Notre amour (citations)

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Notre amour

On trouvera ci-dessous des citations de Roger Peyrefitte tirées de son récit autobiographique Notre amour, paru en 1967.

Cet ouvrage se compose de cinq parties.


Citations

Première partie

Après avoir cherché toute ma vie, je méritais finalement d’avoir trouvé.

S’il y a les regards éloquents, non suivis de rencontres, il y a les rencontres enivrantes sans lendemain. C’est la destinée de l’amour que j’ai qualifié d’impossible. Il ne l’est pas, en ce qu’il trouve mille façons de se pratiquer, et il l’est, en ce qu’il ne peut ni se chanter ni se vivre.

Priape est le dieu des garçons. C’est lui qui, en leur révélant les plaisirs solitaires, préside à leur seconde naissance – leur véritable naissance à la vie. C’est lui qui, par la main d’un frère, d’un cousin, d’un camarade, fait leur apprentissage de l’amour réciproque, quand ce n’est pas par celle d’un oncle, d’un parrain, d’un ami de la maison, d’un confesseur, d’un professeur, d’un valet ou d’un inconnu dans un lieu public. Jadis, pour les rois enfants, ce soin charitable était réservé aux cardinaux premiers ministres (Mazarin avec Louis XIV, Fleury avec Louis XV). Peu de garçons ont été initiés par une fille ou une femme. Vénus, dont Priape est le fils aussi bien que Cupidon, se présente, lorsque, selon le proverbe grec, « le chevreau est devenu bouc ». Et c’est bien parce que Priape est le dieu des garçons que Tibulle lui demande le secret de les séduire, car « son habileté séduit tous les beaux ». Les séduire est moins difficile que de les aimer et d’en être aimé.

Les vrais éducateurs vont au-devant des problèmes et des intérêts de la jeunesse, au lieu de les fuir.

Je ramène tout à l’amour et pour moi, il est grec. La pédérastie est la forme la plus inépuisable de l’amour, parce que c’est l’amour de la jeunesse. Même Don Juan ne saurait être amoureux de toutes les femmes, tandis qu’un pédéraste est théoriquement amoureux de tous les garçons.
   Chéris sans nombre qui n’êtes jamais assez !
a dit Verlaine. Don Juan peut finir par renoncer aux femmes et devenir moine ; un vrai pédéraste est sur la brèche jusqu’à son dernier jour.

Un pédéraste n’est jamais gâteux, car sa vie est une lutte incessante, dans laquelle il faut vaincre ou mourir.

Il n’est pas de bonheur qui n’ait sa source et sa fin dans les sens, mais le charme de l’enfance est de promettre avant de pouvoir tenir. Encore tient-elle volontiers, à un âge que ne soupçonnent pas les bonnes gens. L’auteur de Lolita a étonné en dévoilant l’existence des « nymphettes ». Les satyrisques étaient les petits compagnons des satyres, les panisques de Pan et, si l’occasion leur en était offerte, les Lolitos supplanteraient les Lolitas.
   … Que deviendraient les familles,
   Si les cœurs des jeunes garçons
   Étaient faits comme ceux des filles ?

Le chevalier de Boufflers, qui était pédéraste, fait semblant de poser là une question qu’il avait résolue : les cœurs des garçons sont aussi ardents que ceux des filles et leurs corps plus précoces et plus exigeants.

Même si j’appartenais à une autre religion, je savourais tout ce que le catholicisme donne de raffinement à l’amour grec. Pour quelques drames, qui auraient été provoqués ailleurs par d’autres motifs, quelle pépinière d’Alexis et de Corydons est un collège religieux ! Ce n’est pas seulement à cause d’éventuels pères de Trennes, car l’enseignement laïc a les siens ; mais c’est parce que les religieux sont à peu près les seuls hommes à s’occuper vraiment des garçons et que le fait de s’occuper vraiment des garçons, crée des rapports amoureux entre hommes et garçons et, ce qui est plus singulier, entre garçons. Il va sans dire que, dans la majorité des cas, ces rapports restent d’ordre spirituel, mais l’amour grec est-il autre chose qu’une spiritualité virile, qui parfois surmonte l’attrait des corps et parfois y succombe ?

Deuxième partie

Quand on s’intéresse à l’adolescence, on n’ignore pas qu’elle n’offre guère que des approximations spirituelles. C’est un des motifs qui rendent volage avec elle ou qui atténuent le chagrin de ne pouvoir la fixer : on a vite fait le tour des corps, fussent-ils charmants.

