Les Buttes-Chaumont (Maurice Balland)

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Les Buttes-Chaumont est une nouvelle pédérastique de Maurice Balland.





LES BUTTES-CHAUMONT



Le parc des Buttes-Chaumont est assurément le plus pittoresque des jardins de Paris, et paraît-il de la plupart de ceux des villes de France. C’est possible, Eugène qui aime s’y promener ne pourrait se prononcer, n’ayant pas parcouru tout le pays. En tout cas, depuis qu’il demeure non loin de ce parc, il y vient souvent quelle que soit la saison. La multitude des essences végétales fait qu’en hiver il y a toujours de la verdure. Au printemps, c’est un charme pour les yeux de voir les feuilles sortir de leurs bourgeons, puis grandir en passant par toutes les nuances du vert, des claires aux plus sombres. En été, le site est agréablement rafraîchi par les vents qui se heurtent contre la colline. Quant à l’automne, la très riche palette de couleurs où domine le ton rouille des feuilles jaunissantes tente de nombreux peintres.

Pour Eugène, c’est un autre aspect du parc qui le tente. Une abondante jeunesse s’y ébat en toute saison. En temps scolaire, de nombreux groupes d’enfants des écoles voisines, accompagnés de leurs maîtres et de leurs maîtresses, y passent les heures prévues pour des activités de plein air. Durant les congés, ce sont des enfants de garderies qui viennent avec leurs moniteurs. Sans compter des jeunes du quartier qui s’y retrouvent en bandes de trois ou quatre, même plus, et qui parviennent à se distraire entre eux. Il y a encore les enfants de tous âges qui accompagnent sagement leurs parents, ceux-là on les voit de préférence le dimanche lors des sorties familiales. Lorsqu’il aperçoit un grand garçon de quinze-seize ans, marcher entre papa et maman, Eugène le prend quelque peu en pitié. « Tiens, se dit-il, en voilà encore un que l’on tient en laisse ! »

En plusieurs endroits du parc, des distractions attirent les enfants : manèges de chevaux de bois, balançoires, aires de jeux avec portiques, guignols, et d’autres encore. Il a même été aménagé, vers la partie haute du parc, une piste pour le patinage à roulettes. Elle a servi durant un certain temps, mais, insuffisamment entretenue et pleine de bosses, elle est maintenant désertée des patineurs et sert à des jeunes qui y font quelques exercices d’athlétisme en utilisant les barres qui délimitent la piste. Eugène les regarde lorsqu’il passe. Beaucoup sont des gars de seize-dix-sept ans ou plus, en short, et quelquefois torse nu, essayant de développer leurs pectoraux ou les muscles de leurs jarrets.

Il y a certainement de la vie et de la jeunesse dans le parc. Eugène regrette seulement qu’il soit difficile de rencontrer un garçon seul pour pouvoir l’aborder afin d’essayer d’engager une conversation avec lui. Il aime s’entretenir avec des jeunes, mais il ne tient pas tellement à les approcher lorsqu’ils sont en groupe car alors il devient difficile de dominer une discussion, surtout lorsqu’on ne connaît pas ses interlocuteurs au départ. Sans doute, on peut partir de sujets bidons, puis enfin mettre le doigt sur les préoccupations des adolescents. Mais il y a des thèmes que l’on ne peut entamer sans risque car les jeunes sont vite prêts à rire bêtement lorsqu’on y fait allusion.

Eugène ne désespère pas. Il vient souvent dans le parc. Quelquefois chaque après-midi à certaines époques de l’année lorsque ses occupations le permettent car il dispose de son temps presque à sa guise maintenant qu’il est en retraite et assure des travaux à mi-temps pour occuper ses loisirs et améliorer quelque peu ses ressources.

Il se dit, qu’à force de venir, il finira bien par apercevoir un garçon qui également vient seul presque tous les jours, ou du moins assez souvent pour arriver à le repérer. Il fera en sorte de le croiser plusieurs fois afin d’attirer son attention.

