Paysage de fantaisie (11)

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des lambeaux de maison mais arrachés à rien je maintiens devant moi un large chemin creux talus moutonnant cette cuvette s’allonge et coule dans la mer terre grise violacée bruyères pins capricieux aux petits nuages ronds l’entrée de biais le couloir sombre et glacé les coups de canne sur la plante de mes pieds je n’en ai pas reçu ils préféraient les supplices rapides les cruautés naïves et désordonnées ils connaissent mal le corps ils y tourmentent ce qui les effraie

le même flanc un long pan de mur jaune plat et froid fenêtres trop petites froid profil de maison sans douceur pour mes yeux il pendu tête en bas par les genoux le creux des genoux chevauche la branche horizontale le garçon se balance sous l’arbre et l’écorce tord sa peau ou trace des éraflures blanches comme à la craie ses mains caressent l’herbe il en arrache un peu le sang pèse dans sa tête les joues sont roses à peine le salon la salle à manger le grenier les étages l’ordre nu si j’ose entrer les pas de garçons remontent l’escalier et disent leur bousculade leurs souffles leurs yeux vifs mèches de cheveux qui virevoltent coups de semelle les mains glissent nerveuses le long de la rampe ils s’enfuient

le chemin franchit une bosse de terre lourde je voyais l’autre côté comme la mer au fond la mer concave il répète c’est la mer d’ici et ne retient plus ses rires la mer d’ici écoute il tend un gros coquillage il le pousse contre mon oreille écoute la mer j’entends un écho l’autre conque de chair mon oreille appliquée sa rumeur de fleuve souterrain comme un cri sans voix le silence d’un gouffre qui absorbe un gouffre les deux oreilles se parlent celle de chair et le coquillage je les sépare l’enfant dit t’as entendu c’est la mer toute l’eau à nos pieds qui nous engloutira l’horizon à ras du monde la muraille couchée grise d’eau et de sel aux vaguelettes papillotantes comme des bouches des becs des suçoirs je crains l’eau je ne suivrai pas ce chemin

impossible d’approcher la façade le garçon pendu à l’arbre a pris son élan il lance brusquement les bras vers ses genoux il attrape la branche il a une main à gauche du genou gauche une main à droite du genou droit la branche est trop grosse pour qu’il l’empoigne ses paumes y adhèrent doigts crispés il plie les bras plie les jambes plie le ventre il se hisse et ses genoux descendent d’un quart de tour la peau intérieure se froisse les pieds pendent le voilà assis sur la branche il saute aussitôt à terre et se frotte le creux des genoux le derrière des mollets et des cuisses il tire sa culotte il renifle il rentre ses pans de chemise il repousse les cheveux qui lui barraient le front pas un seul geste oublié j’espère qu’il va pisser puisqu’il y a un tronc je veux voir un pénis cette maison me le dit

je n’ai pas de fenêtre qui s’ouvre sur la mer une masse d’eau bleue derrière les vitres et les vieux suintements aux écailles de sel noir jusqu’au sol ça n’existe pas la mer est plus basse que les villas elle est même sous les pins il n’y a que les mâts des barques à voile tous verticaux et nus sauf une ficelle parfois qui y pend la fenêtre donne sur ce coin de jardin négligé où ils rangeaient les poubelles les ferrailles humus gras de rouille et de nourritures pourries immondices huileuses grumeleuses décharge

la plus élevée des fenêtres chambre noire une pièce étroite et longue qu’on trouvait au bout d’un couloir sans lumière l’étage en dessous du grenier un fond d’étage on n’y va pas les cabinets sont bien avant et la pièce noire est condamnée c’est-à-dire fermée enfermée prisonnière on ne grattouille plus sa porte on ne foule et ne cire plus son parquet ses vitres sales ont des rideaux de reflets et de toiles d’araignée ici pendait le drap langue tordue plissée plate démesurée l’écoulement blanc d’une chambre le long de son mur c’était une chambre la mienne je ne m’y tromperais pas ils choisissent mon cou mes dents mes yeux mes oreilles mon sexe mon trou du cul et s’ils pensent aussi à mes doigts c’est parce que dans leurs livres les Chinois vous enfoncent des choses sous les ongles ils prennent l’air chinois les sourires maléfiques le sourcil démoniaque et les gestes de tigresse ce plaisir d’être ridicules grimaciers ils imitent mal ils ne voient rien et ne se sentent pas ils sont juste assez ingénieux pour tailler au canif des bâtonnets pointus dans des allumettes ils laissent le bout soufré intact ils n’imaginaient pas que la pointe ne glisse pas entre chair et ongle comme dans une fente la chair résiste le bois résiste et on doit pousser forcer insister sentir que le doigt crève alors sa main tremble ses genoux relancent sa gorge se noue il a mal il n’a pas la force d’enfoncer les bâtonnets suivants un autre le fera et un autre encore enflammera les bouts soufrés un à un les allumettes trempées de sang grésillent et s’éteignent avant que la flamme atteigne mes ongles