Alain-Philippe Malagnac : [1]
Les curés m’ont révélé que ce qui m’attirait, c’était un péché ; les livres de ma sœur, que c’était une perversion ; les Amitiés particulières enfin que c’était l’amour.

L’amour oblige l’un à devenir l’autre.

Il nous faut placer des figures héroïques au fronton de notre existence, non seulement pour montrer à un vain peuple « les grands ancêtres », mais parce qu’un amour contre lequel s’est liguée la société, nous oblige à cultiver un certain héroïsme. Le seul fait d’accepter cet amour dans notre prime jeunesse est déjà une victoire sur des préjugés imbéciles. Cette affirmation de principe, ne serait-ce qu’envers soi-même, est appelée plus tard à se renouveler constamment.

Que préférer en lui : son désir ou son plaisir ? Il faisait de l’un et de l’autre quelque chose de spirituel, où Priape avait pour père, non Bacchus, mais Apollon. Avec lui, j’aurais voulu surmonter même le désir, tellement il me comblait au delà du plaisir. Ses baisers étaient, à eux seuls, une volupté. Je ne m’en lassais pas et il ne se lassait pas de m’en donner. On aurait cru que le baiser avait été inventé par lui et pour lui.

Une « amitié particulière » peut être l’aventure de n’importe quel homme dans sa jeunesse, tandis que, pour nous, elle n’est que le point de départ. L’amour que j’ai dit impossible, est le point d’arrivée. Mais impossible n’est ni français ni grec. Nous appartenons au passé le plus lointain, car cet amour, rendu glorieux par la Grèce, a fleuri dans toute l’antiquité. Et nous appartenons aux siècles à venir, car un jour il sera aussi libre qu’il le fut jadis. Entre temps, on ne peut le vivre que dans les catacombes, mais nous l’y vivons à la lumière de l’Acropole.

« Notre intimité » qui avait une base physique, était purifiée par ce qui allait plus loin que les sens.

La sévérité que j’avais eue depuis des années envers mes penchants, la foi que j’avais gardée en mon idéal malgré les déceptions, la haine que j’avais cultivée de tout ce qui est laid, sot et vulgaire, avaient obtenu leur récompense. J’aimais aussi violemment que lorsque l’amour est aveugle et j’aimais dans la lucidité.

La pédérastie consiste à posséder les garçons.

Pour l’encourager, je lui avais dit, que, plus on se distinguait des autres par certaines choses, plus on devait les dépasser dans celles que l’on avait avec eux en commun.

Je pourrais être amoureux de certaines mères à cause de leurs fils. Mais ce qui prouve que je suis pédéraste au sens strict, c’est que l’amour du fils ne me rendrait jamais amoureux du père.

Délicieux vainqueur, il régnait de nouveau chez moi. C’était tantôt l’Amour sans voiles, tantôt l’Amour vêtu d’un foulard ; l’Amour follement éveillé ou l’Amour qui somnole ; l’Amour debout, l’Amour couché ; l’Amour sur le côté droit, l’Amour sur le côté gauche ; l’Amour à plat ventre, l’Amour à genoux, mais non pour implorer grâce ; l’Amour avec la flèche et l’Amour avec le carquois. Nos gestes étaient complémentaires. Mes pensées, il les devinait, les yeux fermés, par la peau. Il offrait un champ inépuisable aux caprices de l’imagination. Sa beauté et sa grâce permettaient de tout oser sans manquer aux lois de l’esthétique.

Quatrième partie

L’accord parfait est difficile entre les deux sexes, même hors des chemins battus.

L’amour représente la beauté véritable, celle que Dieu, selon le mot de Hafiz, « contemple par les yeux de l’amant ». Et pour cause, puisque ce dieu est l’Amour.

Il existe partout des hommes que des garçons rendent heureux en secret et qui rendent heureux ces garçons. Il existe partout également des jeunes gens et des garçons qui s’aiment.

Il est inouï que, pendant vingt siècles, la religion, la morale et la loi se soient coalisées pour mutiler le genre humain d’un droit et d’un plaisir qui lui appartiennent, qu’elles en aient fait un vice, une tare et même un crime.

Cinquième partie

Savoir aimer, c’est être capable d’aimer quelqu’un qui change, mais qui vous aime encore à sa façon.

Voir aussi

Bibliographie

Édition utilisée

  • Notre amour / Roger Peyrefitte. – Paris : Flammarion, 1967 (Lagny-sur-Marne : Emmanuel Grévin et Fils, 22 février 1967). – 270 p. ; 18 × 12 cm. (fr)

Articles connexes

Notes et références

  1. De même que dans le reste du récit, le jeune amant de Roger Peyrefitte n’est pas nommé.