À chaque venue, il parcourt le même itinéraire lui permettant de prospecter le parc dans tous les sens. Il fait plusieurs fois le tour du lac, explore la grotte et la cascade, remonte vers le pont de briques qu’il traverse pour aller au belvédère, puis redescend les marches conduisant à la passerelle suspendue, et se retrouve vers l’entrée principale. Il poursuit sa promenade dans la partie longeant la rue de Crimée, puis en allant vers la pointe supérieure du triangle que forme le parc, de l’autre côté du carrefour de la Colonne.

À certains jours, il commence sa tournée dès le début de l’après-midi. À d’autres, il vient un peu plus tard. Jamais trop tard cependant, car, en fin d’après-midi, la plupart des gens et des enfants rentrent chez eux. Sans doute, en été, il en est qui restent un peu plus longtemps, mais pas tellement. Pourtant, durant les soirées d’été le parc est agréable, l’air y est plus frais et il n’y a pas beaucoup de monde surtout maintenant que les gens sortent moins le soir à cause de la télévision.


Aujourd’hui, Eugène a été pris tout l’après-midi pour des visites importantes qu’il a eu à faire dans Paris. Il a l’idée, à son retour de passer par le parc, bien qu’il se fasse déjà bien tard. On est en plein cœur de l’été, et il pense ainsi profiter d’un peu de fraîcheur sous les frondaisons avant de rentrer chez lui.

Il monte vers le belvédère, la délicieuse construction en rotonde qui reproduit le temple dit de la Sibylle à Tivoli, en Italie. Il aime venir là car on y a une belle vue sur Montmartre et le Sacré-Cœur qui domine les toits de Paris. En ce début de soirée, la basilique ordinairement blanche apparaît dorée sous les rayons du soleil couchant. Un garçon est encore là malgré l’heure tardive. Accoudé à la balustrade qui entoure le temple, il contemple le paysage. Eugène sent un petit choc au cœur et comme un remous au plus profond de ses entrailles. Enfin, un jeune garçon seul et personne dans les parages. Il va pouvoir l’aborder.

Comment entamer la conversation ? Il aperçoit un graffiti sur le haut du massif de pierre au centre du belvédère. C’est la première fois qu’il le voit, il n’y était pas les jours précédents, il est donc récent, d’ailleurs, il paraît tout frais.

Le montrant au garçon, il fait la remarque :

— Tiens, il n’y a pas longtemps que l’on a écrit cela. Tu as vu ?

Et il lit :

— « Si l’ennui était mortel, l’école serait un cimetière. » C’est fameux, tu ne trouves pas, qu’en penses-tu ?

— C’est tout à fait ça. Il y a des fois qu’on s’ennuie terriblement en classe.

— C’est toi qui l’as écrit ?

— Oh, non. C’est des gars et des filles qui étaient là tout à l’heure et qui sont partis maintenant.

— Tu étais avec eux ?

— Non, je viens tout seul au parc. J’aime y venir avant de rentrer à la maison.

— Tu aimes la solitude ?

— Oui, un peu, et puis à cette heure-ci il n’y a plus grand monde. Vous savez, je n’aime pas rencontrer n’importe qui.

Eugène pressent qu’il va enfin pouvoir engager un dialogue intéressant, d’autant que ce garçon, presque un enfant encore, est asiatique, à voir son visage, et qu’il n’a jamais eu l’occasion d’en rencontrer pour discuter avec eux et connaître leur façon de résoudre les problèmes de leur intimité.

Puisque l’occasion se présente, il va essayer. Il arrive à savoir que ce jeune est japonais et qu’il est en France depuis sa tendre enfance, son père étant dans une société d’import-export. Il parle en effet très bien le français. Mais ses parents ont tenu à ce qu’il connaisse bien sa langue culturelle d’origine. Il prononce quelques mots en japonais pour le prouver à son interlocuteur.

Eugène lui demande comment est son nom, un nom japonais certainement. Le garçon le lui prononce.

— Voudrais-tu me l’épeler, ou plutôt écris-le sur cette page de mon carnet.

Il lit : « Hideto Zisiku »

— Hideto, c’est ton prénom ?

— Oui, et Zisiku mon nom. Ça y est, vous aussi, vous allez rigoler.

— Non, je ne me moquerai pas, mais tu avoueras que ça fait drôle.

