Lettres amoureuses d’un frère à son élève

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Les Lettres amoureuses d’un frère à son élève forment un roman anonyme en français, publié pour la première fois en 1878.

Relatant les relations amoureuses entre un frère des Écoles Chrétiennes et l’un de ses jeunes élèves, il a fait l’objet de plusieurs rééditions, dont deux sous le titre Lettres d’un ignorantin à son élève, et une autre plus récente dans une version partiellement réécrite.

Intrigue

L’ouvrage se compose de cinquante-deux lettres et billets rédigés par le frère Joseph des Anges à l’intention de Marius, son élève bien-aimé ; auxquels s’ajoutent une lettre du même Joseph à l’ex-frère Mathieu, et une lettre du petit Jean écrite au frère Joseph sept ans plus tôt.


Texte intégral

Le texte intégral des Lettres amoureuses d’un frère à son élève (édition de 1911) figure aux pages suivantes :[1]

1re partie
Introduction de 1911
Avis de l’éditeur de 1878
16 lettres
(août-septembre 1869)
2e partie
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17 lettres et billets
(octobre-décembre 1869)
3e partie
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21 lettres et billets
(janvier-juillet 1870)

Analyse

La pédérastie

Le frère Joseph exprime sans fard son attirance pour les garçons, qu’il distingue nettement de l’homosexualité entre adultes :

« Ah ! quelles sensations excitaient en moi, et de jour en jour plus ardentes, le contact et la vue de nos jeunes élèves !
Et je pressentais une incomparable jouissance à presser sur ma poitrine une de ces jeunes poitrines, à l’animer, à la surexciter, à l’enthousiasmer, à propager enfin dans ce petit être charmant l’incendie qui faisait flamber toutes mes énergies…[2]
»
« L’homme, en général, ne m’inspire que de l’aversion ; mais, pour l’enfant, cet être innocent et doux, pour l’adolescent, cet être si pur et si beau, je ne ressens que de l’amour. C’est la grande fatalité de ma nature.[3] »

Ce goût pour les garçons n’apparaît pas ici comme une perversion exceptionnelle, mais comme une tendance relativement banale, puisque son ami le frère Ollivier et l’ex-frère Mathieu y sont également sujets. Contrairement aux modes de l’époque, aucune explication pseudo-médicale ni pseudo-psychologique n’en est proposée.

La sexualité

[à compléter]

La religion

Le frère Joseph est croyant ; surtout, sans doute, par éducation et par habitude, mais quand même sincèrement. Or, à l’opposé de l’enseignement dominant de l’Église catholique, il n’exprime aucune culpabilité par rapport à sa relation avec le jeune Marius, y compris dans ses aspects les plus sensuels.

Souvent même il cite des textes et des pratiques liturgiques pour les appliquer à ses sentiments amoureux — mélanges érotico-religieux annonçant ceux qui figureront en si grand nombre dans Les amitiés particulières. Mais au contraire de Roger Peyrefitte, qui opère un véritable détournement des rites, le frère Joseph n’a pas l’intention de renier ni de moquer le culte catholique.

La lettre du 2 septembre 1869 justifie son amour par l’exemple de saints qu’il place parmi les « grands ancêtres » :

« Mon ami, mon tendre ami, les plus grands hommes de l’antiquité, de nombreux saints, et des plus augustes, ont marché dans la voie où nous nous engageons. Si tu l’ignores, je t’enseignerai ce point d’histoire.[4] »

Le frère Joseph n’est donc pas un renégat, qui se serait éloigné de la foi pour cultiver les plaisirs terrestres ; ni un coupable bourrelé de remords et confessant ses péchés ; mais plutôt un authentique pédéraste chrétien, assumant sans équivoque ni regrets à la fois son amour de Dieu et son amour des garçons.

Un ouvrage précurseur aux origines mystérieuses

Vision positive de la pédérastie

Dans l’histoire de la littérature française, les Lettres amoureuses d’un frère à son élève sont le premier récit qui donne de la pédérastie une image à la fois précise et plutôt positive.

