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Les '''''Lettres amoureuses d’un frère à son élève''''' forment un roman anonyme en français, publié pour la première fois en [[1878]].
Les '''''Lettres amoureuses d’un frère à son élève''''' forment un roman anonyme en français, publié pour la première fois en [[1878]].


Relatant les relations amoureuses entre un [[Frères des Écoles Chrétiennes|frère des Écoles Chrétiennes]] et l’un de ses jeunes [[élève]]s, il a fait l’objet de plusieurs rééditions, dont deux sous le titre '''''Lettres d’un ignorantin à son élève''''', et une autre plus récente dans une version presque entièrement réécrite.
Relatant les relations amoureuses entre un [[Frères des Écoles Chrétiennes|frère des Écoles Chrétiennes]] et l’un de ses jeunes [[élève]]s, il a fait l’objet de plusieurs rééditions, dont deux sous le titre '''''Lettres d’un ignorantin à son élève''''', et une autre plus récente dans une version partiellement réécrite.


==Intrigue==
==Intrigue==


L’ouvrage se compose de cinquante-trois lettres et billets rédigés par le frère Joseph des Anges à l’intention de Marius, son élève bien-aimé, auxquels s’ajoutent une lettre du même Joseph à l’ex-frère Mathieu, et une lettre du petit Jean datant de 1863.
L’ouvrage se compose de cinquante-deux lettres et billets rédigés par le frère Joseph des Anges à l’intention de Marius, son élève bien-aimé ; auxquels s’ajoutent une lettre du même Joseph à l’ex-frère Mathieu, et une lettre du petit Jean écrite au frère Joseph sept ans plus tôt.


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Au cours de l’année scolaire [[1868]]-[[1869]], le frère enseignant Joseph, âgé de trente ans, est tombé [[amour]]eux d’un de ses [[internat|pensionnaires]], Marius, un magnifique garçon de quatorze ans à la chevelure blonde et bouclée, aussi espiègle qu’intelligent. Pendant les grandes [[vacances]], il lui écrit de longues lettres, de plus en plus explicites, pour lui déclarer ses sentiments et même ses sensations.
Au cours de l’année scolaire [[1868]]-[[1869]], le frère enseignant Joseph, âgé de trente ans, est tombé [[amour]]eux d’un de ses [[internat|pensionnaires]], Marius, un magnifique garçon de quatorze ans à la chevelure blonde et bouclée, aussi espiègle qu’intelligent. Pendant les grandes [[vacances]], il lui écrit de longues lettres, de plus en plus explicites, pour lui déclarer ses sentiments et même ses sensations.


Marius, qui s’était aperçu de l’intérêt particulier que lui portait son [[professeur]], se montre tout à fait réceptif à ces avances. Malgré quelques difficultés passagères, tous deux finissent par se retrouver ; leur amour réciproque s’exprime alors totalement, et avec passion.
Marius, qui s’était aperçu de l’intérêt particulier que lui portait son [[professeur]], se montre tout à fait réceptif à ces avances. Malgré quelques difficultés passagères, ils finissent par se retrouver ; leur amour réciproque s’exprime alors totalement, et avec passion.


À la rentrée, début octobre, Joseph est muté dans un noviciat, ce qui l’éloigne de Marius. Celui-ci d’ailleurs fait une crise de [[jalousie]], pensant que Joseph lui préfère maintenant l’un des jeunes novices dont il a la charge. Après explications et réconciliation, une chance exceptionnelle leur est offerte : la mère de Marius souhaite garder son fils chez elle jusqu’à la fin du trimestre, et elle fait appel au frère Joseph pour venir lui donner des leçons particulières. Ce que les deux [[amant]]s, échappant à sa surveillance, mettent à profit dans une apothéose érotique.
À la rentrée, début octobre, Joseph est muté dans un noviciat, ce qui l’éloigne de Marius. Celui-ci d’ailleurs fait une crise de [[jalousie]], pensant que Joseph lui préfère maintenant l’un des jeunes novices dont il a la charge. Après explications et réconciliation, une chance exceptionnelle leur est offerte : la mère de Marius souhaite garder son fils chez elle jusqu’à la fin du trimestre, et elle fait appel au frère Joseph pour venir lui donner des cours particuliers. Ce que les deux [[amant]]s, échappant à sa surveillance, mettent à profit dans une apothéose érotique.


