Hervé (Maurice Balland) – IX

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IX




Hervé espère travailler plus tard aux ateliers de mécanique de la Manufacture où son père est ajusteur. Afin de préparer l’école des apprentis, après les vacances, il est entré, contrairement à l’attente du directeur de l’école des frères, au collège technique municipal Lavoisier. C’est en raison de leurs convictions de militants chrétiens que ses parents le placèrent au collège, jugeant préférable de le voir en pleine pâte humaine pour y témoigner sa foi, plutôt que de le laisser en serre chaude dans une école religieuse.

Le curé de Sainte-Thérèse, l’abbé Nicolas, curé de choc, les avait encouragés dans ce sens, rassuré qu’il était de savoir que le garçon fréquentait les pères de la communauté de la rue de la Victoire. Le couvent étant sur le parcours suivi par Hervé pour aller au collège, il lui sera facile de continuer à voir le père Albin qui a une si heureuse influence sur lui. N’ayant pas le temps de s’occuper personnellement du fils Morin, l’abbé Nicolas comptait donc sur le religieux pour épauler efficacement le garçon quand celui-ci sera en pleine crise d’adolescence, période si préoccupante, comme l’on sait, pour les parents et les éducateurs.

Effectivement, s’il ne lui fut pas toujours possible d’aller au couvent le jeudi comme lorsqu’il fréquentait l’école communale de la cité, Hervé profita des jours où les classes se terminaient plus tôt dans l’après-midi pour le faire et prit l’habitude de voir son ami en revenant du collège.


Quelques semaines après la rentrée, il arrive ainsi un mardi accompagné d’un camarade de sa classe, Louis Perrot, qui demeure dans la Cité des Fleurs, au-delà des casernes. Garçon un peu plus grand que lui, assez râblé et costaud, mais avec un visage exprimant une certaine amertume qui lui donne un air triste. « Un garçon à problème », pense le père en le recevant.

La conversation à peine engagée, on devine un être inquiet. Il parle de sa famille et précise qu’il est fils unique. Il se sent bien seul à la maison, et c’est pourquoi il est sans cesse à la recherche de camarades. Mais ce n’est pas facile, il vient encore de changer d’école, alors, il lui a fallu en trouver d’autres. « J’ai eu de la chance, fait-il remarquer, j’ai tout de suite trouvé Hervé. Avec lui je m’entendrai bien. »

À la maison, tout ne va pas à souhait. Sa mère, assez rude personne, fait des ménages, ce qui la fatigue beaucoup. Elle y est obligée parce que son mari, le père de Louis, ne gagne pas assez comme manœuvre dans une entreprise de maçonnerie.

Pendant la conversation, Hervé se demande comment aider son copain à parler de ce qui le préoccupe le plus. Il réfléchit, ses sourcils prennent la forme caractéristique du V. Il a trouvé : « Si on allait au grenier, Louis aimerait voir un film. » Il est certain que là, après quelques tapes amicales reçues sur les fesses, il se déboutonnera !

Sitôt dit, sitôt fait. En cours de projection, le père Albin dirige la conversation et le garçon répond à peu près à ses questions. Il arrive à savoir que ses parents sont jeunes encore. Son père avait à peine dix-neuf ans à sa naissance. Il le sait parce que chaque fois que ses parents se disputent, il entend son père crier : « J’ai fait une connerie quand je t’ai flanqué un gosse à mes dix-huit ans. » Louis se croit donc coupable de la mésentente entre ses parents. Le père Albin le rassure : « Mais, non, tu n’y es pour rien. Ce n’est pas de ta faute si tu es sur terre. Assurément, tu existes en raison de la connerie de ton père, il n’empêche que tes parents t’ont quand même accepté et tu es là, vivant ! » Louis reconnaît que sa mère l’aime bien. Lui aussi a de l’affection pour sa maman.

Le garçon prend de l’assurance à mesure qu’il ouvre son cœur. Ce père est vraiment sympa de l’écouter. Il est si rare de trouver à qui parler. Peu sont disposés à prêter volontiers l’oreille et tant d’autres vous rabrouent, se moquent de vous. Ici, la présence d’Hervé ne le gêne pas, il a confiance en lui, la preuve, c’est qu’il a bien voulu le suivre pour voir le père, bien qu’il ne soit pas du quartier. Il est vrai que la Cité des Fleurs n’est pas tellement loin : « Mais ça fait tout de même un crochet pour venir ici », fait-il remarquer.

Par une tape amicale sur la joue, le père le félicite en quelque sorte et l’invite à parler encore.