Certes, le caractère et les sentiments du frère Joseph sont imparfaits, parfois critiquables — mais n’est-ce pas le lot de toute chose humaine ? Le jeune enseignant catholique apparaît comme respectable, empreint de solides préoccupations morales, attentif à l’intérêt et aux souhaits de son jeune bien-aimé. Il est aux antipodes des jouissances égoïstes et souvent cruelles du marquis de Sade, ou de la sexualité sordide mise en scène dans de nombreux pamphlets anticléricaux.

Parues en 1878, ces Lettres précèdent d’un quart de siècle les aveux timides d’André Gide dans L’immoraliste (1902), et d’une trentaine d’années un autre ouvrage érotique, Pédérastie active (1907) — deux récits qui porteront également un regard positif sur le désir des hommes pour les garçons.

Mais il faudra attendre près d’un demi-siècle, avec Les faux-monnayeurs (1925), pour qu’un roman décrive à nouveau un amour pédérastique — et non pas seulement des désirs ou des pratiques sexuelles. Encore Gide n’osera-t-il mettre en scène qu’un garçon de seize ans, bien plus âgé que le Marius des Lettres.

Les sources et l’auteur

[à compléter]

Voir aussi

Bibliographie

  • Lettres amoureuses d’un frère à son élève. – Alexandrie [Bruxelles] : [Jules Gay], [1878] (Alexandrie : Durando). – 222 p. ; 17 cm.
    Tirage limité à 50 ex. sur papier du Japon + 450 ex. sur papier vélin. Publié à Bruxelles par J. Gay en 1878, d’après P. Pia, Les livres de l’Enfer, 1998, p. 421-422.
  • Lettres d’un ignorantin à son élève / préf. de Léo Taxil. – Paris : Librairie Anticléricale, 1884. – In-18.
  • Lettres d’un ignorantin à son élève : réimpression conforme à l’original déjà publié en 1884. – Paris : P. Fort, (1899). – Couv. ill. ; in-18. – (Collection anti-cléricale).
    Dessin de couv. par Léon Roze. Le catalogue de l’éditeur porte le titre Lettres amoureuses d’un ignorantin à son élève, ainsi que cette mention : « La mère en défendra la lecture à sa fille, et même le père à son fils ».
  • Lettres amoureuses d’un frère à son élève. – Paris : Bibliothèque des Curieux, 1911. – [6]-VI-192 p. ; 15 × 10 cm. – (Le coffret du bibliophile).
    Tirage limité à 5 ex. de luxe numérotés de 1000 à 1005 + 500 ex. sur papier d’Arches numérotés de 1005 à 1505.
  • Lettres amoureuses d’un frère à son élève. – Paris : L’Astrée, 1956.
    Tirage limité à 990 ex. numérotés.
  • Les lettres amoureuses d’un frère à son élève : revues et toilettées / présentation [et réécriture] [Jean-Claude Féray]. – Paris : Quintes-feuilles, 2006 (Le Mesnil-sur-l’Estrée : Impr. Nouv. Firmin Didot, juin 2006). – 146 p. : ill., couv. ill. en coul. ; 23 × 14 cm. (fr)
    Cette édition ne comporte pas le texte original des Lettres amoureuses d’un frère à son élève, mais une version « revue et toilettée ». En annexe, la “confession d’un pédéraste” publiée par Tardieu et reprise par Léo Taxil dans sa réédition, p. 139-141. – ISBN 2-9516023-7-5 (broché)

Articles connexes

Notes et références

  1. La division du texte en trois parties, réalisée ici pour des raisons de commodité propres à BoyWiki, ne figure pas dans l’œuvre originale. Elle correspond cependant aux trois périodes principales du récit : les grandes vacances, le premier trimestre, et le reste de l’année scolaire.
  2. Éd. Bibliothèque des Curieux, 1911, p. 185-186.
  3. Éd. Bibliothèque des Curieux, 1911, p. 186.
  4. Éd. Bibliothèque des Curieux, 1911, p. 40.