Le phénomène de la pédophilie (Frits Bernard)

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LE PHÉNOMÈNE DE LA PÉDOPHILIE


par le Dr F. BERNARD.




Qu’en pense le psychiatre ?

En parcourant la littérature psychiatrique publiée jusqu’à ce jour au sujet de la pédophilie, on est surtout frappé par les aspects suivants. Les différents auteurs ont fortement tendance à se référer aux ouvrages parus antérieurement et à faire des citations. Cela signifie que les recherches personnelles ne sont point nombreuses et qu’il est rare qu’on apporte du matériel nouveau et concret. Partout on considère la pédophilie comme une psychopathie (le terme est peu clair), une perversion ou une névrose. Ainsi on découvre une sorte de mouvement circulaire dans la littérature qui ramène toujours à certains auteurs de base. Les définitions des différents auteurs ont en commun qu’elles considèrent le comportement pédophile comme une anomalie. De ce fait, on y retrouve un jugement de valeur qui est moralisant par sa nature. Les définitions contiennent clairement un facteur de comportement social qui ne devrait pas y être : toutes définissent le phénomène comme indésirable. On se sert donc d’une sorte de raisonnement en cercle.

En ce qui concerne l’origine (l’étiologie) de la pédophilie, les opinions se divisent en deux grands groupes, à savoir les théories génétiques et les théories psychologiques. De ces dernières, les théories psychanalytiques (Freud et adeptes) et les théories existentielles (Binswanger, Boss, etc.) ont une grande influence sur la littérature. La théorie génétique (Hirschfelder, etc…) considère la pédophilie comme innée ; dans la théorie psychologique, des facteurs de milieu familial pendant les trois ou quatre premières années de vie jouent un rôle décisif.

Selon le Codex Medicus (1971), la pédophilie (ou pédérastie) est une perversion sexuelle où des enfants sont l’objet de la libido d’un adulte ; une perversion est une déviation sexuelle, qu’elle soit constitutionnelle (psychopathique) ou acquise (névrotique), dans le premier cas d’un pronostic moins favorable. Souvent accompagné de complications sociales (page 1156). Cette description se trouve sous le chapitre psychiatrie ; sous sexologie nous trouvons : la pédophilie est l’affection (pathologique) pour les enfants (page 1091).

Nulle part on ne donne l’image du pédophile en tant qu’être humain. On se borne à des fragments qui ne forment pas un tout.

Les œuvres littéraires le présentent avec une image bien différente et un peu moins vague. La personnalité du pédophile ressort bien mieux des romans et des nouvelles traitant de ce sujet. Parfois même le jugement de valeur en est absent, comme dans Der Tod in Venedig de Thomas Mann (Berlin, 1925), Les amitiés particulières de Roger Peyrefitte (Paris, 1945), Never the same again de Gerald Tesch (New York, 1958), Costa Brava de Victor Servatius (1) (Rotterdam, 1960), et dans La confirmation de Gianni Segré (Paris, 1969). Et ce ne sont là que quelques exemples. Du côté psychiatrique et juridique on exprime parfois des préoccupations sur les suites du rapport pédophile pour le jeune partenaire. Il est important de recueillir plus de données à cet égard, car c’est là le point principal.


Qu’en pense le pédophile ?

« Vous me demandez ce que je ressens dans mes contacts avec les enfants et les jeunes. Eh bien, pour moi ma pédophilie est une chose qui va de soi. Elle fait partie intégrante de mon caractère, et j’ai remarqué que des jeunes (j’ai dans les quarante ans) y répondent parfois tout naturellement. Il arrive que le contact s’établisse tout seul et sans problèmes, tout aussi spontanément qu’entre copains du même âge. Il n’est pas du tout vrai que ce soit toujours moi qui prenne l’initiative ; c’est très souvent l’inverse. J’ai lu quelque part (j’aime bien la lecture) qu’une enquête a démontré que dans la bonne moitié des cas c’est l’enfant qui provoque la réaction de l’aîné, consciemment ou pas. Je crois que c’est juste. Dans ces cas-là, la relation qu’ensuite on construit lentement ensemble peut avoir une influence bienfaisante sur les deux partenaires. Je me sers volontairement du mot partenaire, parce que l’enfant ou le jeune sont aussi des partenaires.