Louis en arrive à exposer ce qui le tourmente depuis longtemps et qu’il n’a jamais osé révéler à personne. « Je n’en puis plus, ça me rend malade, dit-il enfin, je suis continuellement en train de bander. Ça me fait honte. J’ai toujours peur qu’on s’en aperçoive et c’est pour ça que je porte des pantalons comme celui-là. »

De fait, le père avait remarqué son pantalon de velours qui lui fait un gros derrière et boursoufle sur le devant rendant impossible de se faire une idée de la présence ou de l’importance de son sexe. Pourtant, à voir la corpulence du garçon assez en avance sur son âge, il doit certainement être formé et garni d’une monture avantageuse. Affublé d’un tel vêtement, il manque totalement d’élégance et il a l’air balourd. Louis redoute aussi de se mettre en short pour la gymnastique dont il sèche les séances autant qu’il peut, mais il ne lui est pas toujours facile de trouver des excuses valables. Le soir, à la maison, c’est pire encore quand il est en pyjama avant d’aller se coucher. Il n’ose embrasser son père qui se moque de lui : « Baisse ta queue, garçon, me dit-il, sans quoi tu feras des conneries comme moi ! » Bien sûr, son père ne le dispute pas, mais ça le vexe quand même.

« Comment faire ? » demande-t-il au père Albin. « Je ne peux pas m’en empêcher. Au lit, c’est épouvantable, ça me démange terriblement au bout. Alors, je frotte dessus et ça me secoue presque tous les soirs. Bien sûr, ça fait une drôle de jouissance, mais après je dors mal et ça me fatigue. Je n’ose pas le dire à ma mère. Et puis, elle n’a pas le temps de s’occuper de moi. »

Le garçon a certainement eu du courage pour exprimer un tel désarroi. La gentillesse d’Hervé, la bienveillance de son interlocuteur, l’ont aidé. Le père Albin commence à se faire une idée de la cause de tels tourments et promet à Louis de l’aider à résoudre son problème, mais il lui faudrait un complément d’information. Montrant du doigt la braguette de Louis, il lui dit : « Tu permets que je regarde ? »

Interloqué, le garçon tourne la tête vers son copain. Lui faudrait-il se déculotter devant le père ? « Je n’oserai tout de même pas », lit dans son regard Hervé qui aussitôt le rassure :

— Vas-y, tu vas voir, je te l’ai dit, il va t’arranger ça et tu seras mieux après.

L’intuition du père s’avère juste. Il décèle en effet que Louis est affligé d’un phimosis des plus gênants qui soient et il explique au garçon que ses maux proviennent de cette malformation. À titre de démonstration, il demande à Hervé de montrer sur lui-même comment on doit décalotter, ce qui fait béer Louis d’admiration et demander comment il pourrait parvenir au même résultat.

La solution est simple, mais le moyen d’y parvenir compliqué. Comment obtenir de le faire opérer ? Il y a eu une visite médicale au collège lors de la rentrée scolaire, et pourtant le médecin n’a rien remarqué. A-t-il d’ailleurs porté attention aux parties sexuelles des enfants ? La crainte de les étonner sans doute ! Il n’y a donc rien à espérer de ce côté-là. Le père explique qu’il ne peut s’entremettre auprès des parents de Louis. Ce serait risqué. Comment réagiront-ils à l’idée que le religieux a fourré son nez dans la culotte de leur fils ? Il y aurait un beau tapage ! Ce n’est pas davantage le rôle d’Hervé pour une telle démarche. On le traitera de polisson et les deux enfants risqueront une raclée. Louis ne dira rien à son père qui le terrorise. Il reste sa mère à qui il osera parler, mais l’écoutera-t-elle ?

Hervé se creuse les méninges. Voilà que ses sourcils se mettent encore en V : il va trouver ! Ça y est !

— À la maison, quand tu iras pisser, tu diras que tu as beaucoup mal. Quand tu seras aux chiottes, si ta maman est dans la cuisine, tu n’as qu’à crier. Elle finira bien par avoir peur et elle te mènera au médecin.

Les garçons partis, le père Albin réfléchit sur cette nouvelle aventure : « Encore une drôle d’histoire ! » Il est toutefois émerveillé de la rapidité avec laquelle les enfants se comprennent entre eux et sont prêts à s’entraider. C’est qu’ils ne sont pas encore encombrés des préjugés qui empoisonnent les relations entre adultes. Hervé avait remarqué la tristesse de Louis et essayé d’en connaître la raison. Sans façon, il avait alors estimé que son ami serait capable d’écouter, de comprendre, de trouver une solution au problème de son copain. Une sorte d’apostolat par l’amitié avait-il ainsi accompli, et répondu de cette façon à l’espoir de ses parents dans le choix du collège municipal pour la poursuite de ses études.

