La pédophilie en question (texte intégral) – 0-2

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PRÉFACE



La pédophilie se compte parmi les derniers tabous de notre vingtième siècle finissant. À peine ce mot est-il prononcé, que les passions se déchaînent et, comme souvent dans les débats ultra-sensibles l’objectivité s’y fait rare. Car, dans un état passionnel, l’émotion l’emporte trop facilement sur la raison.

Nous nous réjouissons de la publication de ce livre collectif dans le cadre d’une jeune maison d’édition, LUMIÈRE & JUSTICE, qui n’a pas peur d’aborder des sujets un peu scabreux (la sexualité dans les prisons, la transsexualité, les couples homosexuels et lesbiens, etc.).

Personne ne pourra lire ce livre sans se sentir interpellé, voire choqué à certains moments, tant les auteurs viennent d’horizons très divers et abordent le sujet à partir d’angles différents. C’est certainement le mérite du Pasteur Doucé de n’avoir pas voulu se contenter d’un seul son de cloche.

Personnellement, il me semble que le pédophile est en manque d’enfance. Je fais une distinction car je considère le pédophile, et non le pédéraste. Celui-ci jongle avec la puberté, c’est « autre chose », une sorte d’homosexualité exquise, un goût invincible pour le corps neuf et mince de l’adolescent… Par contre, le pédophile est malade de l’enfance impubère, en mal d’enfant : c’est plus fort, plus grave, insoluble.

Que des pédophiles témoignent dans ce livre est en soi un risque, mais c’est aussi un besoin irrésistible. Donner la parole aux anonymes, aux « sans grades » de la délinquance sexuelle, aux solitaires, enfin, pour que des choses vraies (vécues) soient dites, à l’état brut, sur la face cachée de la perversion. La face visible est dédouanée, immunisée par la notoriété de quelques pédophiles connus et impunis. Ceux-là écrivent des textes très beaux et très sexuels sur l’enfant-amour, certes, mais il leur manque à l’évidence une dimension essentielle à toute vérité à propos de la pédophilie : la trouille.

Il ne fait pas de doute que derrière le masque bariolé de la joie et de la séduction, en amont du besoin de jouir face à l’enfant de moins de onze-douze ans, s’opère un épouvantable travail de deuil. Un travail de règlement de comptes avec sa propre enfance évidemment, face à face avec le souvenir du père invisible, violemment interpellé par une sexualité d’homme mûr sans maturité : l’angoisse. L’enfant des autres est là pour réparer cette injustice, pour tenter sa chance, pour ne pas devenir homosexuel, pour gagner sa part d’amour. Outre le fait que tous les mythes la disculpent, la femme pédophile est donc « théoriquement » introuvable puisque de l’enfant, elle, elle en produit, elle en est. S’il y a chez elle érotisation « perverse » de jeunes proies, l’enjeu est moins nocif, le péché moins impardonnable. Pour le pédophile masculin, à l’opposé, c’est une question de vie ou de mort.

C’est bien là toute l’affaire, du reste, des perversions, en marge de toute critique militante ou philosophico-esthétique du Droit, de l’injustice des sanctions, de l’imperfection des critères diagnostiques ; au-delà de certaines limites d’ordre moral, l’expérience de la jouissance n’est plus un plaisir parce qu’elle devient une obligation.

Si j’emploie dans ce texte les mots « pervers » et « perversion », il ne faut pas les comprendre dans un sens péjoratif, selon la résonance qu’ils prennent dans l’usage courant de la langue française. Par « perversion », j’entends toute forme de sexualité déviante par rapport à l’acte sexuel considéré comme normal (hétérosexuel et génital). Freud, on le sait, n’était pas loin de considérer le baiser comme pervers, la bouche étant conçue pour remplir d’autres jonctions que celle érotique. C’est donc dans le sens psychanalytique du terme, tel que nous l’avons reçu de l’héritage freudien, que le mot est utilisé ici.