« La sexualité dans le sens étroit du terme n’est en fait qu’un aspect. On n’imite pas non plus la vie sexuelle des autres. En vérité, c’est quelque chose de parfaitement adapté au jeune partenaire. Je crois qu’on ne se rend pas compte de cela. Mais je n’ai que les meilleures des intentions. J’ai souvent eu la chance de vraiment pouvoir apporter quelque chose à l’autre. Tous mes partenaires se sont mariés plus tard, et ils continuent de me visiter en tant qu’amis et amies (mon orientation est clairement bisexuelle). Ce sont des aspects méconnus des autres.

« Il n’y a pas de vrai problème. Ce serait intéressant de voir une fois pourquoi les gens se font des problèmes de la sexualité. Je crois que ce serait très important de trouver une réponse à cette question. »

Ce sont les paroles d’un homme qui a réussi dans la vie — un des nombreux témoignages que j’ai réunis au fil des années pour la recherche sexologique, et il ressemble à tant d’autres.

Voici un extrait d’une autre, longue biographie.

« Le bureau où je travaillais se trouvait à côté d’une école primaire et une école primaire supérieure. Je pouvais me réjouir longuement des merveilleux visages des garçons sur la place de l’école. Je m’intéressais surtout (comme toujours d’ailleurs) à l’âge de douze à quatorze ans. Les visages tendres et fins m’attiraient le plus. »

Voilà pour la première moitié de notre sujet. Mais qu’en est-il pour les enfants eux-mêmes ? Comment vivent-ils ces relations et qu’en ressentent-ils ? Le meilleur moyen pour le savoir est d’écouter des personnes qui ont eu de telles expériences dans leur jeunesse.


Qu’en pense l’enfant ?

« Les hommes avec qui j’allais avaient entre quarante et soixante ans. Cela se passait le plus souvent à Rotterdam.

« C’était toujours moi qui prenais l’initiative. Je mettais ma culotte la plus chouette et la plus courte pour aller me promener sur les marchés et dans les rues les plus fréquentées de Rotterdam, jusqu’à ce que je voie quelqu’un que je croyais « comme ça », et je me laissais « séduire » par lui.

« Je ne regrette pas cette époque. En fait, ce que je regrette, c’est que je n’ai jamais trouvé ce que je cherchais vraiment : un ami plus âgé avec qui je pourrais avoir un rapport sexuel, mais aussi des rapports d’une autre nature. Il m’apprendrait des choses. C’était un peu ça. Je dois peut-être y ajouter que j’ai eu un peu ce genre de relation à l’école primaire, en cinquième et en quatrième. C’était avec mon instituteur, que j’aimais passionnément. J’avais dix ou onze ans environ. Bien sûr, je n’ai jamais eu de rapport sexuel avec lui, mais je crois que cela se remplaçait de plusieurs façons : je pouvais plus souvent dire mes leçons que les autres, il m’empruntait des livres et un hiver nous avons fait du patinage ensemble après l’école.

« À la fin de ma troisième année d’école il a déménagé vers le nord. Après, j’ai refusé d’aller à l’école pendant assez longtemps, on me forçait d’y aller quand même, naturellement. Je crois bien que j’ai un peu romantisé cette histoire plus tard. Mais que j’étais comblé de passion, c’est sûr ! »

Je cite encore brièvement quelques autres témoignages.

« À l’âge de sept ans j’ai connu un homme qui était très gentil avec moi. Je suis monté au grenier avec lui. Là il m’a pris sur ses genoux et cela a abouti à des jeux sexuels. Je l’ai trouvé très agréable. J’attendais toujours impatiemment les mercredis après-midi, quand nous nous voyions. Cela a duré pas mal de temps.

« Plus tard j’ai eu beaucoup de contacts avec d’autres hommes. Je ne faisais jamais rien avec les garçons et les filles de mon âge.

« Maintenant je suis un homme de soixante-huit ans, et je crois toujours que ces contacts ont été très favorables pour mon évolution. Je n’aurais pas voulu m’en passer, et je n’envie pas les gens qui n’ont pas eu cette chance. »

Et voici, pour finir, la remarque d’une femme qui à l’âge de douze ans était tombée amoureuse d’un homme de cinquante ans.