Le garçon rit franchement et ajoute :

— Oui, ça fait drôle en français. Mais pas du tout en japonais. Mes copains en classe se moquent parfois, et insistent faisant remarquer que le zizi et le cul sont deux parties du corps toutes proches l’une de l’autre. Et ils me disent que je dois avoir un fameux zizi avec un nom pareil.

Eugène n’ayant pas espéré un tour si rapide de la conversation use alors d’audace :

— Sans doute, mais il faudrait le voir pour s’en rendre compte.

Sans plus de façons, le garçon alors lui fait signe de le suivre dans un fourré voisin et là met en évidence l’objet à constater.

Eugène ne peut réprimer son étonnement. Le garçon est bien pourvu, sans aucun doute, mais d’un organe et de ses annexes relativement petits quoique bien formés et fermes déjà comme pour un jeune en fin de puberté.

— Quel âge as-tu donc ?

— Dix-sept ans.

— Mais je t’en aurais donné seulement quatorze.

Véritable asiatique, le garçon sourit de ce sourire ineffable caractéristique de sa race. Ses yeux bridés se plissent malicieusement, ses pommettes se font plus saillantes et son nez légèrement épaté devient plus camard. Un visage de Bouddha exprimant une immense satisfaction.

— Je suis japonais, et chez nous ordinairement les gens ne sont pas grands, du moins jusqu’à présent car ça commence à changer depuis la dernière guerre.

Eugène se souvient d’avoir lu quelque part qu’en effet les Japonais, race de gens menus, avaient des petits zizis, de même les femmes, par symétrie, un trou étroit pour les recevoir. Cela étant dû paraît-il au fait que durant des siècles les générations successives furent habituées à s’asseoir toujours à terre sur leurs jambes repliées, ce qui entraîna une sorte d’étroitesse de la région du périnée et une relative réduction des organes qui y sont situés. De nos jours les choses changent, une évolution se fait car ce peuple adopte des modes de vie à l’occidentale.

Curieux d’en savoir plus, Eugène demande au garçon s’il éprouve le plaisir comme les occidentaux.

— Pourquoi pas, essayez voir.

Conservant son masque asiatique autant qu’énigmatique, le Nippon laissa manipuler son intimité jusqu’au moment d’éprouver la jouissance. Eugène put constater que tout japonais qu’il fût, il n’était pas en reste et pouvait tout aussi bien fournir une abondante giclée de liquide fécondant.

« Après tout, pensa-t-il, c’est normal, sans quoi les Japonais ne se seraient pas perpétués… »


Curieux de mieux connaître son partenaire, il demanda au jeune homme, car ce garçon était bien déjà un homme, s’il avait fait d’autres rencontres semblables au parc des Buttes-Chaumont.

Celui-ci fort ingénument lui répondit qu’il venait précisément à cette heure tardive car il était toujours sûr d’y rencontrer quelque adulte en recherche d’un jeune pour une prospection à caractère intime.

Eugène n’en crut pas ses oreilles. Lui qui cherchait et restait sur sa faim durant les après-midi, était loin de se douter que l’on pût trouver des jeunes garçons de treize à quinze ans à des heures où ils sont supposés être rentrés sagement à la maison, faisant leurs devoirs ou encore plantés devant la télé.

Il se promit de modifier ses habitudes afin de profiter ordinairement des fins d’après-midi ou, en été, des soirées, pour de fructueuses randonnées à travers le parc des Buttes-Chaumont.


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Table des matières
LEÇONS PARTICULIÈRES
nouvelles
 
LES DEUX COPAINS
nouvelles
Deuxième série
   
Leçons particulières Les deux copains
Ne suis pas n’importe qui !… Vous reviendrez demain ?
L’apprenti Un papa heureux !
C’est vraiment mieux ! Manoel
Enfant de cœur ! Le laveur de pare-brise
Sortis du tunnel ! Dominique
Droits de l’Homme ! Le gars de la colonie
Chassé-croisé Un moyen de communiquer !
Mon maître Les Buttes-Chaumont
Le boulevard nous sépare… On a commencé par la queue !
Le garçon dans la nuit Vacances en Angleterre
La fugue Je ressemble à papa !
Le camp de jeunesse Au musée
La Villette L’Espagnol
La relève Ce n’est pas dans l’ordre !

Voir aussi

Articles connexes