Soudain, un message anonyme avertit la mère du risque de relations intimes entre son fils et le professeur. À nouveau éloignés à partir de janvier, ils parviennent encore à se retrouver, mais avec plus de difficultés et de risques. Le frère Joseph est toujours très amoureux ; le garçon, lui, commence à s’intéresser aux [[femme]]: un [[scandale]] éclate même à ce propos, provoquant son renvoi temporaire du [[collège]].
Soudain, un message anonyme avertit la mère du risque de relations intimes entre son fils et le professeur. À nouveau éloignés à partir de janvier, ils parviennent encore à se retrouver, mais avec plus de difficultés et de risques. Le frère Joseph est toujours très amoureux ; le garçon, lui, commence à s’intéresser aux [[femme]]s : un [[scandale]] éclate même à ce propos, provoquant son renvoi temporaire du [[collège]].


Il apparaît que le [[dénonciation|dénonciateur]] de Joseph auprès de la mère de Marius est un certain Mathieu, ancien frère des Écoles chrétiennes devenu cocher après avoir été renvoyé de l’[[ordre enseignant]]. Quelques années auparavant, en effet, Joseph avait surpris ses relations sexuelles avec un jeune élève auquel lui-même s’intéressait, et il l’avait dénoncé au supérieur. Mathieu avait alors juré de se venger.
Il apparaît que le [[dénonciation|dénonciateur]] de Joseph auprès de la mère de Marius est un certain Mathieu, ancien frère des Écoles chrétiennes devenu cocher après avoir été renvoyé de l’[[ordre enseignant]]. Quelques années auparavant, en effet, Joseph avait découvert ses relations sexuelles avec le petit Jean, un élève auquel lui-même s’intéressait, et il l’avait dénoncé au supérieur. Mathieu avait alors juré de se venger.


Tant la mise au jour de cette affaire peu glorieuse que l’évolution de Marius, qui à quinze ans est de plus en plus attiré par le sexe opposé, éloignent petit à petit le garçon de son ancien professeur. Celui-ci, extrêmement sentimental et souvent [[dépression|dépressif]], réagit de façon maladroite, plaintive, peu appropriée à la psychologie d’un [[adolescent]]. Il fait à celui-ci une ultime proposition : profiter d’un héritage que Joseph vient de recevoir, pour s’enfuir ensemble vers une nouvelle vie au [[Brésil]] !
Tant la mise au jour de cette affaire peu glorieuse que l’évolution de Marius, qui à quinze ans est de plus en plus attiré par le sexe opposé, éloignent petit à petit le garçon de son ancien professeur. Celui-ci, extrêmement sentimental et souvent [[dépression|dépressif]], réagit de façon maladroite, plaintive, peu appropriée à la psychologie d’un [[adolescent]]. Il fait à celui-ci une ultime proposition : profiter d’un héritage que Joseph vient de recevoir, pour s’enfuir ensemble vers une nouvelle vie au [[Brésil]] !