le crépi du mur assez râpeux pour qu’un geste sec et adroit y craque l’allumette on s’exerce à les gratter partout et certains réussissent d’un simple coup d’ongle comme si le feu leur sortait des doigts j’avais la chambre hantée c’est ce qu’ils prétendaient personne n’aurait couché seul ici pièce perdue trop vaste au plafond invisible lorsqu’ils m’y ont conduits ils       je ne croyais pas aux fantômes j’étais terrorisé que les garçons me frôlent dans la lumière ou dans les coins et l’angoisse quand leur voix forte prononçait mon nom       un grand piano à sonatines résonne sourdement quelquefois cela vient des appartements du bas entre la salle de billard et la lingerie leurs doigts mieux faits pour empoigner des bâtons lancer des balles tenir des raquettes le manche d’un couteau un marteau une scie une corde de balançoire mais la directrice devait l’exiger d’eux mains gourdement appliquées sur des musiques bêtes que refusent les touches glissantes impavides malmenées où la pulpe des doigts sue       un garçon en slip une fois jouait bien on entendait une mélodie rapide pleine de notes et rythmée de sons graves qui venaient du côté où le clavier va moins vite les pieds en chaussettes le slip pincé entre les cuisses serrées et la fesse souple que dénude une échancrure béante le garçon enfonçait la pédale à bruit et faisait des vacarmes garçonniers

pull bleu ciel relâché ras du cou il s’est levé en enjambant le tabouret à reculons et je vois ses couilles roselettes il les rabat négligemment sous le slip molli sa moiteur marque le cuir du tabouret carré deux hauts de cuisse parallèles et les joignant en accolade l’epsilon du cul

déçus que la chambre interdite ne contienne rien mais une tache du parquet devient du sang et dans les trous du mur étaient scellés des anneaux de fer où       pourquoi m’y enferme-t-on ils ne craignaient pas que je m’échappe du dortoir on m’éloignait des garçons parce qu’ils m’auraient tué       une aile ou une tourelle de la maison avec une corniche de faux mâchicoulis et des arbustes fleurs orange et pourpres en trompette on les cueille on y glisse le doigt une fleur pour chaque doigt la main chinoise aux pédoncules verts et griffus et près de la tourelle une véranda vitrée de verres multicolores elle n’est pas meublée on la traverse à cause des chiottes derrière ce sont les plus proches quand on joue dans le parc mais on n’a pas le droit de s’en servir parce que cette partie du château n’est plus entretenue l’eau coule encore on apporte du papier les chiottes sont à la turque il y a longtemps que le trou est bouché enseveli sous les crottes qui parsèment tout le ciment du réduit on entend nettement le piano la directrice joue des choses sans notes une musique moderne elle invente on préfère hurler des airs qu’on reconnaît les merdes s’étalent et croulent on a du mal à placer les pieds on pose un bout de journal sur les crottes les plus sèches et on s’accroupit là le derrière assez haut pour éviter les tas en pointe on chie et les pieds dérapent doucement plus onctueux plus lent que la boue ou le sable on se torche et on recourt dehors ce sont surtout les mouches vertes elles pompent même dans l’anus pendant qu’on pousse alors on balance un peu les fesses on serre dilate serre pour faire du mouvement elles chatouillent à rendre fou les merdes brun noir chocolat caramel ou vert foncé après les épinards pas beaucoup d’étrons plutôt des purées

coliques de l’après-midi les fruits pas mûrs qu’on mangeait au jardin

ils ne prenaient pas le chemin dans les remblais ils ignoraient la mer sans plages et sans navires je dépasse la maison inconnue je la regarde encore ses volets semblent clos depuis des années elle contient d’autres maisons dont chacune en contient d’autres je ne prononçais jamais ce mot-là je voyais une porte un mur un grand corps assoupi elle n’avait pas d’extérieur

tourner le dos à ce que je n’appelais pas la mer ni l’océan une sorte de fin puisque la terre s’arrête un vide impossible que l’eau a comblé et je refuse la pente vertigineuse qui s’ouvre sous elle j’avais épié les alentours je cherchais un écriteau à vendre il y avait une colonnade portant un génie ou un enfant ou une femme ou un antique drapé elle occupe l’angle que forme une partie de la façade en avancée sur le corps du bâtiment le toit est presque plat j’essaie de me rappeler la statue elle n’est pas de ce côté c’est celui des barques et de la plage aux cernes de varech noir

