Hervé (Maurice Balland) – X

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X




— Ah, les gars, c’est vachement bien, on s’amuse, et le père est vraiment sympa !

Paul Boulard exprime son enthousiasme alors qu’arrivé au coin de la rue de la Victoire, il salue ses copains avant de retourner chez lui en fin d’après-midi, un jeudi. Il lui faudra traverser toute la ville pour aller au faubourg de la Madeleine, de l’autre côté du fleuve. Les jeux du grenier l’attirent tellement, qu’il n’hésite pas à venir de si loin. Il retrouve aussi ses copains, Benoît Sauget et Hervé Morin, avec qui il s’entend bien, surtout depuis la colo.

— Vous avez de la chance, dit-il, vous ne demeurez pas loin.

— Et moi, alors ! s’écrie Louis Perrot, je suis de l’autre côté des casernes.

De fait, ce garçon non plus ne trouvait pas long le chemin à faire pour venir auprès de celui qui l’avait débarrassé de son cauchemar et à qui il s’était attaché. En quête d’amis, grâce à Hervé, il avait trouvé un groupe où il se sentait à l’aise bien que tous ne fussent pas élèves à Lavoisier, ni de la Cité des Fleurs. Ayant donc élargi son horizon, il ne s’en trouvait pas plus mal, au contraire.

Benoît et Hervé s’en retournèrent chez eux en compagnie de Bernard Landry venu pour la première fois ce jour-là et qui également ne tarit pas d’exprimer son enthousiasme.

Les garçons avaient aménagé le local à leur goût et placé dans un coin une table pour découper et coller des maquettes. Benoît apporta son train électrique pour lequel il n’avait pas grand-place à la maison, et de la sorte le mit à l’abri des ravages de son petit frère, laissant à celui-ci pour le calmer de menus accessoires peu utiles.

Un usage astucieux fut trouvé pour une pile de matelas entreposés dans les combles. Étalés, ils constituèrent un tapis où les garçons purent se livrer à des luttes. Paul qui suivait des cours de judo se fit professeur de ses camarades qui apprécièrent son enseignement d’autant qu’ils ne pouvaient s’inscrire à un club de la ville trop cher pour eux.

Le grenier devint une véritable salle de jeux où les garçons étaient en outre intéressés par les projections. Le père qui en faisait presque chaque jeudi dut louer des films pour satisfaire la boulimie de ses petits amis. Il est vrai que, pouvant manipuler l’appareil à tour de rôle, ils attendaient l’obscurité propice à d’autres manipulations autrement intéressantes dans les profondeurs de leur intimité. Ces enfants bien élevés dans l’ensemble ne cherchaient pas tellement à se satisfaire entre eux et appréciaient plutôt, chacun pour son compte, les caresses provenant de l’adulte présent au milieu d’eux.

Ce jeudi-là, donc, Bernard était venu pour la première fois. Hervé avait tenu sa promesse, et le garçon ne s’était aucunement fait prier, désireux de revoir celui qui, à la colo, lui avait dévoilé de merveilleux horizons. « Vous êtes chic ! » s’exclama-t-il à peine entré dans le bureau et voyant plusieurs morceaux de chocolat posés sur le coin de la table. Hervé avait vu juste, et le père fort avisé d’avoir suivi son conseil.

Au grenier, Bernard manipula l’appareil à son tour, comblé d’aise sous les caresses du père qui de surcroît s’amusa à introduire son index entre les lèvres goulues du garçon qui le suça comme un bébé sa tétine. Bernard fut tout volupté : cela lui partait du bas-ventre et s’irradiait jusque dans sa bouche.

— Eh, bien, tu n’es pas ordinaire, lui chuchota à l’oreille le père occupé des deux mains.

Le garçon, ravi, alors songe à l’avenir :

— Est-ce que je pourrai revenir ?

— Bien sûr, autant qu’il te plaira.

— Et tout seul aussi ?

— Naturellement, pourquoi pas ? Viens à d’autres jours que le jeudi, en revenant de l’école si tu peux.

— Chic, alors, vous êtes vraiment sympa !


Déjà, Hervé venait les mardis après-midi et arrivait vers quatre heures. Environ un mois après le retour des vacances, il avait demandé s’il ne serait pas possible de recommencer ce qu’ils avaient fait certains soirs à la colo.

Le père hésita. On n’était pas dans les mêmes conditions et il ne pourrait emmener Hervé dans sa chambre au couvent. Sa présence dans le couloir du premier provoquerait des suspicions qu’il fallait éviter à tout prix. Hervé réfléchit et, comme habituellement en pareil cas, ses sourcils prirent la forme du V signe avant-coureur de sa détermination dès qu’il trouve une solution à un problème : « Il y a les matelas au grenier ! »

Et voilà ! Pour une fois encore, il a conduit son ami à ses fins. Dès lors ils purent s’enlacer au gré de l’humeur du garçon chaque fois que celui vint seul.