Après que Marius a refusé ce dernier projet, Joseph récapitule longuement toute son existence, depuis une [[enfance]] privée d’amour jusqu’à cet échec amoureux final. Il en tire une vision désespérée de la vie, et se [[suicide]] le jour de son trente-et-unième anniversaire.
Après que Marius a refusé ce dernier projet, Joseph récapitule longuement toute son existence, depuis une [[enfance]] privée de tendresse, jusqu’à ce qu’il ressent comme un échec amoureux final. Il en tire une vision désespérée de la vie, et se [[suicide]] le jour de son trente-et-unième anniversaire.
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==Texte intégral==
==Texte intégral==


Le texte intégral des ''Lettres amoureuses d’un frère à son élève'' (édition de [[1911]]) figure aux pages suivantes :<ref>La division du texte en trois parties, réalisée ici pour des raisons de commodité propres à BoyWiki, ne figure pas dans l’œuvre originale.</ref>
Le texte intégral des ''Lettres amoureuses d’un frère à son élève'' (édition de [[1911]]) figure aux pages suivantes :<ref>La division du texte en trois parties, réalisée ici pour des raisons de commodité propres à BoyWiki, ne figure pas dans l’œuvre originale. Elle correspond cependant aux trois périodes principales du récit : les grandes vacances, le premier trimestre, et le reste de l’année scolaire.</ref>


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|[[Lettres amoureuses d’un frère à son élève (texte intégral – 1)|1{{Exp|re}} partie]]<br><small>''Introduction'' de 1911<br>''Avis de l’éditeur'' de 1878<br>'''16 lettres'''<br>(août-septembre 1869)</small>
|[[Lettres amoureuses d’un frère à son élève (texte intégral – 1)|1{{Exp|re}} partie]]<br><small>''Introduction'' de 1911<br>''Avis de l’éditeur'' de 1878<br>'''16 lettres'''<br>(août-septembre 1869)</small>
|[[Lettres amoureuses d’un frère à son élève (texte intégral – 2)|2{{e}} partie]]<br>|<br>|<br><small>'''18 lettres et billets'''<br>(octobre-décembre 1869)</small>
|[[Lettres amoureuses d’un frère à son élève (texte intégral – 2)|2{{e}} partie]]<br>|<br>|<br><small>'''17 lettres et billets'''<br>(octobre-décembre 1869)</small>
|[[Lettres amoureuses d’un frère à son élève (texte intégral – 3)|3{{e}} partie]]<br>|<br>|<br><small>'''21 lettres et billets'''<br>(janvier-juillet 1870)</small>
|[[Lettres amoureuses d’un frère à son élève (texte intégral – 3)|3{{e}} partie]]<br>|<br>|<br><small>'''21 lettres et billets'''<br>(janvier-juillet 1870)</small>
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==Analyse==
==Analyse==
===La pédérastie===
Le frère Joseph exprime sans fard son attirance pour les garçons, qu’il distingue nettement de l’homosexualité entre adultes :
{{Citation bloc|Ah ! quelles sensations excitaient en moi, et de jour en jour plus ardentes, le contact et la vue de nos jeunes élèves !<br />Et je pressentais une incomparable jouissance à presser sur ma poitrine une de ces jeunes poitrines, à l’animer, à la surexciter, à l’enthousiasmer, à propager enfin dans ce petit être charmant l’incendie qui faisait flamber toutes mes énergies…<ref>Éd. Bibliothèque des Curieux, 1911, p. 185-186.</ref>}}
{{Citation bloc|L’homme, en général, ne m’inspire que de l’aversion ; mais, pour l’enfant, cet être innocent et doux, pour l’adolescent, cet être si pur et si beau, je ne ressens que de l’amour. C’est la grande fatalité de ma nature.<ref>Éd. Bibliothèque des Curieux, 1911, p. 186.</ref>}}
Ce goût pour les garçons n’apparaît pas ici comme une [[perversion]] exceptionnelle, mais comme une tendance relativement banale, puisque son ami le frère Ollivier et l’ex-frère Mathieu y sont également sujets. Contrairement aux modes de l’époque, aucune explication pseudo-médicale ni pseudo-psychologique n’en est proposée.
===La sexualité===


''[à compléter]''
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==Sources et auteur==
===La religion===
 
Le frère Joseph est croyant ; surtout, sans doute, par éducation et par habitude, mais quand même sincèrement. Or, à l’opposé de l’enseignement dominant de l’Église catholique, il n’exprime aucune [[culpabilité]] par rapport à sa relation avec le jeune Marius, y compris dans ses aspects les plus sensuels.
 