Deux semaines après, Hervé apprit au père que tout avait marché comme il avait prévu et que Louis venait d’être opéré :

— Il est vachement content, vous savez, il reviendra vous voir.

— J’en serai heureux, et j’espère qu’il sera plus épanoui.

La conversation roula ensuite sur la colonie de vacances, Hervé ayant gardé tellement bon souvenir du mois passé à la mer. Ils échangent leurs impressions au sujet de l’un ou l’autre des garçons. Le père aimerait savoir ce qu’il pense de Bernard Landry qui demeure dans sa cité. Hervé s’esclaffe :

— Ah, oui, le gros béni-bouffe-tout !

— Comment cela ?

— Oui, celui qui mangeait comme quatre au réfectoire. Et, continuellement aussi, il suçait des bonbons et boulottait du chocolat.

Le père comprend pourquoi ce garçon a mordu si aisément à l’hameçon. Hervé continue sa description :

— C’est pas un mauvais gars. Il habite à l’autre bout de la cité. Je le vois de temps en temps, surtout le dimanche à la messe car il est enfant de chœur. Autrement, ce n’est pas facile puisqu’il va à Saint-Jean. Mais, si vous désirez le voir, je vous l’amènerai un jeudi. Je crois qu’il marchera, mais il faudra lui donner du chocolat.

Étonnante intuition d’Hervé ! Il devine que son ami n’est pas resté indifférent à Bernard et que celui-ci se laissera volontiers amener au couvent. Comme il n’est pas jaloux, il s’arrangera pour cela sans tarder.

Avant de partir, il reçoit sa ration habituelle de plaisir. Satisfait, il attire l’attention de son ami :

— Oh, regardez bien au bout, il y a une petite goutte !

— C’est vrai ! D’ailleurs, tu as aussi davantage de poils. C’est que tu forcis, mon garçon, et désormais tu jouiras de plus en plus fort.

Ils s’embrassèrent.


Le soir, avant de se mettre au lit, le père songe à cette rencontre de l’après-midi. Une fois de plus il admire l’esprit intuitif de son petit ami. Pourtant, un peu d’inquiétude pointe en son âme : s’il trouvait Hervé bien aventureux de lui amener facilement des copains, voilà que lui-même maintenant se sert du garçon comme intermédiaire pour en attirer certains de son choix… Certes, il est suffisamment prudent, mais c’est quand même risqué. Sans doute, les garçons ont l’air de bien tenir leur langue… Oui, mais sait-on jamais !

Le père Albin a conscience de faire tant de découvertes précieuses sur le comportement et la psychologie des adolescents que pour lui le péril s’estompe, paraît irréel, et il se persuade : « J’acquiers une expérience peu commune. Après tout, aucune découverte audacieuse n’a été faite sans risque. Les explorateurs ont bien souvent frôlé le danger… »

Et il s’endort sans omettre de se confier à son ange gardien…


Après être totalement guéri, Louis vint sans tarder revoir le père en compagnie d’Hervé. Déjà, il avait changé de visage. Plus souriant et épanoui, il avait aussi pris quelques couleurs, signe d’une transformation physique s’opérant en lui. En outre, il n’a plus son affreux pantalon de velours et porte un vêtement plus léger, plus seyant, assez ajusté même, comme si devenu coquet, le garçon entendait maintenant mettre en valeur les lignes de son corps, conforme en cela à ceux de son âge.

Il ne fut pas besoin de longs discours avant d’arriver au sujet : Louis s’empresse d’ouvrir sa braguette et montre sa verge maintenant circoncise. Les cicatrices autour du gland ne sont déjà presque plus visibles.

— Ça me fait tout drôle de voir le bout de ma pine comme ça ! Et puis, c’est épatant, je ne bande plus. Je dois même me forcer pour y arriver !

— Ah, et comment fais-tu pour te forcer ?

— Eh, bien ! C’est tout simple, comme ça !

Et, sans vergogne, le garçon de se branler devant le regard ébahi du père, et aussi d’Hervé qui, pour ne pas se trouver en reste, se met aussitôt à faire de même et s’unit à la joie de son copain Louis désormais délivré de son angoisse et rendu heureux.

Le père ne put que contempler les deux garçons engagés dans un concours à qui jouira le premier. Le challenge fut sans vainqueur car ils aboutirent simultanément dans un même cri de victoire.

Avant de les laisser partir, le père fit remarquer à Louis qu’il avait eu de la chance de rencontrer un copain de la trempe d’Hervé. Ce fut tout simplement parce que celui-ci avait été providentiellement envoyé par ses parents au collège Lavoisier et que tous les deux s’étaient trouvés dans la même classe !



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