Aujourd’hui, Hervé a sur le cœur un secret désir qu’il ne sait comment exprimer. Les voici tous deux dévêtus, prêts à s’enlacer quand, d’un geste, il repousse le père : « Attendez ! »

— Quoi donc ? Tu ne veux pas !

— Si, mais il y un truc que je ne vous ai pas encore dit. Qu’est-ce que vous allez en penser ?

Et d’expliquer, décrivant ce qu’il avait vu lorsqu’il surprit le couple d’amoureux dans les rochers, et en précisant un certain détail de leur comportement dont le souvenir le hante depuis plusieurs jours : « Est-ce que vous pourriez me faire pareil ? » conclut-il.

Il désirait pour lui ce que la femme avait accompli sur l’homme en prélude à l’accouplement. Le père qui ne s’étonnait plus de rien, soumis en tout à son petit ami, lui suça donc la verge et le combla d’aise par ce moyen nouveau.

— Super ! s’écria Hervé haletant et le visage radieux.

Le garçon parti, le père resta pensif, ne pouvant qu’admirer l’astuce de l’enfant qui toujours l’amène victorieusement à satisfaire les fantasmes de son imagination fertile. Que va-t-il encore inventer ?

Durant toute la soirée, le père Albin sentit bouillonner sa cervelle. En lui se heurtaient le pour et le contre au sujet des relations qui s’étaient nouées avec les enfants. Il se raisonne et tente de se persuader : « Ces garçons, je les aide à réfléchir, je contribue au progrès de leur esprit. Je les écoute, je suis pour eux une soupape de sûreté. Psychologiquement, ils tirent profit de leurs contacts avec moi. Ils s’épanouissent.

« Bien sûr, poursuit-il, on se branle ensemble. Mais ce leur semble si naturel que certainement je ne les traumatise pas. Et puis, je ne les y oblige pas, ils se livrent spontanément. Je reconnais qu’ils en tirent quelques avantages : ils disposent du grenier pour jouer, je leur passe des films, à l’un ou l’autre je fais cadeau d’un livre ou d’un disque. En y regardant de près, quoi de plus que ne font leurs parents pour se faire obéir ou les encourager à travailler à l’école : Tu auras un vélo ! ».

À l’intime de sa conscience, le père reste perplexe. Ses réflexions vont tellement à l’encontre des idées reçues. Elles ne cadrent pas davantage avec ce qu’il a appris. Son devoir le contraint de prêcher la saine morale traditionnelle. Pourtant, progressivement, s’établit en son esprit une conviction toute autre, issue de son expérience qui lui révèle une réalité bien différente de celle communément présentée. Qui a raison ?

Pour l’instant, il ne peut que confier son âme aux soins de son ange gardien. On verra !

Et voilà, comme pour l’encourager, le conforter dans ses nouvelles convictions, qu’au moment de s’endormir, lui revient à la bouche ce que pour la première fois il a savouré dans l’après-midi : la douce impression d’une verge palpitante plaquée par sa langue contre son palais à l’instant où son petit ami était secoué par les spasmes de l’orgasme.


Ce vendredi après-midi, le père Albin n’est pas sorti, il a pas mal de courrier en retard et travaille à son bureau. Entre deux lettres, son esprit s’évade et court vers l’un ou l’autre de ses garçons. De penser aux enfants décuple ses forces, lui donne du courage pour expédier ses tâches quotidiennes. Il a remarqué que depuis qu’il vit cette aventure avec Hervé, et grâce à ce garçon, ou à cause de lui — comment préciser ? — enfin, en raison de l’irruption du jeune Morin dans sa vie, il est différent, autre qu’auparavant, plus assuré en tout ce qu’il fait.

« J’ai une bonne influence sur ces garçons, pense-t-il, on me le dit souvent. S’il m’arrive de rencontrer leurs parents, ils ne cessent de me remercier. Le directeur de Saint-Jean m’a touché un mot au sujet de Paul pour me signaler que depuis la rentrée ce garçon est plus calme et plus réfléchi.