Souvent même il cite des textes et des pratiques liturgiques pour les appliquer à ses sentiments amoureux — mélanges érotico-religieux annonçant ceux qui figureront en si grand nombre dans ''[[Les amitiés particulières (Roger Peyrefitte)|Les amitiés particulières]]''. Mais au contraire de [[Roger Peyrefitte]], qui opère un véritable détournement des rites, le frère Joseph n’a pas l’intention de renier ni de moquer le culte catholique.
 
La lettre du 2 septembre 1869 justifie son amour par l’exemple de saints qu’il place parmi les « grands ancêtres » :
 
{{Citation bloc|Mon ami, mon tendre ami, les plus grands hommes de l’antiquité, de nombreux saints, et des plus augustes, ont marché dans la voie où nous nous engageons. Si tu l’ignores, je t’enseignerai ce point d’histoire.<ref>Éd. Bibliothèque des Curieux, 1911, p. 40.</ref>}}


''compléter]''
Le frère Joseph n’est donc pas un renégat, qui se serait éloigné de la foi pour cultiver les plaisirs terrestres ; ni un coupable bourrelé de remords et confessant ses [[péché]]s ; mais plutôt un authentique [[pédérastie chrétienne|pédéraste chrétien]], assumant sans équivoque ni regrets à la fois son amour de Dieu et son amour des garçons.
 
==Un ouvrage précurseur aux origines mystérieuses==
 
===Vision positive de la pédérastie===


==Voir aussi==
Dans l’histoire de la littérature française, les ''Lettres amoureuses d’un frère à son élève'' sont le premier récit qui donne de la pédérastie une image à la fois précise et plutôt positive.


===Bibliographie===
Certes, le caractère et les sentiments du frère Joseph sont imparfaits, parfois critiquables — mais n’est-ce pas le lot de toute chose humaine ? Le jeune enseignant catholique apparaît comme respectable, empreint de solides préoccupations morales, attentif à l’intérêt et aux souhaits de son jeune bien-aimé. Il est aux antipodes des jouissances égoïstes et souvent cruelles du [[Donatien Alphonse François de Sade|marquis de Sade]], ou de la sexualité sordide mise en scène dans de nombreux pamphlets [[anticléricalisme|anticléricaux]].


*''Lettres amoureuses d’un frère à son élève''. – Alexandrie [Bruxelles] : [Jules Gay], [1878] (Alexandrie : Durando). – 222 p. ; 17 cm.<br><small>Tirage limité à 50 ex. sur papier du Japon + 450 ex. sur papier vélin. Publié à Bruxelles par J. Gay en 1878, d’après P. Pia, ''Les livres de l’Enfer'', 1998, p. 421-422.</small>
Parues en 1878, ces ''Lettres'' précèdent d’un quart de siècle les aveux timides d’[[André Gide]] dans ''[[L’immoraliste (André Gide)|L’immoraliste]]'' ([[1902]]), et d’une trentaine d’années un autre ouvrage érotique, ''[[Pédérastie active (P.-D. Rast)|Pédérastie active]]'' ([[1907]]) — deux récits qui porteront également un regard positif sur le désir des hommes pour les garçons.


*''Lettres d’un ignorantin à son élève'' / préf. de Léo Taxil. – Paris : Librairie Anticléricale, 1884. – In-18.
Mais il faudra attendre près d’un demi-siècle, avec ''[[Les faux-monnayeurs (André Gide)|Les faux-monnayeurs]]'' ([[1925]]), pour qu’un roman  décrive à nouveau un amour pédérastique — et non pas seulement des désirs ou des pratiques sexuelles. Encore Gide n’osera-t-il mettre en scène qu’un garçon de seize ans, bien plus âgé que le Marius des ''Lettres''.