les dix doigts gantés de fleurs écartés recourbés il joue les sorcières ses mains travesties masquent son visage et créent une panique qu’il reçoit et répand quand il lève ses griffes végétales je le crois capable de me déchirer tout le corps       plus tard les corolles crevées tombent de ses doigts dont la pointe est tachée de pollen jaune vingt garçonnets s’acharnent sur un adulte désarmé on n’avait pas exploré les caves sous le château elles étaient sûrement immenses on menaçait les petits de les y perdre s’ils faisaient un peu trop leur intéressant ils nous agacent nous relancent sans arrêt au lieu de jouer entre eux à leurs petites bêtises ils ont besoin de nous mais ils gueulent à la moindre gifle ou si on leur prend je ne sais quoi une balle de ping-pong un domino un osselet de mouton une cerise pourrie il faut les consoler sinon les pleurs explosent la force de ces poumons l’énergie qu’ils dépensent c’est qu’ils y croient ils crient de tout leur cœur et ils dorment la nuit comme des anges ils reprennent des forces on les entendra demain à dix kilomètres tous sur le type une bande de rats ils le couvraient entièrement lorsqu’ils se sont relevés l’homme ne bougerait plus jamais il était nu ils ont bouffé ses vêtements ses godasses sa cervelle je les vois bien grignoter en partant des oreilles il cherche son tender à travers le jardin avec des pleurs stridents il tient sa grosse locomotive à moteur un modèle ancien le ressort en spire et ça roule infernal ça monterait un escalier c’est plus têtu qu’un animal méchant elle a trois wagons de tôle qui ne la ralentissent même pas je sais où est le tender je lui dis qu’on l’a caché il crie il se précipite sur un garçon qui le rembarre de son poing à l’estomac il sanglote plus haut qu’un sifflet de train ils logent des mégères énormes sous leurs petites personnes et des harpies s’apprêtent à ululer derrière leurs lèvres mignonnes on détestait les mioches on aurait préféré des nouveaux moins pisseux il n’a plus mal il lance furieusement sa locomotive contre la vitre d’un soupirail le verre se brise et le jouet a disparu

j’habiterai là jusqu’à la fin personne ne s’en doutera je ne ferai pas de lumière je n’ai rien pour cela je veux seulement mourir à l’abri des regards et du ciel       dès la porte passée j’ai besoin de débrider une blessure de ma jambe et qu’elle saigne assez fort je vérifie que le sang coule jusque par terre où je laisserai une trace je marche sur ce carrelage rougi et je l’inonde si longtemps qu’il n’est plus le sol neutre d’un couloir mais mon corps nu écorché vif et mis à plat       je ne visite aucune pièce je reste ici d’où je vois un jardin potager à l’abandon les jours se succèdent et j’ai ce spectacle en horreur je referme la porte d’entrée la lumière me semble encore trop violente et l’humanité du lieu insupportable je découvre l’escalier de la cave je descends où sont les morts mais je verrai ce qu’ils ne voient pas je connaîtrai la nuit et l’haleine du cadavre qui m’oppresse il y a l’image au-dessus du radiateur un paquebot de profil deux cheminées la rangée de hublots miroitants le long du flanc noir et d’autres dans les superstructures blanches comme des guêtres ou des costumes d’été hublots boutons sur une veste de passager luxueux j’aime tant ce bateau que je le décroche pour l’admirer sans fatigue mais dès que j’ai le sous-verre près de moi je le retourne face contre terre je me moque du navire j’aimais le mur qu’il me cachait je n’aime plus le mur dévoilé je touche le radiateur de fonte et après un quart d’heure j’ai l’impression qu’il est chaud cette maison est habitée on me fait honte du sang que j’ai répandu on me soignera aussi peut-être il faut prendre un ton et demander un peu de soupe mais sept ou huit gosses bien sains et bien vêtus dévalent l’escalier en plaisantant ils s’arrêtent médusés que je sois chez eux ils se taisent leur visage durcit ils vont appeler leurs parents rien ne m’inquiète sauf d’être encore presque assez vigoureux pour me lever chacun d’eux frappe ma tête ou la cogne au radiateur je sens une douleur bienfaisante et le vertige de m’endormir je rêve à cette frivolité tandis que la bande s’approche ils se montrent mon sang et m’examinent je glisse en eux sans effort et je ne sais plus

deux garçons en maillot de bain pendus au portique d’agrès l’un au trapèze tête en bas l’autre aux anneaux il y exécute des rétablissements la contraction des bras maigres tire sur chaque muscle immature chaque côte tendons saillies d’os qui écorchent la peau puis les bras s’ouvrent avec la même lenteur volontaire les pieds du garçon retrouvent le sol et son corps recompose une tendreté aqueuse et pâle un troisième garçon monté à la corde à nœuds s’y enroulait une jambe et penchait le corps à l’horizontale les bras en ailes d’avion tandis que la corde tournant sur elle-même le faisait gracieusement pivoter un quatrième qui doit être très fort et très adroit à belles épaules et belles fesses marche sur les mains au milieu de l’herbe et entre ses jambes en fourche un petit pose le tranchant de sa main je mange à travers main et culotte le garçon crie à l’autre d’arrêter parce qu’il perd l’équilibre puis il se met en colère retombe souplement d’aplomb et court après l’enfant il est sûr de sa force il ne s’énerve pas il lui pince les oreilles et doucement le soulève de quelques centimètres au-dessus du sol Maintenant t’auras des oreilles comme ça toute ta vie ça t’apprendra dit-il au petit en lui dessinant des oreilles d’âne de chaque côté de la tête et c’est à cause de ce dessin que le gamin commence à pleurer j’en oublie un qui montait à la corde lisse sans les jambes et d’une seule main parce que c’est impossible sauf en alternant et il n’utiliserait que sa main droite les agrès sont fixés au portique par des crocs en tire-bouchon


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