Tous les « pervers » se désignent eux-mêmes comme des êtres en lutte, face aux autres, face à leur fonctionnement sexuel, un combat sans enjeu car leur choix érotique est définitivement arrêté. Ce n’est donc pas pour moi la fréquentation des marges extrêmes des conduites sexuelles humaines qui désigne la perversion, c’est de ne pas pouvoir en revenir, ne pas pouvoir jouir autrement. Une telle marginalité n’a pas besoin d’être montrée du doigt pour exister, les intéressés se connaissent bien, ils savent bien qu’ils n’ont pas d’autre issue que la clandestinité… ou la chasteté, mais la chasteté c’est le début de la mort. C’est donc cette plainte-là qu’il faut entendre, ces témoignages autocritiques qu’il faut retenir, et non pas se contenter d’observer « de l’extérieur » ces êtres que les enfants seuls réussissent à émouvoir. Vue du dehors, leur passion est condamnable, un point c’est tout. Est-ce bien constructif ? Commençons, en revanche par les écouter et par deviner l’univers amoureux qu’ils explorent. C’est ici l’objet principal de ce livre. Par la suite, après avoir compris que les pédophiles ne sollicitent ni notre tolérance ni notre agressivité, nous pourrons faire état de notre réflexion (en vain du reste) et leur suggérer par exemple, que l’enfant n’y trouve pas son compte de liberté dans cette affaire, que toutes les Sociétés Humaines ont inventé la frustration pour que la sexualité soit plus dangereuse à vivre, bref, que la liberté sexuelle est introuvable.

Nous sommes tous des otages de l’érotisme. Aucune extravagance, aucun combat idéologique ne peut produire l’état de grâce. Cette humiliation passe généralement inaperçue chez la plupart des individus qu’un « S.M.I.C. » sexuel suffit à contenter toute une vie durant, mais c’est elle, qu’on le veuille ou non, qui nous oblige à fraterniser avec tous les acteurs, quels qu’ils soient, de l’érotisme. Les pédophiles n’en sont pas moins « maudits » car cette solidarité de principe ne suffit pas à gommer les systèmes de pouvoir qui gèrent la sexualité. Comme la pédophilie fait injure à l’autorité symbolique du père, impossible de négocier, on sanctionne.

En fin de compte, toute la question est de savoir comment trouver son bonheur sous la menace : certains ne peuvent pas s’en passer, c’est pour cela que l’on peut rencontrer des pédophiles heureux !

Que ce livre, donc, aide à ouvrir un réel dialogue, conduise à une sérieuse réflexion aboutissant à une meilleure compréhension d’un phénomène qui, ne pouvant d’évidence être éliminé, serait peut-être canalisé dans la mesure où la société contemporaine parvenait à un meilleur équilibre. La qualité des signatures, aussi bien de pédophiles eux-mêmes que d’auteurs, au regard souvent fort différent et aux vues parfois très audacieuses sinon judicieuses, empêcheront que ces réflexions ne restent au niveau de la sensation et du parti pris toujours tendancieux. Tout cela apportera une contribution positive à une évolution des mentalités vers plus de respect des personnes et des sentiments, gage d’une société vraiment démocratique et humaniste.


Docteur Jacques WAYNBERG,
Président de l’Institut de Sexologie,
Paris, octobre 1987.



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Table des matières
Page de titre. En exergue
Remerciements, par le pasteur Joseph Doucé
Sommaire
Préface, par le docteur Jacques Waynberg
Introduction, par le pasteur J. Doucé
I. Témoignages
1) Fragments d’un discours impossible, par Hugo Marsan
2) Interview d’Antonio, par le pasteur J. Doucé
II. Juridique
1) Les relations sexuelles des mineurs selon le droit français, par Pierre Lenoël
2) Pédophilie et responsabilité, par Anneke S. C. Visser
3) La pédophilie en Italie, par Piergiovanni Palminota
III. Dr Edward Brongersma
Biographie du docteur Edward Brongersma
a) Un autre regard
b) L’adieu
c) Un pionnier : Hajo Ortil
d) Le consentement de l’enfant
e) Les pédophiles et la Justice
f) Pornographie et législation
g) Le pédophile devant ses juges
h) Jeunesse et sexualité
i) Pères et fils
j) La situation aux Pays-Bas
IV. Psychologie
La pédophilie : quelques réflexions, par le pasteur J. Doucé
V. Christianisme et pédophilie
L’Église et les pédophiles, par le pasteur J. Doucé
Documents :
a) Lettre aux pasteurs de paroisse d’Églises protestantes néerlandophones de la Belgique, par le pasteur Thijs Weerstra
b) La pédophilie : menaçante ou… non comprise, par le pasteur T. Weerstra
c) À propos de l’enfant, de la sexualité et de la Bible, par le pasteur T. Weerstra
d) Groupe de travail œcuménique pédophile en Flandres
e) Le processus de l’autoacceptation
Vers une pastorale des pédophiles, par le pasteur Alje Klamer
VI. Littérature et pédophilie
Littérature et pédophilie, par Gérard Bach
VII. Aspects du mouvement pédophile
Aspects du mouvement pédophile, chapitre collectif
VIII. Bibliographie et dossier de presse
Bibliographie et dossier de presse
IX. Annexes
a) Index des noms cités
b) Chez le même éditeur
c) Information : C.C.L.
4e page de couverture

Voir aussi

Source

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