*''Lettres d’un ignorantin à son élève : réimpression conforme à l’original déjà publié en 1884''. – Paris : P. Fort, (1899). – Couv. ill. ; in-18. – (Collection anti-cléricale).<br><small>Dessin de couv. par Léon Roze. Le catalogue de l’éditeur porte le titre ''Lettres amoureuses d’un ignorantin à son élève'', ainsi que cette mention : « La mère en défendra la lecture à sa fille, et même le père à son fils ».</small>
===Les sources et l’auteur===


*''Lettres amoureuses d’un frère à son élève''. – Paris : Bibliothèque des Curieux, 1911. – [6]-VI-192 p. ; 15 × 10 cm. – (Le coffret du bibliophile).<br><small>Tirage limité à 5 ex. de luxe numérotés de 1000 à 1005 + 500 ex. sur papier d’Arches numérotés de 1005 à 1505.</small>
''[à compléter]''


*''Lettres amoureuses d’un frère à son élève''. – Paris : L’Astrée, 1956.<br><small>Tirage limité à 990 ex. numérotés.</small>
==Voir aussi==


*{{Référence:Lettres amoureuses d’un frère à son élève/Les lettres amoureuses d’un frère à son élève revues et toilettées – Quintes-Feuilles, 2006|isbdmod}}
===Bibliographie===


*[[Image:Lettres amoureuses d'un frère à son élève (titre 1878) 1123x1959.jpg|150px|thumb|left]]''Lettres amoureuses d’un frère à son élève''. – Alexandrie [Bruxelles] : [Jules Gay], [1878] (Alexandrie : Durando). – 222 p. ; 17 cm.<br><small>Tirage limité à 50 ex. sur papier du Japon + 450 ex. sur papier vélin. Publié à Bruxelles par J. Gay en 1878, d’après P. Pia, ''Les livres de l’Enfer'', 1998, p. 421-422.</small>
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*''Lettres d’un ignorantin à son élève'' / préf. de Léo Taxil. – Paris : Librairie Anticléricale, 1884. – In-18.
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*[[Image:Lettres d'un ignorantin à son élève (couverture 1899) 1490x2321.jpg|150px|thumb|left]]''Lettres d’un ignorantin à son élève : réimpression conforme à l’original déjà publié en 1884''. – Paris : P. Fort, (1899). – Couv. ill. ; in-18. – (Collection anti-cléricale).<br><small>Dessin de couv. par Léon Roze. Le catalogue de l’éditeur porte le titre ''Lettres amoureuses d’un ignorantin à son élève'', ainsi que cette mention : « La mère en défendra la lecture à sa fille, et même le père à son fils ».</small>
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*[[Image:Lettres amoureuses d'un frère à son élève (couverture 1911) 1087x1760.jpg|150px|thumb|left]]''Lettres amoureuses d’un frère à son élève''. – Paris : Bibliothèque des Curieux, 1911. – [6]-VI-192 p. ; 15 × 10 cm. – (Le coffret du bibliophile).<br><small>Tirage limité à 5 ex. de luxe numérotés de 1000 à 1005 + 500 ex. sur papier d’Arches numérotés de 1005 à 1505.</small>
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*[[Image:Lettres amoureuses d'un frère à son élève (couverture 1956) 1740x2355.jpg|150px|thumb|left]]''Lettres amoureuses d’un frère à son élève''. – Paris : L’Astrée, 1956.<br><small>Tirage limité à 990 ex. numérotés.</small>
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*[[Image:Les lettres amoureuses d'un frère à son élève revues et toilettées (couverture 2006) 1130x1769.jpg|150px|thumb|left]]{{Référence:Lettres amoureuses d’un frère à son élève/Les lettres amoureuses d’un frère à son élève revues et toilettées – Quintes-Feuilles, 2006|isbdmod}}
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===Articles connexes===
===Articles connexes===



Version du 20 octobre 2019 à 18:28

Les Lettres amoureuses d’un frère à son élève forment un roman anonyme en français, publié pour la première fois en 1878.

