Le premier registre infamant de la Préfecture de police de Paris au XIXe siècle

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Le premier registre infamant de la Préfecture de police de Paris au XIXe siècle, sous-titré « Pédés » et suivi d’un Dictionnaire des noms propres et noms communs les plus significatifs du registre ainsi que d’Annexes, est une retranscription du registre BB4 de la Préfecture de police de Paris, annotée et accompagnée de commentaires par Jean-Claude Féray. Cet ouvrage, publié en 2012 par Quintes-feuilles, est souvent mentionné plus brièvement sous son titre de couverture Le registre infamant.

Établi sous la IIe République, le « registre de pédérastes » BB4 fut suivi au cours du XIXe siècle par le BB5 et le BB6, moins intéressants, mais qui sont tout de même pris en compte dans les notes et commentaires de l’édition de 2012.

Contenu des registres de pédérastes

Les garçons

L’âge des « petits jésus » ou des prostitués mineurs (la majorité étant alors à vingt et un ans) est rarement mentionné dans le registre établi par la Préfecture de police de Paris : celui de Colibri, quinze ans, celui de Ray « qui a eu la cristaline[1] à 15 ans », et celui de Bariski, seize ans, constituent des exceptions.

L’âge exact de Martin « le petit fumiste » (surnommé ensuite « la badigeonneuse ») n’est pas connu ; cependant il a commencé très jeune, puisque Delahaie le procure à Victor Dutoyat qui n’aime « que les enfants » ; il a couché aussi avec Delahaie, Pauchet, etc.

Mais certains des garçons évoqués dans le Registre ne se prostituaient peut-être pas :

  • Édouard Clause, quinze ans, a simplement reçu des propositions de Claude Pagaut.
  • Jules Duvivier, quatorze ans, a accepté de masturber Jean-Claude Gelot pour cinquante centimes : on ne sait si cette activité lui était habituelle.
  • Fusil est le surnom d’un apprenti « âgé de 14 à 15 ans », avec lequel Charles Alphonse Denis entretient des relations.

Les amateurs de garçons

La police de l’époque ne distinguait pas les personnalités intéressées par les jeunes garçons des autres personnalités étiquetées « pédés » au sens large, souvent désignées comme « tantes » et dont le nom et le signalement sont portés dans le registre. Elle mentionnait néanmoins parfois, parmi d’autres particularités, un intérêt notable concernant les « mômes », de sorte qu’il est possible de repérer, sur la centaine de noms du premier registre, quelques amateurs de jeunes garçons.

Ainsi, sont mentionnés, sans qu’ils fassent l’objet d’une monographie dans la partie « Dictionnaire » du Registre infamant :

  • Le libraire Alvarez, marié et père de famille, à qui le tailleur Matré aurait permis de « faire des passes » avec des jeunes garçons.
  • Le rentier Arbrique (ou Abrique), « une tante qui lève des mômes ».
  • Le baron Chaléon qui entretenait des « jésus » et auquel Lagarenne, employé à l’administration des postes, « procurait des petits garçons ».
  • L’abbé Camille David, ancien aumônier de collège, condamné pour outrage public à la pudeur sur un garçon de quatorze ans.
  • Decrousse, marchand de gaufres lyonnais, qui « amène la nuit des mômes coucher avec lui ».
  • Le teinturier Charles Alphonse Denis a des relations, parfois contraintes ou violentes, avec des garçons entre quatorze et dix-huit ans.
  • Le menuisier Duhamel, à qui « la Pépée procure des mômes ».
  • Durand, bien que marié, « rôde au Luxembourg pour lever des petits garçons ».
  • Le maçon Victor Dutoyat, « un effréné pédéraste, n’aimant que les enfants », vit avec un garçon de neuf ans, qu’il héberge depuis trois ans ; il a fréquenté aussi les jeunes Colibri et Martin le petit fumiste.
  • Jean-Claude Gelot, arrêté en même temps que Jules Duvivier, quatorze ans, le second ayant accepté de masturber le premier pour cinquante centimes.
  • Le libraire Grand « est un pédéraste débauchant les jeunes mineurs ».
  • Louis Lagaray (ou Agaray) est un vieux pédéraste à qui Delahaie fournit « des jeunes mineurs ».
  • Isidore François Lerendu, « pédéraste qui a levé deux mômes de 12 et 13 ans et les a emmenés chez lui ».
  • Claude Pagaut a fait « des propositions honteuses au jeune Clause, Édouard, âgé de 15 ans ».
  • Pauchet a vécu un temps avec Martin le petit fumiste.
  • Rivoir, surpris au Jardin des plantes pour avoir mis son membre à nu « dans la main d’un petit garçon de 12 ans environ ».
  • Eugène Joseph Yvert (ou Ivert), à qui un tapissier « procure de jeunes garçons ».

Les intermédiaires

On remarque avec intérêt la profession officielle de divers proxénètes : tailleur, postier, tapissier…

  • Chottin, dit « la Chottin », a été « condamné à 2 ans de prison pour avoir favorisé la débauche de jeunes garçons ».
  • Delahaie a procuré des jeunes mineurs, dont Colibri et Martin le petit fumiste, à Victor Dutoyat et à Louis Lagaray.
  • Lagarenne, employé à l’administration des postes et « procureur de mômes », en fournit au baron Chaléon.
  • Le tailleur Matré reçoit le libraire Alvarez, « auquel il aurait procuré un petit garçon pour faire une passe ».
  • Félix Rigodin, dit « la Pépée », proxénète qui « procure des mômes » à Duhamel.

Dictionnaire

Font l’objet d’une monographie dans la partie « Dictionnaire » du Registre infamant :

Par ailleurs, si le nom du compositeur Hervé (Florimond Ronger) n’est pas inscrit dans le registre de la préfecture de police de Paris, son affaire (détournement d’un garçon de douze ans) fait l’objet d’une monographie en raison de son traitement exactement contemporain de celle du chanteur d’opéra Alexis Dupont dont le nom figure, lui, dans le Registre. Les deux artistes furent du reste arrêtés par le même policier.

Annexes

Voir aussi

Édition

Articles connexes

Notes et références

  1. Le mot cristalline fait l’objet d’une entrée dans la partie « Dictionnaire » du Registre infamant, en raison des changements de sa signification au cours des siècles. Après avoir d’abord désigné, au XVIIe siècle, une maladie vénérienne de nature le plus souvent syphilitique, le mot a ensuite désigné les vésicules d’herpès préputiales ou vulvaires, pour prendre au XIXe siècle la signification presque exclusive de chancre syphilitique à l’anus. C’est ce sens qui est attesté dans les registres de la préfecture de police de Paris.