À première vue, le fait de coucher avec un garçon, chose somme toute banale, détonne dans cette succession d’incongruités.
    Mais il faut se remettre dans l’esprit des protagonistes : ce qui est « le comble », ce n’est pas tant que le cadi soit au lit avec un garçon, mais bien sous ce garçon, assumant ainsi un rôle passif qui est considéré comme honteux de la part d’un homme adulte.
  18. Dans les sociétés musulmanes, il rentre dans les attributions du qâḍî d’exercer une tutelle sur les orphelins.
    Le docteur Émile Mauchamp, dans La sorcellerie au Maroc, rapporte une méthode plus “classique” pour déterminer si un jeune garçon est pubère :
    Pour reconnaître la puberté, on fait passer par-dessus la tête une ficelle, pliée en deux, tournant autour du cou et prise entre les dents : chez l’enfant, le cordon ne peut pas passer par-dessus la tête ; à la puberté la ficelle rase les cheveux et sort ; chez l’adulte, elle passe avec la plus grande facilité. On ne commence à observer le jeûne du Ramadan qu’après la puberté reconnue ; et on ne doit pas se marier avant qu’elle n’ait fait son apparition — ce qui d’ailleurs n’est pas observé. Lorsque les candidats au mariage sont des orphelins, c’est au cadi que revient le droit de constater qu’ils sont pubères ; il le fait au moyen de la ficelle indiquée plus haut, ou chez les fillettes, en pesant les seins.
  19. Le jeune serviteur pourrait bien être juif : en effet, cette méthode pour distinguer le blanc d’œuf du sperme par la coagulation, dans une accusation d’adultère, figure dans le Talmud.
  20. Ce passage est une version féminisée d’un poème pédérastique d’Abû Nuwâs. Pour une traduction plus fidèle par Vincent Monteil, voir « Me tuera-t-il ? », in Abû-Nuwâs, Le vin, le vent, la vie, Paris, Éd. Sindbad (La bibliothèque arabe. Coll. Les classiques), 1979, p. 96 (ce texte est reproduit dans la section « Le vin et les garçons » de l’article sur Abû Nuwâs).
  21. Ce proverbe rappelle que les êtres les plus beaux ne s’obtiennent pas sans effort ni sans danger. Il est particulièrement adapté aux amoureux des garçons, puisque ces derniers sont comparés à des perles dans les sourates 52 (verset 24) et 76 (verset 19) du Coran.