Relatant les relations amoureuses entre un frère des Écoles Chrétiennes et l’un de ses jeunes élèves, il a fait l’objet de plusieurs rééditions, dont deux sous le titre Lettres d’un ignorantin à son élève, et une autre plus récente dans une version partiellement réécrite.

Intrigue

L’ouvrage se compose de cinquante-deux lettres et billets rédigés par le frère Joseph des Anges à l’intention de Marius, son élève bien-aimé ; auxquels s’ajoutent une lettre du même Joseph à l’ex-frère Mathieu, et une lettre du petit Jean écrite au frère Joseph sept ans plus tôt.


Texte intégral

Le texte intégral des Lettres amoureuses d’un frère à son élève (édition de 1911) figure aux pages suivantes :[1]

1re partie
Introduction de 1911
Avis de l’éditeur de 1878
16 lettres
(août-septembre 1869)
2e partie
|
|
17 lettres et billets
(octobre-décembre 1869)
3e partie
|
|
21 lettres et billets
(janvier-juillet 1870)

Analyse

La pédérastie

Le frère Joseph exprime sans fard son attirance pour les garçons, qu’il distingue nettement de l’homosexualité entre adultes :

« Ah ! quelles sensations excitaient en moi, et de jour en jour plus ardentes, le contact et la vue de nos jeunes élèves !
Et je pressentais une incomparable jouissance à presser sur ma poitrine une de ces jeunes poitrines, à l’animer, à la surexciter, à l’enthousiasmer, à propager enfin dans ce petit être charmant l’incendie qui faisait flamber toutes mes énergies…[2]
»
« L’homme, en général, ne m’inspire que de l’aversion ; mais, pour l’enfant, cet être innocent et doux, pour l’adolescent, cet être si pur et si beau, je ne ressens que de l’amour. C’est la grande fatalité de ma nature.[3] »

Ce goût pour les garçons n’apparaît pas ici comme une perversion exceptionnelle, mais comme une tendance relativement banale, puisque son ami le frère Ollivier et l’ex-frère Mathieu y sont également sujets. Contrairement aux modes de l’époque, aucune explication pseudo-médicale ni pseudo-psychologique n’en est proposée.

La sexualité

[à compléter]

La religion

Le frère Joseph est croyant ; surtout, sans doute, par éducation et par habitude, mais quand même sincèrement. Or, à l’opposé de l’enseignement dominant de l’Église catholique, il n’exprime aucune culpabilité par rapport à sa relation avec le jeune Marius, y compris dans ses aspects les plus sensuels.

Souvent même il cite des textes et des pratiques liturgiques pour les appliquer à ses sentiments amoureux — mélanges érotico-religieux annonçant ceux qui figureront en si grand nombre dans Les amitiés particulières. Mais au contraire de Roger Peyrefitte, qui opère un véritable détournement des rites, le frère Joseph n’a pas l’intention de renier ni de moquer le culte catholique.

La lettre du 2 septembre 1869 justifie son amour par l’exemple de saints qu’il place parmi les « grands ancêtres » :

« Mon ami, mon tendre ami, les plus grands hommes de l’antiquité, de nombreux saints, et des plus augustes, ont marché dans la voie où nous nous engageons. Si tu l’ignores, je t’enseignerai ce point d’histoire.[4] »

Le frère Joseph n’est donc pas un renégat, qui se serait éloigné de la foi pour cultiver les plaisirs terrestres ; ni un coupable bourrelé de remords et confessant ses péchés ; mais plutôt un authentique pédéraste chrétien, assumant sans équivoque ni regrets à la fois son amour de Dieu et son amour des garçons.

Un ouvrage précurseur aux origines mystérieuses

Vision positive de la pédérastie

Dans l’histoire de la littérature française, les Lettres amoureuses d’un frère à son élève sont le premier récit qui donne de la pédérastie une image à la fois précise et plutôt positive.