« En contrepartie, ces garçons exercent une influence sur moi qu’évidemment ils ignorent, ne connaissant pas mes problèmes intimes. Ils savent que je suis chic avec eux, cela leur suffit. Mais, au fond de moi-même, je sais très bien que si, désormais, je me sens heureux de vivre, ils y sont pour quelque chose. »

Heureux de vivre ! Comme un déclic, cette expression fait surgir de la mémoire du père l’image de Bernard Landry, le béni-bouffe-tout qui s’empiffre de chocolat et sucerait n’importe quoi de sa bouche avide. Le père se souvient comment a été sucé son index qu’il lui avait glissé entre les lèvres. « Il serait capable de me sucer tous les doigts de la main, et ceux des pieds, pourquoi pas ? Mon Dieu ! Je divague, je suis aussi fou que mes gosses ! » Tout en dialoguant avec lui-même, le père, en prévision d’une visite qu’il espère de Bernard, prépare un petit tas de chocolat sur le coin de sa table.

On frappe à la porte. Justement, c’est lui, avec sa bonne bouille ronde et ses yeux limpides.

— Entre ! Bernard, je pensais à toi.

— Oh, que vous êtes chic ! Moi aussi, je pense à vous. Je profite qu’il n’y a pas classe aujourd’hui pour venir vous voir. Vous me ferez du cinéma ?

— Mais oui, bien sûr. En attendant, voilà pour toi.

Le garçon se précipite sur la friandise. Le père s’assied et le prend sur les genoux comme il l’avait fait à la colo : « Parlons un peu, j’aimerais te connaître davantage. »

Le dialogue s’engage tandis que les mains du père s’égarent sur les cuisses de l’enfant heureux d’être blotti dans des bras si hospitaliers. Il parle de l’école Saint-Jean que le père connaît déjà. Il lui fait connaître néanmoins quelques détails qui l’ont frappé comme demi-pensionnaire. La nourriture de la cantine ne lui plaît pas tellement, il y a trop souvent des haricots et des lentilles et la viande est toujours dure. Les élèves ne s’en plaignent pas trop, du moins dans l’ensemble, mais lui, il trouve ça infect. Pourtant, il mange autant qu’il peut car il a toujours faim. « C’est bien le béni-bouffe-tout », pense le père qui, tout haut, poursuit :

— Si tu manges tant que cela, c’est que tu dois certainement avoir le ver solitaire !

Bernard rit de bon cœur.

Le père désire savoir comment vont les choses à la maison. Il apprend que Bernard a un frère et une sœur plus âgés que lui qui est le troisième. Le père devine qu’on le gâte un peu et ne s’étonne pas de sa gourmandise. La mère du garçon est vendeuse aux Dames de France et son père comptable dans une entreprise de construction. Ce métier ne lui plairait pas, il aimerait devenir aviateur.

— Ah, oui, pour monter en l’air, c’est valable ! interrompt le père qui suggère : En attendant, on pourrait monter au grenier.

Bernard s’esclaffe, puis, ne tenant plus, tant il est impatient d’y aller, se précipite dans l’escalier dont il gravit les marches quatre à quatre. Enfin ! Le voilà à manipuler l’appareil tout en recevant les caresses attendues.

Par plaisanterie, et comme l’autre jour, le père lui a glissé entre les lèvres un index que le garçon suce goulûment.

— Ça t’amuse ?

— Ah, ça ! Et je vous sucerais bien tous les doigts !

— Mes doigts de pied encore, si tu veux !

— Vous rigolez ?

Cependant dans la cervelle de Bernard, une curiosité le taraude. De sa main libre, il explore et cherche quelque chose du côté de la braguette de son compagnon. Surpris, mais intéressé, le père propose par boutade :

— J’ai un doigt là. Tu veux le sucer ?

— Chiche !

Interloqué, car, tout de même, il ne s’attendait pas à le voir accepter, le père se sent dépassé et ne sait s’il doit réagir. « Et puis, pourquoi pas ? » se décide-t-il, et laisse Bernard lui ouvrir la braguette, sortir, puis sucer l’extraordinaire friandise que le garçon semble savourer d’une façon non moins extraordinaire.

— Comment as-tu eu une telle idée ?

— C’est à la colo, deux jours avant la fin. Pour chercher du chocolat, j’étais allé à la réserve pendant la sieste, étant sûr qu’il n’y avait personne et qu’on ne me verrait pas. Et puis est entré le frère économe. Je me suis planqué derrière un casier. Il était avec un moniteur, le plus jeune, vous vous rappelez, celui qu’on appelait le Castor, et je les ai vus, le frère l’a branlé, puis il s’est fait sucer la pine. Ça m’a semblé drôle, mais ils avaient l’air rudement contents tous les deux. J’ai voulu faire pareil avec vous, puisque vous me branlez, vous pourriez bien être sucé aussi. Et voilà !


Que les enfants sont inventifs et audacieux lorsqu’ils sont dans une situation leur permettant de s’exprimer en toute spontanéité !



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