« Je suis mariée et j’ai quatre enfants. Je n’aurais pas vu le mal si mes enfants avaient eu des contacts avec des aînés, eux aussi. J’ai des opinions positives à cet égard. »


Comment l’intégrer dans un modèle scientifique ?

Dans cet article j’ai laissé la parole à des personnes qui ont été ou qui sont encore concernées elles-mêmes. En fait, ces exemples sont assez éloquents pour pouvoir se passer de commentaire. L’image qui en ressort montre les possibilités qu’il y a. Naturellement, j’ai laissé de côté les contacts involontaires ; ils ont été suffisamment commentés.

Les exemples ci-dessus montrent que les relations entre humains peuvent revêtir beaucoup de formes différentes — la vie est bien plus colorée qu’on ne le pense généralement.

La pédophilie ne constitue pas un phénomène isolé, mais c’est le stade final d’un processus. C’est un des pôles des possibilités de relations sexuelles humaines. La gérontophilie (l’intérêt sexuel pour les vieilles gens) est un autre pôle, tout comme l’hétérophilie et l’homophilie — en passant par la bisexualité — sont les points finaux d’une progression.

Il y a quatre formes fondamentales de relations sexuelles humaines possibles, sur la base des variantes du sexe et de l’âge :

a) entre un garçon et une femme, ou inversement ;

b) entre une fille et un homme, ou inversement ;

c) entre un garçon et un homme, ou inversement ;

d) entre une fille et une femme, ou inversement.

Il s’y ajoute un facteur dynamique, à savoir la direction de l’initiative qui peut venir de la part du partenaire jeune ou de l’aîné, ou, le cas échéant, des deux côtés. Il en résulte quatre relations de conduite fondamentales avec une douzaine de possibilités d’initiative (structure dynamique). En voici une présentation schématique.

Formes de relations sexuelles
(basées sur les variantes : sexe, âge et initiative)
direction de l’initiative
partenaire
jeune
partenaire
aîné
————————→

←————————

←———————→

La direction de la flèche indique qui peut prendre l’initiative (première flèche : partenaire jeune ; deuxième flèche : partenaire aîné ; troisième flèche : l’initiative part des deux côtés).

Cette schématisation a l’avantage de montrer les combinaisons possibles entre les différents pôles, de sorte que toutes les possibilités de relations d’après l’âge et le sexe y ont leur place. En outre, on pourrait y calculer le degré d’attraction envers l’autre. On pourrait ensuite appliquer cette cohésion à une autre schématisation (libre – permanent) .

La caractéristique du pédophile n’est en somme qu’un détail accessoire, car comme tout être humain il doit résoudre les problèmes que la vie lui présente sur son chemin — et l’établissement de contacts avec l’autre en est un. L’hétérophile n’attend pas non plus la mise à nu des fondements théoriques de son comportement pour « y aller » ! L’adaptation de l’homme pédophile à la société a été freinée plutôt que stimulée par les définitions qu’avancent les œuvres psychiatriques — et nous revoilà à notre point de départ : la pédophilie serait une perversion (Codex Medicus, 1971).

Il serait mieux de dire que la pédophilie se situe parmi les plans de conduite hors de l’ordinaire, et qu’elle ne se distingue pas nécessairement du comportement normal (d’après les statistiques), que ce soit qualitativement ou quantitativement.





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Sources :

Dr F. Bernard : « Pädophilie – eine Krankheit? Folgen für die Entwicklung der kindlichen Psyche », paru dans Sexualmedizin de décembre 1972 (Medical Tribune, Wiesbaden, All.).

Dr F. Bernard : « Neue Untersuchungen in den Niederlanden », paru dans Pikbube de juillet-août 1972 (Sagittar-Verlag, Berlin).

Dr F. Bernard et autres : « Sex met kinderen » (« Rapports sexuels avec les enfants ») (Stichting Uitgeverij NVSH, La Haye, 1972).

Codex Medicus, éd. Agon-Elsevier, Amsterdam-Bruxelles, 1971.




  1. Nom de plume du Dr F. Bernard.


Voir aussi

Source

  • « Le phénomène de la pédophilie » / par le Dr F. Bernard, in Arcadie : revue littéraire et scientifique, 21e année, n° 249, septembre 1974, p. 407-412. – Paris : Arcadie, 1974 (Luisant : Impr. Durand). – 52 p. ; 21 × 14 cm.

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