Certes, le caractère et les sentiments du frère Joseph sont imparfaits, parfois critiquables — mais n’est-ce pas le lot de toute chose humaine ? Le jeune enseignant catholique apparaît comme respectable, empreint de solides préoccupations morales, attentif à l’intérêt et aux souhaits de son jeune bien-aimé. Il est aux antipodes des jouissances égoïstes et souvent cruelles du marquis de Sade, ou de la sexualité sordide mise en scène dans de nombreux pamphlets anticléricaux.

Parues en 1878, ces Lettres précèdent d’un quart de siècle les aveux timides d’André Gide dans L’immoraliste (1902), et d’une trentaine d’années un autre ouvrage érotique, Pédérastie active (1907) — deux récits qui porteront également un regard positif sur le désir des hommes pour les garçons.

Mais il faudra attendre près d’un demi-siècle, avec Les faux-monnayeurs (1925), pour qu’un roman décrive à nouveau un amour pédérastique — et non pas seulement des désirs ou des pratiques sexuelles. Encore Gide n’osera-t-il mettre en scène qu’un garçon de seize ans, bien plus âgé que le Marius des Lettres.

Les sources et l’auteur

[à compléter]

Voir aussi

Bibliographie

  • Lettres amoureuses d’un frère à son élève. – Alexandrie [Bruxelles] : [Jules Gay], [1878] (Alexandrie : Durando). – 222 p. ; 17 cm.
    Tirage limité à 50 ex. sur papier du Japon + 450 ex. sur papier vélin. Publié à Bruxelles par J. Gay en 1878, d’après P. Pia, Les livres de l’Enfer, 1998, p. 421-422.
  • Lettres d’un ignorantin à son élève / préf. de Léo Taxil. – Paris : Librairie Anticléricale, 1884. – In-18.
  • Lettres d’un ignorantin à son élève : réimpression conforme à l’original déjà publié en 1884. – Paris : P. Fort, (1899). – Couv. ill. ; in-18. – (Collection anti-cléricale).
    Dessin de couv. par Léon Roze. Le catalogue de l’éditeur porte le titre Lettres amoureuses d’un ignorantin à son élève, ainsi que cette mention : « La mère en défendra la lecture à sa fille, et même le père à son fils ».
  • Lettres amoureuses d’un frère à son élève. – Paris : Bibliothèque des Curieux, 1911. – [6]-VI-192 p. ; 15 × 10 cm. – (Le coffret du bibliophile).
    Tirage limité à 5 ex. de luxe numérotés de 1000 à 1005 + 500 ex. sur papier d’Arches numérotés de 1005 à 1505.
  • Lettres amoureuses d’un frère à son élève. – Paris : L’Astrée, 1956.
    Tirage limité à 990 ex. numérotés.
  • Les lettres amoureuses d’un frère à son élève : revues et toilettées / présentation [et réécriture] [Jean-Claude Féray]. – Paris : Quintes-feuilles, 2006 (Le Mesnil-sur-l’Estrée : Impr. Nouv. Firmin Didot, juin 2006). – 146 p. : ill., couv. ill. en coul. ; 23 × 14 cm. (fr)
    Cette édition ne comporte pas le texte original des Lettres amoureuses d’un frère à son élève, mais une version « revue et toilettée ». En annexe, la “confession d’un pédéraste” publiée par Tardieu et reprise par Léo Taxil dans sa réédition, p. 139-141. – ISBN 2-9516023-7-5 (broché)

Articles connexes

Notes et références

  1. La division du texte en trois parties, réalisée ici pour des raisons de commodité propres à BoyWiki, ne figure pas dans l’œuvre originale. Elle correspond cependant aux trois périodes principales du récit : les grandes vacances, le premier trimestre, et le reste de l’année scolaire.
  2. Éd. Bibliothèque des Curieux, 1911, p. 185-186.
  3. Éd. Bibliothèque des Curieux, 1911, p. 186.
  4. Éd. Bibliothèque des Curieux, 1911, p. 40.